L’enseignement explicite : quatre « balises » pour mieux faire apprendre les él

L’enseignement explicite : quatre « balises » pour mieux faire apprendre les élèves L’enseignement explicite (direct instruction dans la littérature anglo-saxonne) est issu de la recherche en éducation basée sur l’éducation fondée sur les faits (evidence-based education), comme on peut le trouver en médecine et en sciences plus largement. L’éducation basée sur les faits s’appuie sur : • La « sagesse professionnelle » (bon sens) • Les meilleures preuves empiriques provenant de recherches scientifiquement fondées. L’ouvrage déterminant dans ce domaine est celui de John Hattie, professeur en éducation à l’université de Melbourne, Visible learning for teachers (2011)1 : en analysant les données de plus de 50.000 études portant sur 250 millions d’élèves, il a classé et mesuré l’efficacité de différentes pratiques pédagogiques et politiques éducatives. 1. Pourquoi promouvoir l’enseignement explicite ? Une pratique « efficace ». L’efficacité se mesure selon une « taille d’effets », selon l’impact de telle ou telle pratique (ou politique éducative) sur les apprentissages des élèves. Exemple d’un rapporteur pour indiquer une taille d’effets. La flèche indique la mesure. Après la mise en place d’un changement et comparaison avec d’autres études sur le même sujet, on peut mesurer sur le rapporteur si la mise en œuvre d’une politique éducative, d’une pratique pédagogique est efficace ou non : - les effets produits sont négatifs (reverse effects) quand les élèves désapprennent; la politique éducative ou la pratique pédagogique est contre- productive ; - les effets produits sont identiques à ceux que l’on constate simplement parce que les élèves se développent intellectuellement (developmental effects) ; la politique éducative ou la pratique pédagogique est inefficace ; - les effets produits sont identiques à ceux obtenus par « l’effet maître » (teacher effects) ; la politique éducative ou la pratique pédagogique est inefficace ; - les effets produits sont supérieurs aux effets développementaux et maître, donc liés à un changement (zone of desired effects) ; la politique éducative ou la pratique pédagogique est efficace. Seuls les changements de cette dernière catégorie devraient être conservés. 1 Traduit en français sous le titre L’apprentissage visible pour les enseignants, Presses de l’Université du Québec, 2017 Que constatent les analyses sur l’enseignement explicite ? 4 méta-analyses, rendant compte de 304 études (sur plus de 42 000 élèves) permettent de placer la taille d’effets de l’enseignement explicite à 0,59. L’effet mesuré est donc très positif, bien au-dessus de l’effet développemental et de l’effet maître : l’enseignement explicite est une pratique efficace.2 John Hattie3, à propos de l’affirmation « Les gens vont mieux apprendre, avec une meilleure compréhension, s’ils découvrent l’information par eux-mêmes, plutôt que si on leur donne la même information. » conclut que « De telles notions restent un mythe qui mélange le rôle du soi avec le fait qu’on est actif lorsqu’on apprend. Il n’y a pas de contradiction entre un traitement actif de l’information et apprendre avec un enseignement explicite. L’idée selon laquelle un apprentissage émanerait automatiquement de découverte personnelle est incorrecte. » Il y a deux corollaires à cette conclusion : • on peut découvrir quelque chose par soi-même mais n’en retirer aucun apprentissage ; • l’enseignement explicite demande un traitement actif de l’information. En ce sens, il n’a rien à voir avec un cours dans lequel les élèves seraient passifs. 2. Quels sont les grands principes de l’enseignement efficace ? Quatre « balises » pour les élèves. Elles sont fondées sur deux grands principes : • Il faut alléger la charge cognitive pour permettre aux élèves de mieux apprendre. Leur demander de découvrir par eux-mêmes les notions à acquérir et les démarches pour le faire 2 Très peu de pratiques ou politiques éducatives sont supérieures à 0,59 : cf https://visible-learning.org/fr/john- hattie-classement-facteurs-reussite-apprentissage/ 3 2014, p 77 conduit pour beaucoup à mener deux courses de front et à en sacrifier une : soit ils repèrent les notions à acquérir mais oublient la démarche (et l’apprentissage ne sera pas transférable dans un autre contexte), soit ils retiennent la démarche mais oublient les contenus (et la démarche seule aboutit à un formalisme vide de sens et d’apprentissages « durs »). • Tout nouvel apprentissage, pour être réel et durable, doit s’intégrer dans un réseau sémantique et un schéma de pensée. Un apprentissage doit venir s’incorporer à celui qui l’a précédé pour y trouver sa place : le professeur est là pour montrer aux élèves comment relier ces savoirs, on ne repart pas de zéro à chaque leçon. Ces schémas