LE MANAGEMENT 2.0 OU LA FIN DE L'ENTREPRISE ? Frédéric Fréry L'Express - Roular
LE MANAGEMENT 2.0 OU LA FIN DE L'ENTREPRISE ? Frédéric Fréry L'Express - Roularta | « L'Expansion Management Review » 2010/2 N° 137 | pages 52 à 60 ISSN 1254-3179 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2010-2-page-52.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Frédéric Fréry, « Le management 2.0 ou la fin de l'entreprise ? », L'Expansion Management Review 2010/2 (N° 137), p. 52-60. DOI 10.3917/emr.137.0052 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'Express - Roularta. © L'Express - Roularta. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 197.1.244.133 - 06/09/2016 14h06. © L'Express - Roularta Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 197.1.244.133 - 06/09/2016 14h06. © L'Express - Roularta > Frédéric Fréry A certains égards, le 6 janvier 2010 fut une date symbolique dans l’histoire du management. C’est ce jour-là qu’Apple annonça que plus de 3 milliards d’applications pour iPhone et iPod Touch avaient été téléchargées sur sa boutique en ligne App Store, ouverte dix-huit mois auparavant. Environ 140000 applications différentes étaient dis- ponibles et certains analystes annonçaient que le cap des 350000 serait dépassé avant la fin 2010. Ces applications n’avaient évi- demment pas été conçues par Apple : aucune entreprise, quelle que soit sa taille ou sa compétence, n’aurait pu mettre au point et commercialiser autant de logiciels en seulement dix-huit mois. Ces applica- tions étaient élaborées par une commu- nauté de 28000 contributeurs, composée à la fois d’éditeurs spécialisés (Gameloft, EA Games, Google, etc.), de grandes entre- prises (SNCF, Accor, Auchan, etc.) et de développeurs indépendants. Apple se contentait de valider les applications, de les proposer sur sa plate-forme et de pré- lever au passage 30 % du prix de vente, ce qui lui rapportait environ 165 millions de dollars par mois. Toujours le 6 janvier 2010, le film de Phi- lippe Lefebvre Le Siffleur, avec François Berléand et Thierry Lhermitte, sortit sur les écrans français. La principale particu- larité de cette comédie consistait dans son mode de financement. Le Siffleur était en effet en partie distribué grâce aux fonds collectés par le site peopleforcinema.com. Ce site invitait tous les internautes sou- haitant investir dans la distribution ciné- matographique à verser au minimum 20 euros sur les films qui leur semblaient prometteurs. En cas de succès, ces inter- nautes recevaient un pourcentage des recettes du film. La mise individuelle pouvait dépasser les 1 000 euros, ce qui donnait droit à des avantages exclusifs (rencontre avec le réalisateur, accès aux avant-premières, etc.). Peopleforcinema. com sélectionnait les films en amont, les présentait sur son site et participait à leur financement dès qu’une somme plancher avait été investie par les internautes (entre 50000 et 150000 euros). Ces deux exemples montrent qu’avec la banalisation des technologies Internet – on estime début 2010 que plus d’un milliard d’individus ont un accès au Web – une nouvelle forme de relations économiques est en train d’émerger. Après avoir boule- versé la publicité, la musique, l’informa- tion, la distribution, Internet modifie désormais les postulats du management tel que nous le connaissons depuis plus d’un siècle. Lorsque la capacité productive ou les choix d’investissement ne provien- nent plus de salariés ou d’analystes mais Le management 2.0 ou la fin de l’entreprise? LA BANALISATION DU WEB ET DE SES TECHNOLOGIES COLLABORATIVES FAIT ÉMERGER DE NOUVELLES RELATIONS QUI BOULEVERSENT LE MANAGEMENT ET LA NOTION MÊME D’ENTREPRISE. Frédéric Fréry est professeur à ESCP Europe, où il est titulaire de la chaire KPMG « Stratégie des risques et performance ». Auteur de nombreux ouvrages et articles, expert auprès de dirigeants, il intervient dans plusieurs écoles et universités en France et à l’international. Il a notamment préfacé l’édition française de l’ouvrage de Gary Hamel La Fin du mana- gement, Vuibert, 2008. Dossier Juin 2010 L’Expansion Management Review 52 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 197.1.244.133 - 06/09/2016 14h06. © L'Express - Roularta Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 197.1.244.133 - 06/09/2016 14h06. © L'Express - Roularta >> 53 Juin 2010 L’Expansion Management Review d’une communauté ouverte d’individus autonomes et surinformés, que peuvent bien signifier la rigueur hiérarchique et la stricte séparation entre conception et exé- cution? Peut-on raisonnablement espérer maintenir dans la discipline, le respect des procédures et la subordination des indivi- dus habitués à commenter en temps réel la moindre information