supérieures, l'enfant est habitué à s'interroger sur le sens des mots, à reform
supérieures, l'enfant est habitué à s'interroger sur le sens des mots, à reformuler les tournures incorrectes, à traduire ses sentiments. Dans les milieux populaires, le parler viserait avant tout à suivre une norme particulière : il comporte beaucoup d'idiomes (1), de locutions toutes faites et met l'accent sur les évidences partagées et non l'expression personnelle. Or, dit B. Bernstein, «/e langage parlé est le principal moyen par lequel un individu intériorise les normes sociales ». Et les normes de l'école ne coïncident pas avec celles des milieux populaires, provoquant LES COURANTS DE LA SOCIOLINGUISTIQUE La Sociolinguistique étudie la langue dans son contexte social à partir du langage concret. Apparue dans les années 60 aux Etats-Unis sous l'impul- Sion de William Labov, John J. Gumperz et Dell Hymes, elle a bénéficié des apports de certains courants de la sociologie : l'interactionnisme et l'ethno- méthodologie. VARIATIONS ET INÉGALITÉS Les différences sociales et stylistiques À partir d'une enquête célèbre sur les adolescents noirs, l'Américain William Labov a recherché les corrélations entre certaines variations lin- guistiques et la position sociale des locuteurs et/ou la situation de com- munication. Cette démarche l'a amené à isoler deux niveaux de variation : — Un niveau social : différents locuteurs d'une même langue parlent dif- féremment ; — Un niveau stylistique : un même locuteur utilise différents registres de langage (familier, soutenu...) selon la situation. Mais W. Labov remarque que l'écart entre langue courante et langue soutenue est beaucoup plus important chez un ouvrier que chez un cadre supérieur. Pour W. Labov, la langue est soumise à trois sortes de règles : -— les règles catégoriques qu'aucun locuteur ne viole jamais. Aucun fran- cophone ne dit : «on venons » ou «nous vient » : — les règles semi-catégoriques, dont la violation - fréquente — est inter- prétable socialement : la tournure «aller au coiffeur » est jugée populaire par la norme ; — les règles variables comme l'emploi de «ne... pas » ou de «pas », dont le choix s'opère selon les circonstances (même si une forme est presti- gieuse et l’autre stigmatisée). Cette notion de règles variables, proposée par W. Labov et développée par David Sankoff, inscrit les processus de différenciation sociale et sty- listique dans la grammaire : elle est très discutée par certains lin- guistes. W. Labov, Le Parler ordinaire, Minuit, 1978. Sociolinguistique, Minuit, 1976. D. Sankoff (éd.), Linguistic Variation : Models and Methods, Academic Press, 1978. Code élaboré/code restreint Pour Basil Bernstein, les élèves des classes populaires subiraient un handicap particulier dû à leur langage. Le langage utilisé par l'institution Scolaire (code élaboré) ne correspond pas à celui qui domine dans les familles culturellement défavorisées (code restreint). C'est en fait le rap- port à la langue qui varie selon les milieux sociaux, en particulier dans l'importance qui lui est attribuée dans l'éducation. Dans les classes le désarroi des enfants qui en sont issus. Cette thèse du handicap sociolinguistique a donné lieu aux Etats-Unis à un important programme éducatif, dirigé en particulier vers les enfants noirs. Les résultats ont été décevants. D'autre part, on a reproché à B. Bernstein de fonder une idéologie de la classe moyenne, dont le code linguistique serait le référent. B. Bernstein, Langage et Classes sociales, Minuit, 1975. Les marchés linguistiques Dans Ce que parler veut dire (2), Pierre Bourdieu montre que la légitimité des productions langagières obéit à un marché linguistique dominé par la couche cultivée de la société qui détient le «capital symbolique » qu'est la culture. La variété linguistique du groupe dominant s'impose comme marque de prestige et détermine l'évaluation que les dominés font de leur façon de parler. Ainsi les colonisateurs s’efforçaient-ils d'im- poser une évaluation péjorative des langues vernaculaires des coloni- sés, qui finissäient par mépriser leur propre dialecte. Cependant, explique P. Bourdieu, à côté du marché linguistique domi- nant, existent des «marchés francs» en opposition et en résistance à celui-ci : «On peut classer les marchés (linguistiques) selon leur degré d'autonomie, depuis les plus complètement soumis aux normes domi- nantes (comme ceux qui s'instaurent dans les relations avec la justice, la médecine ou l'école) jusqu'aux plus complètement affranchis de ces lois (comme ceux qui se constituent dans les prisons ou les bandes de jeunes). » Ainsi l’argot du milieu ou la langue des banlieues ignorent déli- bérément les conventions et les convenances du « parler dominant», en traduisant l'affirmation d’une identité sociale marginale. Les échanges de café, fondés sur des valeurs de force et de virilité, traduisent eux aussi cette résistance à la norme standard en excluant du groupe les individus qui ne manient pas ces formes d'expression. COMPÉTENCE COMMUNICATIVE Pour l'Américain Dell Hymes, fondateur de l’ethnographie de la commu- nication, il