MOOC ULiège « Moi, prof de FLE » © Module 3, Séquence 4, La place du jeu dans l

MOOC ULiège « Moi, prof de FLE » © Module 3, Séquence 4, La place du jeu dans l’enseignement 1 3.4. La place du jeu dans l’enseignement Audrey Thonard : Alors est-ce que les jeux sont compatibles avec l' approche communicative et la perspective actionnelle ? Haydée Silva : J'en suis pleinement convaincue, jusqu'à un certain point. Je vais très rapidement faire un détour en allant jusqu'à l'Antiquité orientale. Audrey Thonard : Un petit détour ! Haydée Silva : Il y a un auteur qui s'appelle Jean-Antoine Caravolas, qui parle du jeu et des techniques de jeu appliquées à l'enseignement des langues à l'Antiquité orientale, avec les araméens, les hébreux, etc. Donc ça existait déjà ! Est-ce que c'est compatible ? Je pense que ça a été toujours compatible. On retrouve des traces de jeux utilisés aussi par Quintilien au premier siècle de notre ère. Un peu moins au Moyen-Âge, mais ensuite, à la Renaissance, on a énormément de références de personnes qui ont utilisé le jeu. Un auteur célèbre à ce sujet c'est Montaigne, qui parle d'alliances avec le grec et le latin grâce au jeu et qu'il aurait perdu une fois à l'école. On a ensuite le siècle des Lumières qui lui aussi a été très riche en expériences ludiques dans l’enseignement de langues. On a des personnages comme Monsieur de Vallange ou Madame de Genlis qui ont promu l'utilisation de différents types de jeux pour l'enseignement du latin. Donc, le jeu a toujours été présent dans l'enseignement des langues et je dirais donc oui il est compatible mais jusqu’à un certain point. Maintenant son rôle, ses fonctions, sa présence évoluent. Dans l'approche communicative en particulier, il y a eu une réactualisation très claire, très visible des outils liés aux jeux et aux activités avec notamment l'outil communicatif par rapport au théâtre, par les jeux de rôle et toutes les autres techniques associées à la dramatisation, à l'expression dramatique plutôt : la dramatisation, la simulation, l'improvisation, la simulation globale. Donc le jeu de rôle et toutes les situations d'art dramatique sont extrêmement présents dans l'approche communicative. Il y a aussi une revalorisation des jeux de langues et des jeux de langage (les calligrammes, les calembours), une exploration des potentialités de la langue. Et finalement, il y a aussi une place importante de tous les jeux de créativité avec, par exemple, la reprise de certaines expériences comme les arborescences, les récits arborescents mais aussi tout ce qui est générateur d'histoire est extrêmement présent dans l'approche communicative. Donc oui, l'approche communicative est pleinement compatible et on en fait un usage très riche mais il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'une réactualisation. Ils n'ont pas vraiment inventé des MOOC ULiège « Moi, prof de FLE » © Module 3, Séquence 4, La place du jeu dans l’enseignement 2 outils nouveaux. On croit beaucoup. Ils ont plutôt revu à la lumière des lignes de force de l'approche communicative (la place centrale accordée à l'apprenant, par exemple, l'importance d'une pédagogie centrée sur le sens), ils ont revu à la lumière de ces principes-là le jeu pour en faire un usage. Ensuite, la perspective actionnelle, il ne faut pas perdre de vue que c'est moins une rupture qu’une manière de repenser aussi l'approche communicative. Et donc, la perspective actionnelle, oui, fait une place au jeu. Le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues, par exemple, fait référence à des jeux de société, aux devinettes, aux énigmes, aux jeux de mots… Donc ce n'est peut-être pas très développé ni très réfléchi, mais c'est présent ! Il me semble que les jeux sont particulièrement adaptés à la perspective actionnelle puisque cette perspective accorde une place importante à la notion de tâches. Cette action dont celui qui la réalise connaît le sens, l'orientation et le sens. Et pour l’appliquer, il met en place des stratégies. Donc le jeu est une tâche qui peut être langagière mais pas exclusivement, on peut effectuer d'autres types d'activités pendant le jeu. Le jeu est généralement, pas toujours mais généralement propice à l'interaction. Le jeu est toujours orienté vers un but, vers la tâche. Le jeu peut concerner différents domaines de la vie telle que considérée dans le Cadre : le domaine personnel, le domaine public, le domaine professionnel. Le jeu aussi fait appel à différentes activités de communication langagières considérées dans la perspective actionnelle : il s'agit de la