ou à partager tous leurs points de vue sur des réseaux sociaux? Le management tel que nous le connaissons a-t-il encore un avenir ? La sagesse des foules (1) va-t-elle remplacer les décideurs individuels et les experts qualifiés? Tout au long de l’histoire du manage- ment, de nombreux auteurs (parmi les- quels Peter Drucker, Alvin Toffler, Hervé Sérieyx ou encore Gary Hamel) ont tenté de dresser le profil type de l’entreprise du futur : qu’elle ait été envisagée en 1900, en 1950 ou en 2000, l’entreprise idéale a tou- jours été rêvée flexible, agile et adaptable, par opposition à la rigidité militaire et aux lourdeurs bureaucratiques. Pour autant, les évolutions réelles sont restées jusqu’ici bien modestes. Comme le souligne Gary Hamel (2), si l’on transpor- tait un manager de 1910 dans une entre- prise de 2010, il serait très certainement subjugué par nos outils de production, nos technologies d’information et notre puis- sance logistique, mais il ne serait pas réellement dépaysé par nos pratiques de management, qui ont finalement bien peu changé en un siècle. L’entreprise ouverte, souple et collaborative est restée une quête d’idéalistes, bien éloignée des pratiques effectives. Ce constat pessimiste serait-il en train d’évoluer ? Depuis le milieu des années 2000, on assiste en effet à un nouvel épi- sode dans cette quête de l’entreprise du futur : le management 2.0 (voir encadré ci- dessous), dont l’App Store ou peoplefor- cinema.com constituent de parfaits exemples. Un nombre croissant d’entrepreneurs conçoivent leurs modèles économiques à partir de cette approche, que ce soit dans l’informatique, le divertissement, l’infor- mation, l’innovation, voire la finance. Pourtant, cette remise en cause des sacro- saintes conceptions qui régissent les entreprises depuis plus d’un siècle (subor- dination, salariat, spécialisation, stan- dardisation, etc.) ne se fait pas sans résis- tances. On imagine mal que les managers accepteront sans broncher d’être dépos- sédés de leur pouvoir, de leurs responsa- bilités et encore moins des différentes rétri- Le management 1.0 hérité du XIXe siècle fait classiquement face à trois dilemmes : l’organisation ou le marché, l’exploration ou l’exploitation, l’autonomie ou la coordination. Dans le management 2.0, la dilution des contours de l’entreprise, l’innovation ouverte, la coconception de l’offre, l’agrégation d’acteurs autonomes créent une approche nouvelle de ces questions. Des tâches du management glissent vers la communauté, non sans impact sur les missions des managers. L’entreprise elle-même est remise en question par des formes d’organisation ne reposant plus sur la relation salariale. Les points forts > (1) James Surowiecki, The Wisdom of Crowds, Anchor Books, 2005. > (2) Gary Hamel, La Fin du management, Vuibert, 2008. L e management 2.0 peut se définir comme l’application de technologies collaboratives issues du Web 2.0 à des problématiques de management telles que : Q la collecte et le traitement d’information, Q la résolution de problèmes, Q la créativité, Q les choix d’investissement, Q la prise de décision. I Du Web 2.0 au management 2.0 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 197.1.244.133 - 06/09/2016 14h06. © L'Express - Roularta Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 197.1.244.133 - 06/09/2016 14h06. © L'Express - Roularta butions – financières, matérielles ou sym- boliques – qui y sont attachées. On doit dès lors s’interroger sur les chances de succès de ce que certains pré- sentent déjà comme une véritable révolu- tion managériale. Peut-on sérieusement conclure que l’on est en train d’assister à la mise en cause de l’entreprise telle que nous la connaissons ? Est-ce un feu de paille ou une véritable lame de fond ? Quelles en sont les implications? Il nous faut, pour répondre à ces diffé- rentes interrogations, revenir sur la définition du management clas- sique (rebaptisé en l’occurrence manage- ment 1.0), puis sur les bouleversements annoncés par le mana- gement 2.0. Le management 1.0, management classique Afin de caractériser les fondements du management classique auquel le manage- ment 2.0 est censé se substituer, nous en distinguerons successivement l’origine et les principales dimensions. Conduite et maîtrise d’une organisation. Aussi surprenant que cela puisse paraître à une époque dont on souligne souvent les dérives managériales – et a fortiori dans un article de L’Expansion Management Review –, la définition du management reste sujette à controverse. Les experts uploads/Management/ le-management-2-0-ou-la-fin-de-lentreprise.pdf
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- Publié le Sep 08, 2021
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