EDITORIAL 555 auteurs, 37 numéros, Hermès a 15 ans En 15 ans, Hermès a été témo

EDITORIAL 555 auteurs, 37 numéros, Hermès a 15 ans En 15 ans, Hermès a été témoin, et acteur, des formidables mutations qui affectent la communication. Ce fut d'abord la dérégulation de l'audiovisuel, l'apparition de secteurs privés forts, puis le câble et le satellite ont facilité la fragmentation de l'offre et le début de la communication à la demande. Avec le changement technique, les chaînes thématiques, notamment d'information, se sont développées, puis les bouquets satellites ont agrandi encore le spectre. Internet a contribué ensuite à infléchir le comportement des usagers, surtout chez les jeunes. L'élargissement et la diversification de tout ce qui concerne l'information, les services, les loisirs, l'éducation, ont transformé le champ de la communication. Celle-ci a pénétré tous les aspects de la vie quotidienne, modifiant les comportements et les habitudes, jusque dans la politique. Au delà des techniques, la communication est devenue le symbole naturel de la modernité. Au plan international la mondialisation technique a rencontré la globalisation économique, avec la fin du conflit Est/Ouest. Le «village global» devint une réalité technique au moment où l'économie de la communication prenait son essor, avec la fantastique concentration mondiale des industries culturelles et de la communication. Les autoroutes de l'information, puis le thème étrange de la société de l'information sont devenus le symbole du progrès. Il n'était question que de cosmopolitisme et de culture mondiale. La puissance financière garantissait la diversité culturelle, présentée comme la suite naturelle, et logique du village global. Tout n'était que relation et interaction, avec seulement des pays en avance et d'autres en retard. Nous n'avons pas été nombreux, à l'époque, à vouloir dissiper l'illusion du village global. De toute façon ni cette «nouvelle frontière», ni les utopies démocratiques d'Internet, n'ont suffi à créer un monde meilleur: on a découvert l'incommunication culturelle, une visibilité encore plus grande des inégalités, la montée des intolérances, des terrorismes et des guerres. Le rêve un peu naïf de la mondialisation économique et technique comme condition de la paix s'est heurté aux dures lois de l'Histoire et des injustices. Voir l'Autre n'a pas suffi à le rendre plus compréhensible. D'autant que cet Autre, est souvent le Sud, partenaire bien inégal de cette «révolution mondiale de l'information et de la communication». Passé le moment de fascination pour ces outils et la demande justifiée, d'en profiter, le Sud se demande de plus en plus où est dans tout cela le modèle universel de l'information et de la communication, tant vanté par le Nord ? D'autant que le même HERMÈS 37, 2003 9 Les quinze ans d'Hermès, 1988-2003 Nord détient la maîtrise technique, économique, mais aussi culturelle et cognitive. Si, il existe 6, 5 milliards d'habitants de la planète, 4, 5 milliards de postes de radio, 3, 5 milliards de postes de télévisions, plus d'un milliard de téléphones portables et moins d'un milliard d'ordinateurs, chacun devine les inégalités. D'ailleurs avec la naissance des mouvements altermondialistes, à partir de janvier 2000, c'est cette référence naïve à la mondialisation comme condition d'un monde meilleur qui est mise en cause. Non seulement le monde multipolaire du XXIe siècle est plus dangereux que le monde fini du XXe siècle, mais en outre le fait qu'il soit ouvert et visible accentue la naissance d'une vision critique. L'information et la communication ont rencontré de plein fouet, les forces et les contradictions de la technique, de l'économie et de la politique. Durant ces 15 années la communication a ainsi émergé au plan mondial comme un des enjeux politiques et culturels majeurs du XXIe siècle, avec l'opposition de deux philosophies, l'une technique et économique, l'autre humaniste et démocratique. En un mot on est passé des performances techniques, des miracles économiques, et des mirages symbolisés par la bulle spéculative d'Internet (1999-2001) à un retour de l'Histoire et de la politique, où l'enjeu de la cohabitation culturelle au niveau mondial constitue la symétrique de cette explosion de la communication. Toute réflexion sur la communication est donc liée, à une problématique politique, et plus généralement à une philosophie de l'histoire. Ceci requiert alors beaucoup de connaissances et de théories pour essayer de s'affranchir des discours techniques, économiques, politiques qui ont totalement envahi le domaine de la communication. C'est le rôle d'Hermès, depuis 15 ans de contribuer, avec d'autres, à construire ces connaissances à la fois d'un point de vue théorique, empirique, historique, et comparatif. Tâche d'autant plus importante que dans l'emballement qui caractérise la communication depuis une génération, la demande de connaissances est bien faible dans les disciplines d'histoire, économie, sociologie, science politique, anthropologie, philosophie... Même