1 Ohadata D-16-02 L’INGÉNIERIE JURIDIQUE POUR SOUTENIR LA PERSPECTIVE D’UNE RES

1 Ohadata D-16-02 L’INGÉNIERIE JURIDIQUE POUR SOUTENIR LA PERSPECTIVE D’UNE RESTRUCTURATION DE L’ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ : OHADA, FRANCE, USA Par Dr DOUGOUNE Moussa Chef Département Juridique Bolloré Logistics Mali, Promoteur Centre du Droit Bancaire et des Affaires (Bamako-Mali) 2 Introduction Terminologie propre aux domaines de la science, l’ingénierie est une notion qui peine à s’adapter aux réalités juridiques. Si la finance, la comptabilité et autres disciplines similaires s’en accaparent aisément, le juridique, excepté le fiscal l’emprunte difficilement. En effet, on rencontre rarement des ingénieurs juridiques. L’appellation convient si mal au juriste qu’il pourrait s’en offusquer. Non pas parce que le titre est dégradant mais tout simplement parce que les spécialistes de son domaine d’activité se sont accoutumés à d’autres appellations (juristes, Avoués, Avocats, Magistrats..). Mais est-ce à dire que le droit ne peut pas être vecteur d’ingénierie ? Il n’est pas inexacte de répondre par la négative. En effet, les disciplines citées ci-dessus, comme impulsant une ingénierie, ne se conçoivent qu’à la lumière du droit, qui les encadrent et leur confère une autorité reconnue légalement. Dès lors, dans le cadre de la restructuration d’une entreprise, l’ingénierie juridique doit être appréhendée, à la différence de l’ingénierie sociétaire, tel un vecteur de performance. Plus précisément, l’ingénierie sociétaire est une notion polyvalente qui renvoie à un référentiel à deux volets : - le référentiel structurel : bénéfique au projet envisagé, il détermine les montages, les formes de sociétés et de participations conformes aux buts recherchés par les fondateurs. - le référentiel de gestion : consiste en l’élaboration de conseils pratiques pour assurer une gestion conforme aux lois et règlements et satisfaisante des intérêts des parties prenantes. Or, l’ingénierie juridique est une notion monovalente, construite autour de l’idée d’une gestion bilancielle performante pour l’amélioration de la solvabilité ou de la rentabilité de l’entreprise. Terminologie évanescente, elle sera appréhendée tel un processus tendant à améliorer la structure bilancielle de l’entreprise dans la perspective de son redressement, dans l’hypothèse d’une entreprise en difficulté. Une telle acception n’est que le résultat d’une approche juridico-financière poussée à son paroxysme afin de mettre en exergue l’objectif de performance recherché dans le but de traiter les difficultés de l’entreprise. On se détache, alors, des questions d’intérêts privés dans le dessein de soutenir la perspective d’un renversement de la situation difficile de l’entreprise. Enfin, s’il n’est pas exclu que le droit puisse constituer un outil de performance économique1, son aptitude à être vecteur d’ingénierie ne saurait étonner. Mais il convient de préciser que l’ingénierie juridique est, d’abord, un instrument de diagnostic préalable au projet de restructuration (I) avant d’être une technique de restructuration utile à la perspective d’un redressement (II). C’est à travers cette double fonction que le droit se présente comme vecteur d’ingénierie. I-Ingénierie Juridique : instrument de diagnostic préalable au projet de restructuration 1 v. DEHARO Gaëlle, Ingénierie contractuelle et performance de l’entreprise, perspectives économique et dynamique du droit des contrats, septembre 2011, HAL archives-ouvertes.fr 3 Envisagée dans son le plus absolu, l’ingénierie juridique se révèle également un instrument de diagnostic au service de l’entreprise. En effet, dans le contexte actuel de crise économique omniprésente, les entreprises peuvent être fragilisées par une faiblesse structurelle. Cette dernière peut prendre diverses formes. Il peut, en effet, s’agir d’une faiblesse économique, juridique ou financière. Les réalités sont souvent telles qu’une entité nouvelle n’a de chance de survivre qu’après avoir traversé les cinq premières années de sa création. Même au-delà de cette période, sa survie, si elle nécessite une restructuration, peut dépendre de certains facteurs exogènes dont la maîtrise peut échapper aux dirigeants sociaux. C’est donc dans l’idée de maîtriser les risques qu’il conviendra de diagnostiquer, au besoin par une ingénierie juridique, les causes du déséquilibre structurel (A) avant la formulation du projet de restructuration (B). A- Le diagnostic conduisant à l’identification des causes du déséquilibre structurel Une meilleure gestion des facteurs risques suppose qu’on les identifie au préalable afin d’y apporter les solutions adéquates. C’est le rôle qui sera assigné à l’audit en général ou à l’expertise de gestion pour un diagnostic objectif2 recommandé pour consolider l’ingénierie juridique « restructuratrice ». Mais la plupart du temps, soit parce que « le Management Team» méconnait son intérêt soit parce qu’il a une vision erronée (soupçon d’une ingérence inopportune) de l’audit, le recours à cette pratique est largement délaissé dans les sociétés Africaines. Or, on ne saurait minimiser l’utilité de l’audit dans la détection des sources de déséquilibre, d’où son assimilation à un outil