préexistants peuvent venir de l’école, mais aussi des savoirs propres à l’élève, de son expérience de vie, de la famille… l’apprentissage réalisé en classe vient le compléter, le complexifier, parfois le contredire. a. Première « balise » : les objectifs d’apprentissage4 sont rapidement donnés aux élèves. Même s’ils ne sont pas forcément écrits ou énoncés à l’entrée de la séance, les objectifs d’apprentissage sont clairement et rapidement exprimés par le professeur. L’élève doit savoir d’emblée ce qu’il devra retenir en fin de séance. Il s’agit de ne laisser aucune ambigüité sur ce qui est à apprendre, de focaliser l’attention de l’élève tout au long de la séance sur l’objectif principal de celle- ci et non pas sur la surface des activités. En effet, de nombreux élèves ne focalisent leur attention que sur le « faire », le menu de la séance (lire un texte, répondre à des questions, écrire le cours…5) sans le rattacher à son objectif. Il s’agit donc, à diverses reprises de la séance, de rappeler pour quoi, en classe, on fait tel exercice, telle expérience. On recentre l’attention des élèves sur la notion à découvrir et acquérir. b. Deuxième « balise » : le professeur montre et enseigne la démarche à suivre. Cette phase, caractéristique de l’enseignement explicite, est très rarement réalisée en cours. Elle est aussi la plus distinctive entre l’enseignement explicite et un cours magistral dans lequel, traditionnellement, l’enseignant ne présente pas la démarche que lui-même met en oeuvre. Il ne s’agit en aucun cas de distribuer une fiche-méthode et de la commenter avec les élèves, ni même de la faire construire par les élèves à partir des activités. On part du principe que celui qui applique le mieux la démarche pour réussir est d’abord l’enseignant. Même si sa démarche, sa stratégie, ne convient pas à tous les élèves, elle constitue un exemple à suivre, dont les élèves pourront ensuite s’écarter si besoin. Le professeur se place donc en exemple et verbalise la manière dont il réfléchit et résout le problème donné. C’est la phase dite de « modelage ». Par cette « pensée à voix haute », les élèves voient comment faire. Le professeur insiste sur les étapes logiques qu’il suit, les répète : « Pour faire ceci, je fais…. Puis je fais… ensuite je peux… ». Il montre ainsi la procédure mise en place, mais aussi les ressources dans lesquelles il puise : une notion vue dans un cours précédent, un passage du livre (et comment le retrouver), une fiche-notion précédemment constituée, un dictionnaire… Le tableau 4 Ceci est valable pour des objectifs de connaissances (enseigner des notions) comme pour des objectifs de procédure (enseigner des savoir-faire) 5 Sur cette question, voir notamment les nombreux films réalisés auprès d’élèves sortant de cours, sur le site Apprenance https://apprenance-grenoble.fr/ garde la trace de son raisonnement : des signes pour les relations logiques, les étapes de rédaction, les mots-clés (des étapes suivies) qui serviront aux élèves à reproduire la même démarche. c. Troisième « balise » : un temps d’entraînement guidé et étayé. Là encore, cette phase n’est pas toujours réalisée en classe, souvent faute de temps. Elle est essentielle car elle permet aux élèves d’acquérir des automatismes et limite le risque d’installer une démarche inadéquate : le professeur est là pour veiller à la mise en place d’un raisonnement correct. Il peut également assurer un retour quasi-immédiat sur les productions des élèves. Les erreurs commises sont donc traitées « en temps réel », avec un statut positif : on recherche ce qui a conduit à cette erreur, souvent parce qu’une des étapes de la démarche n’a pas été prise en compte, ou que ce nouvel apprentissage vient heurter une représentation liée à un apprentissage antérieur. Ce temps de pratique est aussi un temps de différenciation : le degré de guidage varie d’un élève à l’autre, en fonction de ce que le professeur voit faire. Certaines élèves vont avoir besoin d’un temps de présence fort de l’enseignant : une table « coup de pouce » autour de laquelle ils sont regroupés pour une partie du cours et où le professeur vient s’asseoir permet à celui-ci de se poser un moment au lieu de circuler constamment : il peut alors faire verbaliser les élèves pour les aider dans la démarche à suivre car c’est souvent celle-ci qui pose problème. Beaucoup d’élèves connaissent « la règle » sans l’appliquer forcément ! Pendant ce temps, les autres élèves travaillent individuellement ou par binômes. La séance est construite selon une alternance de travaux collectif, individuel, en groupes de formats variés6. A noter : ce temps d’entrainement uploads/Management/ l-enseignement-explicite 2 .pdf

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  • Publié le Sep 13, 2021
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