Évaluer des compétences Guide pratique François-Marie GERARD avec la collaborat
Évaluer des compétences Guide pratique François-Marie GERARD avec la collaboration de Christian LANNOYE Préface Quand quelqu’un est-il compétent ? Quelqu’un est compétent quand, placé dans des situations qui impliquent de résoudre un certain type de problèmes ou d’effectuer un certain type de tâches complexes, il est capable de mobiliser efficacement les ressources pertinentes pour les résoudre ou les effectuer, en cohérence avec une certaine vision de la qualité. Ainsi donc, le développement des compétences suppose la confrontation à des situations variées et complexes, avec leur lot de contraintes (dont certaines sont levables et d’autres non) et de ressources (directement accessibles pour les unes, indirectement accessibles pour les autres). L’approche par compétences s’inscrit donc bien dans une approche contextualisée et dans le paradigme de l’action située. Ainsi donc, le développement des compétences conduit à l’apprentissage de la mobilisation des acquis. On entend par là ce processus complexe fait d’analyse des situations, d’identification des ressources pertinentes (savoirs, savoir-faire, savoir-être), de combinaison adéquate de celles-ci, de leur mise en œuvre correcte et de contrôle des produits. Ce processus complexe sera d’autant plus facile à développer que le répertoire (cognitif et autre) de l’apprenant est bien organisé, que celui-ci a été confronté à un éventail suffisant de situations et qu’il a été suffisamment bien accompagné dans cet apprentissage. Ainsi donc, le développement des compétences implique aussi une vision de la qualité des processus et des produits de la compétence. En fonction de la conception qu’un enseignant a de la qualité, par exemple, de la production écrite, il ne développera pas les mêmes compétences chez ses élèves. L’auteur du présent ouvrage sur l’approche par compétences (APC) est-il compétent ? Si l’on reprend les trois grandes caractéristiques précitées, la réponse va de soi. François-Marie Gerard a été confronté à des situations aussi variées que nombreuses dans sa carrière professionnelle : mise en place de l’APC dans une dizaine de pays répartis sur plusieurs continents ; formation d’enseignants, de conseillers pédagogiques, d’inspecteurs, de directeurs d’établissements, de formateurs, de cadres ministériels ; rédaction de curriculums, de manuels scolaires, de supports de formation ! Cette expérience l’a amené à mobiliser des ressources de toutes natures : des ressources puisées dans des disciplines variées, compatibles avec des niveaux d’éducation qui vont du préscolaire à l’enseignement supérieur, reposant sur des socles culturels différents selon les pays. Mais c’est aussi quelqu’un qui a une vision de la qualité à attendre des systèmes éducatifs : non pas la qualité en termes de développement d’un haut niveau de compétences au profit d’une sélection des meilleurs, mais une éducation de qualité pour tous. Un enseignant est d’autant plus compétent qu’il est capable de faire faire de grands progrès, non seulement à ceux qui au départ sont les plus performants, mais surtout à ceux qui au départ ont le plus besoin de lui. Évaluer des compétences : guide pratique 2 Version 2.2 imprimée le 23/05/07 FMG/BIEF © 2007 Cet ouvrage permettra-t-il de rendre ses lecteurs compétents en APC ? En référence aux caractéristiques précitées, on peut dire que les ingrédients sont présents pour répondre affirmativement. Dans chaque séquence, le lecteur est confronté à une situation, est amené à l’analyser, prend conscience de la nécessité d’apprendre des savoirs et des savoir-faire complémentaires et de les organiser, est conduit à imaginer d’autres situations dans lesquelles il pourra mobiliser ces nouveaux acquis. Par l’attention accordée à l’élaboration des critères d’évaluation et à leur utilisation en situation, le lecteur se forge progressivement une vision de la qualité du processus éducatif. L’auteur de cet ouvrage a suffisamment d’expérience et de lucidité pour ne pas s’imaginer qu’un lecteur tout à fait neuf pourrait seul, sans accompagnement complémentaire, développer une APC performante après avoir parcouru l’ensemble des séquences. Mais, par sa conception basée sur un paradigme « pratique – théorie – pratique », cet ouvrage est un excellent support de formation pour plusieurs catégories d’acteurs : un ouvrage auquel l’enseignant se référera dans sa pratique ; un document de référence pour les responsables ; un matériel de formation pour ceux qui ont la tâche de former les enseignants à mettre en place l’APC dans un contexte de réforme des curriculums. S’il existe beaucoup d’ouvrages parlant de la compétence, cet ouvrage est l’un des rares qui développe les compétences nécessaires pour la mettre en œuvre. Il ne s’agit donc pas d’une « œuvre de salon », mais d’un « ouvrage pour l’action ». Jean-Marie DE KETELE Évaluer des compétences : guide pratique 