ne suffit pas d'acquérir la maîtrise grammaticale d'une phrase pour être un locuteur compétent. Il faut aussi qu'elle soit appro- priée au contexte. «Comment allez-vous ?» par exemple, phrase anodine, parfaite gram- maticalement, peut difficilement figurer ailleurs qu’au début d'une « conversation; ne peut s'adresser qu'à des personnes connues ; peut apparaître déplacée dans certaines situations formelles : on ne dit pas “comment allez-vous ? » à la personne qui vous reçoit pour l'enterrement d'un de ses parents. C'est pourquoi l’une des notions principales de l’ethnographie de la communication est la «compétence communicative », Qui pose que les faits de langage doivent être étudiés dans leur contexte naturel. Cette notion fait pendant à celle de “compétence linguistique » de Noam Chomsky, qui pense le langage comme une structure universelle (3): Mais comment analyser les situations de communication (repas, céré- monies, réunions...) ? D. Hymes est le premier à avoir proposé un modèle devenu célèbre, le SPEAKING (Setting, Participants, Ends, Acts, Key, Instrumentalities, Normes, Genre), mettant en évidence la variété des stratégies discursives, leurs composantes et leurs finalités, et en déduisant les fonctions des activités langagières. RITUELS ET CONVERSATIONS Les rituels de la vie quotidienne Erving Goffman présente le monde comme un théâtre dans lequel chaque individu joue un rôle. La vie sociale est alors composée de toutes sortes de «rituels de la vie quotidienne », Situations-types dans lesquelles les interlocuteurs entrent en interaction. Estimant que chaque acteur essaie d'imposer une image valorisante de lui-même, la moindre conversation devient une petite lutte symbolique. Ces rituels de face à face s'expriment au niveau du comportement : la tenue vestimentaire, la façon de parler et de se présenter aux autres. Dans une situation de communication réussie, le rituel veut que les par- tenaires de l'échange coopèrent pour confirmer la face que l’autre reven- dique ; sa fonction est de faciliter l'échange et de pouvoir l'interrompre sans que personne ne perde la face. Les présentations, départs, invita- tions, salutations sont donc des moments particulièrement ritualisés. E. Goffman, Les Rites d'interaction, Minuit, 1974. L'analyse des conversations L'ethnométhodologie étudie la conversation comme une forme fonda- mentale de l'organisation sociale, et montre les procédures employées par les acteurs pour se construire une identité. L'analyse conversation- nelle porte sur le comportement verbal des acteurs et sur leurs interac- tions (énoncés, pauses, hésitations, rires). Elle étudie : — l'organisation des tours de parole : - les phases successives de l'interaction verbale (entrée en matière, développement de la séquence, achèvement). Cette organisation séquen- tielle a été mise en évidence par les travaux de Howard Garfinkel ; — l'interprétation que font les acteurs des messages émis : un locuteur détermine l'intention véhiculée par l'énoncé de son interlocuteur et indique, par sa réponse, l'interprétation qu'il en fait. — Dans une optique pragmatique, l'analyse conversationnelle pose que la communication est possible lorsque les acteurs ont un savoir en com- mun. John J. Gumperz a ainsi montré les fonctions communicatives des variables sociolinguistiques. D'où l'importance accordée par la sociolin- guistique interactionnelle à tous les indices de contextualisation du dis- Cours : rythme et intonation de la parole, choix du lexique, des tours de paroles, signes non verbaux. Ces processus jouent un rôle important dans les malentendus commu- nicatifs, par exemple lors de communication interculturelle. J.-J. Gumperz, Sociolinguistique interactionnelle, L'Harmattan, 1979. 1. Idiome : particularité propre à un parler spécifique d’une communauté. 2. Fayard, 1982. 3. Voir l’article de D. Roycourt dans cet ouvrage. SOCIOLINGUISTIQUE 3e ANNEE - PEM Les courants de la sociolinguistique 2021 / 2022 S. GHERIEB 1 LES COURANTS DE LA SOCIOLINGUISTIQUES Le texte est structuré en trois parties chacune d’elle représente sommairement un domaine d’étude : I. LE COURANT VARIATIONNISTE : VARIATION ET INEGALITES Les différences sociales et stylistiques (W.LABOV) Code élaboré / code restreint (BASIL BERNSTEIN) Les marchés linguistiques (PIERRE BOURDIEU) II. L’ETHNOGRAPHIE DE LA COMMUNICATION : COMPETENCE COMMUNICATIVE III. L’ETHNOMETHODOLOGIE : RITUELS ET CONVERSATIONS Les rituels de la vie quotidienne L’analyse des conversations La première sous partie qui porte le titre variation et inégalités fait référence au courant variationniste. Comme vous le constatez, cette première est subdivisée à son tour en trois sous parties également, la première résume la théorie de W. Labov dans l'explication de la variation linguistique. Une théorie que nous avons déjà abordée ensemble. La deuxième sous partie toujours dans le courant variationniste uploads/Management/ les-courants-de-la-sociolinguistique-commente-par-madame-gherieb.pdf
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- Publié le Nov 25, 2022
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