Histoire de l'audiovisuel Jérôme Bourdon Jacqueline Joubert Par Frédéric Robins
Histoire de l'audiovisuel Jérôme Bourdon Jacqueline Joubert Par Frédéric Robinson 1ère année Master Gestion de patrimoine audiovisuel ‐ 2011‐2013 Jacqueline Joubert est le personnage féminin de la genèse de la télévision française. A partir du 25 Mai 1949, elle passa six ans de sa vie à être à la fois le visage, la voix et le sourire français. C'est à travers des centaines d'heures télévisées qu'elle joua son rôle de speakerine pour devenir ensuite présentatrice de variété et enfin productrice et réalisatrice dès 1966. Un parcours télévisuel hors du commun puisqu'elle se passera progressivement de sa présence à l'écran alors qu'à cette époque des producteurs comme Guy Lux produisait des émissions pour nourrir leur vocation première, celle de présentateur. Disparue en 2005, quelques années plus tôt elle se plaisait encore à dire ironiquement qu’il ne fallait "jamais avoir des idées à la télévision française" pour y réussir. Elle est en fait bel et bien à la source de nombreuses d'entre elles qui ont défini le cadre et les axes de la grille télévisuelle actuelle et l'humilité dont elle fera preuve tout au long de sa vie est un exemple pour tous les professionnels de la télévision. Une speakerine emblématique La semaine du 30 Septembre 1981 le magazine "Télé Poche" publiait un jeu s'intitulant "le jeu des speakerines" qui avait pour but de mettre à l'épreuve les téléspectateurs sur leur connaissance de la vie des speakerines. Le rédacteur de ce jeu, dont le nom me reste inconnu, y décrit ces 12 femmes que l'on appelle officiellement "présentatrices" depuis 1975, et qui alors représentaient les différentes facettes des différentes chaines de télévision française. Fabienne Égal, Denise Fabre, Evelyne Dhéliat ou Michelle Maillet sont quelques‐unes de ces figures télévisuelles qui hériteront de cette mission d'ambassadrice que Jacqueline Joubert, avant l'éclatement de l'ORTF, remplissait en jouissant d'un certain monopole visuel. Suite à l'adoption du standard d'émission et d'affichage à 818 lignes et suite à la création de la RTF, la télévision reste encore dans sa phase expérimentale jusqu'en 1955. Le peu de soutien politiques ou financiers dont elle bénéficie arrive tout de même à nourrir un certain mépris général et une jalousie de la part des professionnels du cinéma, du théâtre et de la radio envers cette nouvelle héritière du programme culturel français. Néanmoins, pour le gouvernement en place "la télévision pouvait devenir une réserve de symboles visuels de la nation. Elle pouvait aussi concrétiser les liens entre le cœur du pouvoir et la périphérie en permettant une communication directe à sens unique entre les nouveaux dirigeants et leurs citoyens." 1 La speakerine est alors perçue comme un réel symbole de la nation française, et c'est pourquoi la RTF organise en 1949 un concours de sélection où Jacqueline Joubert et Arlette Accard seront retenues. Parmi les 20 heures de programmes proposées chaque semaine, elles prennent place en s'adressant directement au téléspectateur pour l'informer sur les programmes qu'il va suivre. Cette même année se met en place le premier journal télévisé qui est présenté par Pierre Sabbagh. Jacqueline Joubert se démarque vite par son charme auxquels les téléspectateurs ne sont pas insensibles. Lorsqu'elle conclut les programmes de la journée par la formule "Faites de beaux rêves", elle instaure sa proximité et sa popularité auprès des français. Elle‐même considère d'ailleurs que la speakerine est le lien entre "le monstre" (la caméra et la technique télévisuelle) et le téléspectateur.2 En 1955, lors de son retour à l'antenne après son accouchement on lui propose des horaires insensés pour un salaire ridicule. Face à une redondante dévalorisation de son travail par la direction de la RTF elle préfère démissionner de son poste de speakerine qu'elle qualifiera de poste de "femme objet" dans un monde d'hommes tout en rappelant la difficulté de combler une diffusion techniquement peu fiable. De l'actrice à la présentatrice En tant que comédienne de théâtre, Jacqueline Joubert a participé à différents programmes télévisuels et évènements où elle a pu mettre en lumière ses talents d'actrice ou bien ceux d'autres artistes. Ses propositions d'émissions dessineront ce que l'émission de variété pourra proposer par la suite. C'est aux côtés de Georges de Caunes qu'elle se met en scène dans "Voulez‐vous jouer avec nous?", un programme de variété diffusé courant 1950 sur la vie quotidienne à Paris et agrémenté de traits d'humour. Avec une simple caméra 16mm et sans prise de son, ils allaient au devant des Parisiens, les côtoyaient et leur faisaient jouer dans de courtes séquences. En 1951, elle obtient une tranche de 10 minutes à raison de 5 fois par semaine où elle propose à de nombreux artistes de venir faire leurs premières armes ou bien de confirmer leur talent. "Rendez‐vous avec" est donc dans un premier temps un rendez‐vous en direct qui sera transformé par la suite en une émission de 30 minutes le samedi soir à 20h30 après une disparition passagère de la grille. 