1 Diagnostic de l’efficacité technique des exploitations agricoles françaises:
1 Diagnostic de l’efficacité technique des exploitations agricoles françaises: une analyse de l’efficacité d’utilisation des ressources énergétiques et exploration des déterminants relevant des pratiques agricoles. Mohamed Ghali, Karine Daniel, François Colson, Laure Latruffe Mohamed Ghali : PRES LUNAM Université d’Angers-GRANEM / Ecole supérieure d’Agriculture d’Angers, LARESS. Adresse : ESA Angers, LARESS, 55 rue Rabelais, BP 30748 - 49007 Angers Cedex 01 - tél. : 02 41 23 55 55 Email: m.ghali@groupe-esa.com Karine Daniel : PRES LUNAM Université, Ecole supérieure d’Agriculture d’Angers, LARESS / INRA SMART-LERECO UR1134 Adresse : ESA Angers, LARESS, 55 rue Rabelais, BP 30748 - 49007 Angers Cedex 01 - tél. : 02 41 23 55 55 Email: k.daniel@groupe-esa.com François Colson : AGROCAMPUS-OUEST Email : francois.colson@agrocampus-ouest.fr Laure Latruffe : INRA, UMR1302 SMART Adresse : INRA-Département SAE2. 4 allée Adolphe Bobierre -CS 61103. 35011 Rennes cedex. Email : laure.latruffe@rennes.inra.fr 2 Résumé L’objectif de cet article est d’étudier l’efficacité technique des exploitations agricoles françaises et d’identifier leurs marges de manœuvre pour améliorer l’utilisation des ressources énergétiques. Le papier applique la méthode d’analyse des données (Data Envelopement Analysis, DEA) avec les données du Réseau d’Information Comptable Agricole (RICA). Il se propose de traiter les données relatives aux ressources énergétiques indépendamment du reste des consommations intermédiaires et de détecter les déterminants de l’efficacité relavant des pratiques agricoles. Les résultats montrent qu’il existe des marges de manœuvre pour améliorer l’efficacité d’utilisation des ressources énergétiques. De plus, l’excès d’utilisation de ce facteur augmente avec le niveau d’efficacité des exploitations et varie en fonction de leur orientation technico- économique. De plus, la nature des cultures et les rotations longues semblent avoir des effets positifs sur la réduction des ressources énergétiques mais pourraient être une contrainte pour l’efficacité globale de l’exploitation. Mots–clés : efficacité technique, ressources énergétiques, Data Envelopement Analysis, pratiques agricoles Classification JEL : C23, C24, C33, D24, O13, Q12, Q32 3 Introduction Face à la montée des problèmes environnementaux et la dégradation des ressources naturelles, les gains de productivité en agriculture et l’efficience de l’utilisation des facteurs de production deviennent de plus en plus difficiles à réaliser. L’agriculture d’aujourd’hui se trouve donc devant le défi de devoir améliorer la productivité d’autres facteurs que le travail tels que les consommations intermédiaires et le capital (Butault, 2006). Pour répondre aux préoccupations environnementales, les producteurs commencent peu à peu à s'éloigner de rotations courtes (céréalières monocultures), à diversifier les systèmes de cultures et à adopter des techniques de travail du sol simplifié et les techniques de semis direct. Cependant, la contribution de ces changements sur l’efficacité des exploitations agricoles, notamment en termes d’utilisation des ressources naturelles non renouvelables, et l’impact sur la réalisation des objectifs environnementaux restent très peu identifiables. En effet, la mesure de l’efficacité des ressources naturelles est une tâche particulièrement difficile car il n’existe pas une standardisation de variables mesurables notamment à l’échelle microéconomique. Cependant quelques approches fonctionnelles au niveau des exploitations agricoles existent et consistent à évaluer si les agriculteurs font un usage efficace des ressources naturelles afin d'atteindre leurs objectifs économiques. C’est le concept reliant efficacité économique à l’efficacité écologique connu sous le terme d'éco-efficacité (Schaltegger, 1996). En dehors de l’étude de l’éco-efficacité, plusieurs travaux ont examiné l’efficacité technique en se basant sur les intrants et les produits conventionnels de l’activité agricole (par exemple Latruffe et al., 2004 ; Latruffe, 2005 ; Larue et Latruffe, 2009 ; Lachaal et al., 1994 ; Chemak et al., 2010 ; Alvarez et Arias, 2004). La plupart de ces travaux se basent sur les combinaisons classiques des intrants et des produits qui permettent d’étudier le niveau de performance productive des exploitations et les effets de certaines variables structurelles (taille, structure de l’exploitation, etc…) et conjoncturelles (subventions, réformes des politiques agricoles, etc…). Cependant, il existe peu de travaux, notamment en France qui étudient l’efficacité technique des exploitations agricoles en prenant en compte les aspects environnementaux ou les aspects d’utilisation des ressources naturelles. Par ailleurs, les démarches d’agriculture durable telles que celle de l’agriculture écologiquement intensive (Griffon, 2007), insistent de plus en plus sur l’intégration des ressources naturelles et des fonctionnalités écologiques dans le processus de production (Griffon, 2013 ; Ben El Ghali et al., 2013). Ainsi l’analyse de la productivité des exploitations agricoles doit prendre en compte l’efficacité d’utilisation des 4 ressources naturelles qui, jusqu'à présent était assimilée à l’ensemble des consommations intermédiaires, sans intégrer la rareté de la ressource et l’effet de sa dégradation. C’est dans ce cadre que s’insère ce travail de diagnostic de