si l'Université, plus que le CNRS, a construit des filières d'enseignement. Il y a d'ailleurs un réel décalage entre la demande forte, de la part des étudiants, et d'autre part le peu de curiosité qui existe chez une bonne partie du monde académique, des journalistes, hommes politiques, hauts fonctionnaires pour tout ce qui concerne les questions théoriques de communication, culture et société. Comme si les jeunes, de plain-pied avec la communication, en percevaient déjà la complexité anthropologique et politique, alors que les plus anciens n'y voient encore que des recettes, de la manipulation, et des logiques formelles. Pourtant les enjeux sont considérables et, de l'échelle individuelle à la collectivité, de l'Etat Nation, à la mondialisation, on ne sait guère comment les individus et les sociétés vont finalement accepter ou refuser de vivre dans cet univers encombré d'informations, de rumeurs, de signes, d'images, d'interactions, de services techniques, mais où l'intercompréhension, le respect de la diversité culturelle et tout simplement l'intérêt pour l'autre n'auront pas forcément changé. 10 HERMÈS 37, 2003 Les quinze ans d'Hermès, 1988-2003 En réalité, ce sont les rapports entre information, culture et communication, qui deviennent à la fois de plus en plus visibles, et de plus en plus compliqués. Nous, chercheurs, universitaires, si nous n'avons pas toujours de réponses, au moins, nous savons que bien poser les questions est important. Et qu'en tous les cas, plus il y a de technique, de service, d'économie, plus il faut un effort intellectuel, et théorique, pour construire les cadres des connaissances susceptibles de penser cette «révolution de la communication». Faut-il attendre la aussi les crises pour découvrir l'utilité et l'importance des sciences humaines et sociales? Face aux promesses techniques, aux mirages économiques et aux utopies sociales et politiques, il faut prendre de la distance. Admettre que les hommes et les sociétés ne sont pas en ligne avec les réseaux. Sortir de la technique et de l'économie pour réintroduire l'histoire et les sociétés, les hommes et les projets. Hermès, revue scientifique, participe à cet effort. Et nous l'avons fait, avec une certaine joie et liberté d'esprit. Il y eut beaucoup de travail dans ces 37 numéros. Merci pour tout cela aux 535 auteurs et aux membres du Comité et du Secrétariat de rédaction. L'immensité de ce domaine, intellectuel et scientifique, et l'obligation de l'aborder de manière interdisciplinaire nous rend à la fois modestes, mais libres. Il y a tout à faire et penser. Certains numéros de la revue ont profondément marqué ce domaine, en permettant d'élargir les perspectives. Si la génération des années 1960 fut celle des précurseurs pour les recherches sur la communication, la nôtre, depuis les années 1980 est sans doute aussi pionnière car nous sommes les témoins de l'explosion de l'information et de la communication devenue à la fois enjeu d'un gigantesque changement scientifique technique, économique et politique. Si depuis 15 ans la technique et l'économie dominent nous savons bien que l'essentiel se jouera sur le mode culturel, social et politique. Vivre dans un monde plus visible, ne le rend pas forcément plus compréhensible, ni plus tolérable. «La fin des distances physiques révèle l'étendue des distances culturelles». Et penser les conditions à partir desquelles information et communication peuvent faciliter une certaine compréhension, où en tout cas le respect et le dialogue des cultures au niveau mondial, est sans doute un des défis à la fois théoriques et politiques les plus importants du siècle a venir. Produire des connaissances, évaluer les expériences, introduire du comparatisme, construire l'histoire de ce champ, s'ouvrir à de nombreuses problématiques tel est l'objectif de la revue depuis 15 ans. En fait tout ceci est possible, non seulement parce que ce champ de connaissances est neuf et interdisciplinaire, mais aussi parce que Hermès a toujours été un lieu de rencontre. Un carrefour de destins individuels et scientifiques pour des personnalités qui par des chemins différents éprouvent toutes l'impérieuse nécessité d'une réflexion théorique sur la communication. Pas une école théorique, mais un milieu, un lieu de rencontre, avec l'acceptation d'un travail difficile interdisciplinaire, dont la richesse se voit dans la variété des thèmes abordés. Comme toujours, les revues qui réussissent dans l'histoire sont la rencontre HERMÈS 37, 2003 11 Les quinze ans d'Hermès, 1988-2003 d'une grande question scientifique, littéraire ou politique et la création d'un milieu amical où la liberté de penser et la tolérance mutuelle permettent de travailler ensemble. En un mot une certaine ambition nous rassemble: accorder à l'information, la communication et la culture la place qui est la leur au cœur de nos sociétés, uploads/Management/ hermes-2003-37.pdf

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  • Publié le Oct 18, 2022
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