Formation « Evaluation » 1-4 décembre 2007 à Lyon L’entretien comme outil d’éva
Formation « Evaluation » 1-4 décembre 2007 à Lyon L’entretien comme outil d’évaluation Jean-Christophe Vilatte Laboratoire Culture & communication Université d’Avignon Formation « Evaluation » 1-4 décembre 2007 à Lyon - 2 - I. Quelques généralités sur l’entretien L'entretien avec le questionnaire et l'observation est un outil d’évaluation très usuel. La réflexion théorique sur les entretiens s'est développée, les techniques d'entretien se sont également diversifiées, par exemple : entretien rétrospectif, entretien d'anamnèse, entretien d'enquête sociale, entretien compréhensif, entretien clinique, entretien d'explicitation, entretien exploratoire, entretien biographique.... la liste est longue, chaque type d’entretien étant sous bien des aspects différent des autres entretiens et recueille donc des données ou des informations qui seront également différentes. Ce qu’il est important ici de ne pas oublier, c’est que le choix d’un type d’entretien joue sur l’évaluation que l’on va faire, sur les résultats que l’on va obtenir. Le choix d’un type d’entretien n’est donc pas neutre. Dans le cas de l’évaluation des musées ou expositions, les entretiens les plus couramment utilisés sont l’entretien semi- directif et l’entretien non-directif. L'approche d’une théorie de l’entretien est complexe du fait qu’il n'y a pas une technique précise d'entretien. Il y a toutefois un consensus, certains principes sont communs aux différentes approches, certaines règles sont à respecter pour que l’on puisse parler d’entretien. L'origine de l'entretien est multiple. L'outil est antérieur aux méthodes des sciences humaines et sociales et fait partie du langage diplomatique : il s'agit d'une conversation d'égal à égal entre deux chefs d'états ou deux souverains. En psychopathologie, l’entretien a surtout été favorisé par l'approche psychanalytique. Freud refusa la méthode cathartique (guérison par la suggestion) pour une méthode où le patient analyse son propre discours. L'entretien psychanalytique est particulier. C'est un entretien de type interprétatif, c'est le psychanalyste qui donne les clefs pour comprendre le sens des propos. Certains auteurs vont dénoncer la dissymétrie de la relation thérapeute - patient, le pouvoir du thérapeute, la relation de dépendance du patient. En réaction à la cure psychanalytique, Carls Rogers propose dans les années 1940 une approche particulière de l’entretien : l'entretien non-directif. Quand on parle d'entretien en sciences humaines et sociales, la référence à cet auteur est fréquente. Il y a une réflexion intéressante chez cet auteur sur la technique opératoire de conduite d'entretien. Son approche de l'entretien dépasse le cadre thérapeutique pour un cadre plus général : celui de la communication. L'entretien psychanalytique aussi intéressant soit-il, avec la notion de transfert et de contre-transfert, suppose des compétences particulières de la part de l'interviewé (de passer par l’analyse), ce que ne sollicite pas l'entretien rogérien qui demande quand même certaines compétences (écoute, empathie, congruence, ….). De nombreux médiateurs d’art sans le savoir font ou s’inspire dans leur pratique de l’entretien non-directif. Dans ce dossier, il s’agira surtout de présenter l’entretien non-directif, avec un double objectif : comprendre cette technique Formation « Evaluation » 1-4 décembre 2007 à Lyon - 3 - d’évaluation ou de recherche, mais aussi réfléchir en tant que médiateur à sa propre relation avec le visiteur. En 1926, Piaget dans la Représentation du monde chez l'enfant justifie l’entretien comme étant la seule approche possible pour traiter des modes du fonctionnement mental de l'enfant. Il fondera une méthode qu'il appellera « entretien critique » qui repose entre autres sur la contre-argumentation : lorsque l’enfant propose une réponse à la question posée Piaget lui suggère une réponse opposée à la sienne (« si toi tu me dis cela, il faut que tu saches que Pierre lui m’a dit ceci [le contraire]….. alors qu’en penses-tu ? C’est toi ou Pierre qui a la bonne réponse ?». Pour Blanchet1, l'entretien de recherche est né en sociologie pour la première fois en 1929 dans une étude sur les conditions de productivité à la Western Electic, avec mise en évidence de l'importance des relations interpersonnelles dans la motivation au travail. Il ne s'agit plus seulement d'attendre les réponses des enquêtés aux questions des enquêteurs mais de s'intéresser aux propos, aux questions, des enquêtés. L'approche expérimentale de l'effet des conditions de travail sur le rendement ne permettait pas de dégager des résultats fiables. L'entretien de recherche résulte d'une démarche de recherche-action. Dans leur démarche expérimentaliste, les chercheurs de l'école de Würtzburg (Bülher) complètent chaque mesure de l'effet d'une stimulation (chaque test) par une démarche introspective (ils demandent au sujet de commenter ce qu’ils viennent de faire dans le test). Dilthey en développant l'approche biographique milite pour une psychologie des représentations du monde et des perceptions internes des propres états du sujet. 