1951 est aussi marqué par "Comme il plaira à la speakerine" où Jacqueline Joubert se permet de demander à des personnalités de s'exercer à une activité qu'elles ne pratiquent pas du tout. Les téléspectateurs ont pu ainsi voire Jeanne Moreau faire du patin à roulettes.3 "En 1952 apparaissent deux émissions tout à significatives des lignages à l’œuvre lors de ces véritables débuts de la télévision (le journal télévisé date de 1949) : La joie de vivre d'Henri Spade et 36 Chandelles de Jean Nohain." 4 Dans cette première émission, Jacqueline Joubert confirme son aisance dans le poste de présentatrice et lui offre une présence plus longue à l'antenne car ce programme dure environ une heure. Cette émission totalise entre 1952 et 1959 plus de 200 numéros. On y reçoit de façon assez récurrente les chanteurs ou comédiens de l'époque comme Edith Piaf, Yves Montand, Charles Trénet, Jean Yanne, ou Danielle Darrieux. Grace à l'échange en relais direct de programmes communs à différents pays d'Europe, une idée de Jean d'Arcy en 1954, le concours de l'Eurovision devient possible. Pour la présentation des chansons lors de l'Eurovision de 1959 en direct de Cannes, Jacqueline Joubert devient la maitresse de cérémonie attitrée de l'émission lorsqu'elle se produit en France puisqu'elle la présentera à nouveau en 1961. Dans 16 pays d'Europe dont l'Angleterre, l'Italie et l'Allemagne on (re)découvre alors la présentatrice. Toujours dans le cadre de la promotion d'artistes musiciens, elle amorce son parcours télévisuel tourné vers la jeunesse et entouré par des jeunes en 1963 avec son rôle de productrice et de présentatrice de l'émission "Jeunesse oblige". Le programme prend le ton du dynamisme et laisse les jeunes dialoguer librement sous l'orchestration bien dissimulée par le naturel de la présentatrice. Ce dispositif se poursuit après le remaniement de la RTF en ORTF sur la première chaine jusqu’en 1966 et en proposant une réelle place aux jeunes à la télévision. De la réalisatrice à la directrice du département de la jeunesse La carrière de Jacqueline Joubert et ses ambitions sont jalonnées d'obstacles imposés par l'aspect hyper‐masculinisé du milieu de la télévision de l'époque. Ainsi, ce n'est qu'après avoir participé à des nombreuses heures de télévision et trouvé des alliés tel que le réalisateur Jean Laviron qu'elle se passera de sa propre présence à l'écran pour satisfaire son projet de réalisatrice. Définitivement cantonnée par ses confrères au monde de la variété, en 1966 elle commence cette nouvelle expérience avec l'émission "Paris club" entre 12h30 et 13h présentée par Jacques Chabannes et Roger Féral qui traitent ensemble de l'actualité culturelle essentiellement parisienne. A partir de cet instant, elle affirme son intention de participer à la conception d'émissions. Notamment avec "Entrez dans la confidence" elle solidifie ses acquis en matière de réalisation entre 1967 et 1970. Elle gère la mise en image de nombreuses interprétations en play‐back de chanteurs populaires entrecoupés de reportages biographiques mais aussi d'interviews en différés. En 1971, Xavier Larère, l’un des patrons de l’ORTF, lui confie la responsabilité du service des reportages et des variétés qu'elle quittera deux ans plus tard pour créer le département jeunesse de l’ORTF à la place de l'ancien "service de la jeunesse" qu'elle "dépoussière". C’est à cette occasion qu’elle découvre la jeune Frédérique Hoschedé (rebaptisée Dorothée) qu’elle place à la présentation des "Mercredis de la jeunesse". Après 1974, l’éclatement de l’ORTF, Armand Jammot lui propose d'être Directrice du service des variétés d’Antenne 2. Puis en 1978, avec l'approbation du nouveau PDG Maurice Ulrich, elle se charge de créer et de diriger le service de la Jeunesse d’Antenne 2 qui conçoit alors Récré A2 pour permettre aux enfants de "s’instruire en s’amusant". L'émission reçoit le 7 d'Or de la meilleure émission jeunesse en 1986 et se termine avec le départ de Dorothée vers TF1 l'année suivante. Le PDG d’Antenne 2, Claude Contamine, retire à Jacqueline Joubert la responsabilité de l’unité jeunesse pour un vague poste de conseillère dans lequel elle ne s'épanouie pas. Le 31 décembre 1990, alors qu'elle s’occupe des fictions jeunesse pour Antenne 2, dans le journal télévisé de Bruno Masure, elle annonce alors sa décision de prendre définitivement congé de la télévision. Notes 1 Histoire Globale uploads/Management/ histoiredelaudiovisuel-master1gestionpatrimoine-fredericrobinson.pdf
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- Publié le Sep 11, 2022
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