réception de la production en continu ou interaction orale et écrite mais aussi de la communication orale et de la médiation. Et le jeu sollicite toujours la mise en œuvre stratégique de différentes compétences langagières, linguistiques et langagières évidemment, mais aussi compétences générales, la compétence touristique, la compétence à découvrir par soi-même, la logique de faire une chose et à trouver des solutions à ce problème. Donc le jeu, en faisant entrer en ligne de compte aussi bien des facteurs cognitifs qu'affectifs ou linguistiques, est très probablement un outil bien adapté aux nouveaux objectifs actionnels à condition bien sûr d'en faire un usage raisonné. Audrey Thonard : D'accord, très bien. Est-ce que vous pourriez nous dire quels seraient les principaux avantages du jeu pour le développement des compétences orales ? Vous en avez déjà cité quelques-uns… Haydée Silva : Mais je pense que, oui le jeu est particulièrement intéressant à l'oral puisque le problème que rencontre souvent le professeur, c'est justement la question du filtre affectif et de la prise de parole. On a un moteur d'avion derrière qui nous dit : « Tu n'as pas encore le niveau nécessaire pour prendre la parole. Attends, parce que tu que tu vas perdre la face ». MOOC ULiège « Moi, prof de FLE » © Module 3, Séquence 4, La place du jeu dans l’enseignement 3 Alors que justement, l'attitude promue par le jeu permet souvent de baisser ses filtres affectifs, d'encourager une prise de parole même à un niveau d'interlangue encore considéré comme insuffisant. Le jeu par ailleurs permet de faire entrer en classe une situation authentique de communication. Quand en classe, on fait semblant d'aller au restaurant ou d'aller acheter un billet à la gare – bon on va pas à la gare, on va pas au restaurant – mais quand en classe on joue, on joue vraiment. Donc, le jeu est une situation authentique et c'est très facile d'en faire dans la classe. Et dans cette situation authentique, et bien il y a une tâche, et il y a aussi en général, des mécanismes de socialisation et d'interaction ; donc, ici avec les autres, des prises de parole en interaction. Le jeu d'ailleurs, l'un des avantages principaux que je vois en général pour l'oral, c'est que le jeu permet de faire ce que l'on fait d'habitude mais avec un second degré. C'est la même action mais avec une distance et cela c'est aussi un changement de focalisation, c'est-à-dire on peut faire des activités par exemple de systématisation, de pratique, d'entraînement, de pratiques d’idée, mais sans penser au fait qu'on en train d'en faire une. On est en train de jouer ! Donc le fait de penser au jeu et non pas la langue, mais en même temps être en train d'utiliser la langue de manière systématique et répétée, permet d'encourager et d'impliquer davantage. Cela permet aussi de passer de la production d'idées. Quand on dit « productions orales », très souvent, les profs pensent et surtout mettent en œuvre des productions d'idées où on demande par exemple à un étudiant : « Quelle est la couleur de ton pantalon ? » Et l'étudiant, il n'a pas vraiment le choix, d'autre choix que de dire « bleue » ou « noire », selon la couleur attendue. Alors que, dans un exercice d'expression, qui n'est plus de la production d'idées mais de la production libre, on pourrait lui demander par exemple : « Quelle est ta couleur préférée ? » Et là, il pourra répondre n'importe quelle couleur mais il pourra aussi répondre : « Je n'ai pas de couleur préférée ». C’est ça qui fait un peu peur aussi au professeur, c’est de savoir qu'en sortant de la production d'idée, on peut aller vers des domaines où on ne contrôle pas tout. Mais le jeu, par son cadre, par ses règles, permet de mettre en place certaines situations de production libre mais bien encadrées. Et finalement je pense – et ce n'est pas le moindre avantage – le jeu permet aussi de remettre en cause nos représentations et nos pratiques mais aussi celles des apprenants. Il arrive parfois pendant un jeu que les apprenants disent : « Je n'aime pas ceci, je n'aime pas cela ». Et les professeurs s'inquiètent et se disent : « Pourquoi il dit cela ? C'est plus facile de faire des choses qu'on connaît déjà ! » Et certains professeurs disent aussi : « Je ne joue pas parce que mes étudiants n'aiment pas jouer. Je leur ai demandé et ils m'ont dit qu’ils n’aiment pas jouer. MOOC ULiège « Moi, prof uploads/Management/ le-jeu-dans-la-classe.pdf

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  • Publié le Apv 18, 2022
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