1. Quelques principes liés à l'entretien Choisir l'entretien comme outil d’évaluation, c'est choisir d'établir un contact direct avec les personnes pour récolter les informations. C'est le phénomène d'interaction qui est privilégié. L'entretien est un moment de parole durant lequel un intervieweur extrait une information d'un interviewé (dans son acte de parole) sur des actions passées, des savoirs sociaux, sur ses valeurs, normes, représentations…. Cette information était contenue dans l'ensemble des représentations associées aux événements vécus par l'interviewé. L'information a été expérimentée, absorbée par l'interviewé qui la restitue durant l'entretien avec déformation : orientation, interprétation par rapport à son expérience. La subjectivité est l'une des propriétés des entretiens. L'entretien permet donc de comprendre le rapport du sujet au fait, plus que le fait lui-même (ne pas tomber dans le piège, s'il dit cela, c'est que ça se passe comme ça....). L’entretien relève du déclaratif2. 1 Blanchet (A.), Gotman (A.). L'enquête et ses méthodes : l'entretien. Paris : Nathan université, 1992 2 C’est ainsi qu’un interviewé qui déclare aimer l’art contemporain, se rendre dans toutes les manifestations d’art contemporain peut être un piètre pratiquant. La question n’est pas de savoir s’il ment Formation « Evaluation » 1-4 décembre 2007 à Lyon - 4 - Dans un entretien, il s'agit de donner la parole à l'autre afin de mieux connaître sa pensée, de l'appréhender dans sa totalité, de toucher au vécu de l'autre, à sa singularité, il s'agit de toucher à l'autre dans son historicité. Dans un entretien, on ne se contente pas de réponses ponctuelles, mais de « réponses – discours », il s’agit de laisser l’interviewé parler, développer son point de vue sans chercher en tant qu’intervieweur à lui imposer son propre point de vue. C'est une technique qui est dite qualitative, on cherche à comprendre l'autre. Il s’agit d’une méthode souple, non rigide, qui cherche à s'adapter aux circonstances, au contexte, à l'individu. À partir de l'entretien, les faits psychologiques et sociaux sont supposés pouvoir être appréhendés et compris à travers les représentations véhiculées par la parole, à travers l'expérience de l’individu. 2. Les critiques sur la démarche d'entretien Même si elle est fortement utilisée et qu'on lui reconnaît aujourd'hui tout son intérêt comme outil d’évaluation, l'entretien est assez fréquemment critiqué. On lui reproche son manque d'objectivité et l’on interroge sur la valeur accordée au discours (jusqu’où les propos sont-ils fiables ?). Aucune des variables en jeu n'est contrôlée, on ne maîtrise pas les relations de causes à effets. Difficile de montrer les liens de dépendance, d'influence, le type de rapport entre les évènements. Tout semble reposer sur l'évidente qualité de l'intervieweur et de l'interviewé3. C’est ainsi que les effets de l'intervention de l'intervieweur dans le déroulement de l'entretien sur les propos de l’interviewé ne sont guère pris en compte. Pourquoi en tant qu’intervieweur, on a posé telle question plutôt que telle autre ? Quels effets peut avoir la reformulation des propos de l'intervieweur sur l'interviewé ? Pourquoi à ce moment-là de l'entretien, on reformule et pas à un autre moment ? Quelle orientation donne la première question de départ à la suite de l’entretien ? Aucun entretien n'est identique à un autre, même avec la même personne (on ne peut jamais refaire le même entretien), à chaque fois il s’agit d’un nouvel entretien. D’où, à partir de ce constat, quel poids, quelle valeur, quelle fiabilité peut-on accorder aux propos de l'interviewé ? Ses propos ne sont-il pas que le produit d'un contexte, si à chaque fois l’entretien est différent ? Quel est alors le sens de comparer deux entretiens ? Les matériaux sont-ils équivalents ? Quelle généralisation peut-on accorder aux données obtenues ? Tous les critères orthodoxes de scientificité ou d’objectivité sont bafoués dans l’entretien. ou pas, mais elle est de comprendre pourquoi il tient des propos qui ne correspondent pas à sa pratique. Ici ce qui est posé, c’est la question du sens de ses propos. 3 La qualité de l’un ou de l’autre est souvent peu questionnée. Formation « Evaluation » 1-4 décembre 2007 à Lyon - 5 - C'est l'une des rares méthodes d’évaluation pour laquelle il n'existe aucune règle précise qui définit les conduites des deux acteurs, aucune règle qui justifie ces conduites. Il n'existe que des règles générales de conduites. Le savoir d'entretien s'acquiert tout autant par la pratique que par les discours sur l'entretien4. Le statut des données qui sont produites lors d'un entretien reste indéfini. Impossible de parler de validité interne et externe pour un entretien. La critique que l'on fait uploads/Management/ jcvilatte-lentretien.pdf
Documents similaires
-
20
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 30, 2021
- Catégorie Management
- Langue French
- Taille du fichier 1.0262MB