l’efficacité technique des exploitations agricoles françaises qui vise à évaluer, sur la base des données du Réseau d’Information Comptable Agricole (RICA) les plus récentes et en utilisant la méthode d’analyse d’enveloppement des données (plus connue sous son appellation anglais : Data Envelopment Analysis (DEA)), leurs marges de manœuvre en termes d’amélioration de la productivité des ressources naturelles et à déterminer les effets potentiels de certains facteurs internes et externes à l’exploitation sur son niveau d’efficacité globale. Cet article s’intéresse particulièrement à l’analyse de l’efficacité des exploitations en considérant les détails des consommations intermédiaires notamment les postes des engrais, amendements, carburants et lubrifiants, qui représentent la majorité de l’énergie fossile directe ou indirecte utilisée sur l’exploitation agricole. Il s’intéresse également à l’identification de certains déterminants potentiels de l’efficacité et qui relèvent des pratiques agricoles (ex. le nombre de cultures, présence de légumineuses, etc.). Ainsi, dans la première partie, nous exposons un aperçu des notions de l’efficacité, le choix méthodologique et les données utilisées pour mesurer l’efficacité technique d’un échantillon d’exploitations agricoles françaises. Dans la deuxième partie, nous présentons les principaux résultats relatifs aux niveaux d’efficacités estimés. Dans la troisième partie, nous présentons une analyse des déterminants de l’efficacité. Enfin, nous concluons dans la dernière partie. 1. Mesure de l’efficacité et choix méthodologique Dans une économie où la disponibilité des ressources est limitée, la notion d'efficacité productive ou efficacité économique prend une place de plus en plus importante dans les débats et les recherches scientifiques. Elle donne une indication sur la capacité des entreprises à utiliser une technologie existante de la manière la plus adéquate. Elle est composée de l’efficacité allocative (EA) et de l’efficacité technique (ET). L’efficacité allocative renvoie à l’utilisation des intrants dans des proportions optimales en tenant compte de leurs prix respectifs. L’efficacité technique ou physique concerne la capacité à éviter le gaspillage. Elle se décompose à son tour en efficacité d’échelle (EE) et en efficacité technique pure (ETP). L’efficacité d’échelle renseigne sur le niveau optimal de la taille de l’entreprise ; les entreprises qui opèrent avec un rendement d’échelle adéquat ont une élasticité d’échelle égale à 1. Cette élasticité est mesurée par le ratio entre l’augmentation proportionnelle des produits (P) et des intrants (I) (∆P/ ∆I=P/I=1↔ ∆P/P=∆I/I). Si l’élasticité est inférieure à 1, elle traduit 5 une dés-économie d’échelle (∆P/ ∆I<P/I ↔ ∆P/P<∆I/I). L’efficacité technique pure reflète, quant à elle, la capacité d’une entreprise à atteindre une production maximale pour un ensemble d’intrants indépendamment des prix des facteurs et des produits. Elle renseigne sur les pratiques de gestion et d’organisation de l’unité de production (Latruffe, 2010 ; Blancard et al., 2013). La littérature économique propose deux grandes approches pour établir une frontière de production et mesurer l’efficacité technique: les approches paramétriques proposées par Aigner et Chu (1968), Aigner et al. (1977) et Meeusen et Van Den Broeck (1977), et les approches non paramétriques proposées par Charnes et al. (1978) et Banker et al. (1984) (voir aussi Badillo et Paradi, 1999 ; Amara et Romain, 2000 ; Borodak, 2007 ; Latruffe, 2010). L’approche paramétrique impose une forme fonctionnelle pour spécifier la frontière de production, la fonction de coût ou la fonction de profit. Elle utilise des outils économétriques pour estimer les paramètres de ces fonctions. L’écart par rapport à la frontière de production détermine l’inefficacité de l’entreprise. L’approche non paramétrique trouve ses origines dans les travaux de Farrell (1957) et Farrell et Fieldhouse (1962) et propose une mesure relative de la frontière d’efficacité construite à partir d’un nuage de points représentant les ratios intrants/extrants et enveloppant l’ensemble des observations d’un échantillon. Cette approche est de type déterministe mais n’est pas liée à une forme fonctionnelle prédéterminée. 1.1. Choix méthodologique : la méthode DEA L’objectif de ce papier est d’évaluer la marge de manœuvre des exploitations agricoles françaises pour améliorer leurs efficacités d’utilisation des ressources énergétiques. La mesure de l’éco-efficacité parait la méthode la plus adaptée pour ce genre d’analyse. Cependant, elle nécessite des données en termes physiques telles que les quantités d’azote, de phosphore, de carburants ou leurs équivalents énergétiques. Or la base de données française la plus adéquate et la plus utilisée pour l’étude des performances des exploitations agricoles (le RICA), ne permet pas dans l’état actuel d’effectuer une analyse d’éco-efficacité proprement dite, puisqu’elle ne dispose pas de ce type de données. En outre les autres bases de données telles que celle sur les pratiques culturales, ne contiennent pas d’éléments économiques suffisants pour l’analyse. Ainsi, pour contourner ce problème de manque de données, nous avons fait un premier choix, celui de traiter uniquement les ressources uploads/Management/ jrss2013-b5-ghali.pdf
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- Publié le Mai 10, 2021
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