3 Version 2.2 imprimée le 23/05/07 FMG/BIEF © 2007 Les compétences dans l’enseignement La plupart des systèmes éducatifs actuels sont orientés vers le développement des compétences. Si cette notion n’est pas toujours comprise de la même manière et si les travaux pour asseoir sa base conceptuelle doivent encore être approfondis, l’approche par les compétences – souvent connue sous l’appellation APC – tend à s’imposer. L’éclosion de la notion de compétence n’est pas neutre si on la resitue dans le cadre de la mondialisation. Une des portes d’entrée principales de la compétence fut en effet le monde des organisations professionnelles qui a introduit trois dimensions essentielles (BOSMAN, GERARD & ROEGIERS, 2000) : • d’une part, celle de l’originalité. Il n’y a pas de solutions toutes faites à tous les problèmes. Est compétent, celui qui peut face à un problème spécifique, et parfois inédit, apporter une réponse idoine, même si celle-ci ne fait pas partie du « code des procédures » ; • d’autre part, celle de l’efficacité. Il ne s’agit pas d’apporter n’importe quelle réponse. Est compétent, celui qui peut trouver la réponse qui permettra à l’organisation de réaliser au mieux ses objectifs, pour le bien collectif ; • enfin, celle de l’intégration. Il n’existe plus de solutions isolées — à part quelques exceptions miraculeuses. Est compétent, celui qui propose une solution qui prend en compte l’ensemble de l’environnement, que celui-ci soit proche — l’atelier, l’entreprise, le cadre de vie, les clients —, ou lointain — le pays, les communautés transgouvernementales, le monde… Dans le monde de l’enseignement, la notion de compétence apparaît également dès le début des années 19901. Loin d’être une rupture, cette apparition est en continuité avec l’évolution humaine du rapport au savoir et à l’apprentissage (DE KETELE & HANSSENS, 1999) : • en remontant à l’Antiquité, ce rapport s’inscrit dans la tradition des fondements. Le savoir est constitué de ce qu’en ont dit les grands auteurs – Socrate, Platon, Archimède, Aristote, Thomas d’Aquin, Saint Augustin… – et l’apprentissage consiste à s’imprégner de la sagesse de ces auteurs en traduisant et en commentant des extraits. En grec, sagesse et connaissance se traduisent d’ailleurs par le même mot sophia ; • néanmoins, petit à petit, les connaissances s’accumulent et avec l’arrivée du modernisme classique encyclopédique, à partir du XVIe siècle, naît le projet de rassembler toutes ces connaissances en une seule somme, dont l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (1750) est l’exemple le plus connu. Le savoir se concrétise dès lors dans cet ensemble soi-disant défini des connaissances validées par la communauté scientifique, et apprendre consiste à acquérir le plus possible de ces connaissances et à pouvoir les restituer de manière fidèle, voire à les appliquer2 ; 1 Ce qui ne veut pas dire que le concept de « compétence » ne date que des années 1990, comme en témoigne notamment le texte de Jean CARDINET Compétences, capacités, indicateurs : quel statut scientifique ?, publié une première fois dans les Actes des Rencontres sur l’Évaluation de mai 1982, publiés par le CEPEC de Lyon et repris en 1986 dans l’ouvrage CARDINET, J. Évaluation scolaire et pratique, Bruxelles : De Boeck Université, pp. 129-138. Dans le monde anglo-saxon, le concept apparaît vers la fin des années 1970, par exemple chez SPADY, W.G. (1977). Competency Based Education : A Bandwagon in Search of a Definition, Educational Researcher, 1, 6, 9-14 ; ou encore chez BLOCK, J.H. (1978). The « C » in C B E, Educational Researcher, 7, 13-16. 2 Il est important de constater que ces connaissances encyclopédiques englobent totalement ce Évaluer des compétences : guide pratique 4 Version 2.2 imprimée le 23/05/07 FMG/BIEF © 2007 • le modernisme scientifique expérimental apparaît au cours du XIXe siècle. Il ne suffit plus de lire quelque chose pour le considérer comme acquis, encore faut-il pouvoir le prouver, l’expérimenter, explorer d’autres voies. En pédagogie, ce courant donnera naissance à la pédagogie par objectifs. L’important n’est plus ce que doit « savoir » l’apprenant, mais ce qu’il doit savoir « faire » avec ce qu’il sait. Il s’agit là d’une véritable révolution dans le monde pédagogique. Malheureusement, les dérives de la pédagogie par objectifs ont conduit à « saucissonner » tous les apprentissages en « micro-objectifs », mûrement enseignés et contrôlés, sans (plus) jamais se poser la question de savoir ce que finalement l’apprenant est capable de faire de manière globale et du sens des apprentissages pour l’apprenant ; • le postmodernisme professionnalisant, qui apparaît à la fin du XXe siècle, sera une réponse à cet écueil. Savoir devient être à même de résoudre les situations de uploads/Management/ evaluation-pdf 1 .pdf
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- Publié le Nov 03, 2022
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