d’ingénierie juridique. a- L’audit légal : un outil d’ingénierie juridique de détection Les législations contemporaines (ex. France, OHADA, USA) ont en commun l’institution d’un contrôle légal, généralement confié à un commissaire aux comptes. Il procède, pour ce faire, à un audit légal et obligatoire de l’entreprise. Assez contraignant, ce type de contrôle est annuel et n’est pas spécifiquement instauré pour les besoins de restructuration de l’entreprise. Il est plus inquisitoire et donc peut donner lieu à une sanction d’où la méfiance qu’il suscite. Il en est ainsi lorsque la loi précise les conditions de nomination, de révocation, de récusation3, définit sa mission et les modalités d’exercice du contrôle. L’External Auditor occupe des fonctions similaires aux USA mais les conditions de nomination et l’étendue des missions sont déterminées par les lois locales de chaque Etat. Obligatoirement un « Certified Public Accountant », il est chargé du contrôle légal et du « Annual report ». Pour les entreprises cotées, The Security Exchange Commission4 (SEC) impose, dans la « Section 404 of the Sarbanes-Oxley Act » un contrôle interne des finances. Quant aux sociétés non cotées, l’audit annuel par un «an Independent Certified Public Accounting Firm5 » est une obligation à laquelle elles ne peuvent résister. Le contrôle légal constitue donc, d’une manière générale et dans chacune des législations étudiées, un moyen efficace de diagnostic. Plusieurs raisons permettent de l’affirmer, quoi qu’il ne puisse pas produire toujours l’effet escompté. 2 MEUKE Bérenger, L’expertise en droit des sociétés OHADA, OHADATA-D-09-42, p. 16. 3 Art. L 823-1 à 823-8 Code Commerce Français ; Art. 376 et 694 AUSGIE. 4 L’autorité des marchés financiers. 5 Ex. DELAWARE Administrative Code Title 18, 3.1. 4 Premièrement, susceptible d’être exercé à « toute époque de l’année », il est assumé par un organe dont l’indépendance et objectivité sont garanties par les textes. Deuxièmement, lorsque la loi prévoit la nomination du commissaire aux comptes et de son ou ses suppléant(s), les résolutions prises en l’absence d’une telle désignation encourent la nullité. Enfin, le commissaire aux comptes assure la surveillance et prévient les risques de défaillance en tirant les sonnettes d’alarme. Son alerte6 ne peut être ignorée et contribue à la sauvegarde. C’est d’ailleurs, la raison pour laquelle, il doit communiquer 7 les « faits de nature à compromettre la continuité » de l’exploitation au juge. Il convient, toutefois, de signaler que si en théorie le contrôle peut s’effectuer à «tout » moment, il est rare en pratique que le commissaire aux comptes intervienne avant la fin de l’exercice, à moins qu’il n’ait été sollicité par une partie intéressée par les affaires de l’entreprise. Cet audit légal, parce que le législateur fixe, en droit Français comme en droit Ohada, souvent des seuils (Chiffres d’Affaires, nombre de salariés…) pour la nomination du commissaire aux Comptes (généralement dans les SARL et SAS contrairement aux SA) voit son champ d’action réduit. Le recours à l’audit contractuel est dès lors une solution complémentaire, ingénieusement recommandable pour soutenir la perspective d’une restructuration de l’entreprise. Cet audit contractuel pourrait être à hauteur de souhait si son champ d’action s’élargissait subtilement. b- Le champ de l’audit utile L’audit est une discipline dense. Il recouvre différents domaines : le juridique, le financier, le sociale. L’auditeur peut donc intervenir dans tous ces domaines et souvent en même temps. En effet, il n’est pas rare que le service commandé concerne l’ensemble des domaines cités. En cette circonstance particulière, l’entreprise est passée au peigne fin dans le but de déceler tous ses points faibles. C’est la mission commandée qui détermine alors le champ de l’audit. Mais avant de s’aventurer sur ce terrain, tentons de définir ce qu’est l’audit puisqu’il permet un diagnostic utile à l’ingénierie « restructuratrice ». Nous partirons des définitions les plus usuelles, contenues dans ISO 19011 et ISO 84028, pour une tentative d’appréhension de la notion. Ce point de départ est incontournable puisqu’il reflète les positions officiellement prises par « International Standard Organisation » (ISO) dont la notoriété ne fait plus de doute. Ainsi dans la partie consacrée aux définitions, ISO 19011 nous indique que l’audit serait un « processus systématique, indépendant et documenté en vue d’obtenir des preuves d’audit et de les évaluer de manière objective pour déterminer dans quelle mesure les critères d’audit sont satisfaits ». Cette définition ne nous éclaire pas d’avantage en raison de la répétition, redondante, du mot Audit pour le définir. Peut-être, convient-il de s’intéresser aux positions prises par la doctrine 6 Article L234-1 Code de Commerce français. 7 Voir art. 12, 29, 39 AU ; 8 Disponible au www.ot.ird.fr/webqualite/?q=system/files/DE%2011%20ISO20911_0pdf 5 pour avoir uploads/Management/ l-x27-ingenierie-juridique-pour-soutenir-la-perspective-d-x27-une-restructuration-de-l-x27-entreprise-en-difficulte-pdf.pdf

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  • Publié le Sep 21, 2021
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