3 Les Cahiers du DRH - n° 176 - Mai 2011 Par Sylvain Niel Vice-Président d’Avos

3 Les Cahiers du DRH - n° 176 - Mai 2011 Par Sylvain Niel Vice-Président d’Avosial Directeur du département GRH FIDAL 14, bd du Général Leclerc 92527 Neuilly-sur-Seine Cedex Tél. : 01 47 38 54 00 Sylvain.niel@fi dal.fr FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL Par Sylvain Niel Directeur du département GRH FIDAL 14, bd du Général Leclerc 92527 Neuilly-sur-Seine Cedex Tél. : 01 47 38 54 00 Sylvain.niel@fi dal.fr Les primes sur objectifs Couramment pratiquées par les entreprises, les primes sur objectifs peuvent dépendre de quotas fi xés unilatéralement par la direction. Explications et mode d’emploi… C ertains critiquent les primes sur objectifs, estimant qu’elles déve- loppent des comporte- ments de « mercenaires du résultat ». Le « chasseur de primes » n’a pas forcément bonne presse auprès des autres salariés, ni parfois auprès du client. Pourtant, tous les secteurs développent ce mode de rémunération, y compris l’État, notamment dans la Police nationale. Les dirigeants d’entreprise observent que les salariés travaillent davantage lorsque leurs rémunérations dépendent de leurs actions. C’est pourquoi ils préfèrent de plus en plus le mot « performance » à celui de « reconnaissance ». Ils remplacent une partie du « fi xe » par du « variable », en privilégiant les primes sur objectifs pour doper les scores individuels. Par le biais des objectifs, l’encadrement guide ainsi les efforts des salariés pour obte- nir les résultats escomptés par la direction. Et l’objectif assigné peut changer périodi- quement en fonction des priorités de l’entre- prise. Un manuel de « force-ranking » d’une SSII française invite d’ailleurs les managers à se poser les questions suivantes : « Savons- nous placer la barre plus haut ? Est-ce que nos objectifs sont suffi samment exigeants ? Sinon, comment les modifi er ?… ». Cette fl exibilité dans la fi xation du mon- tant et de la nature des objectifs permet de mettre en avant des activités, des marchés ou des produits très différents de ceux de la période précédente. Pour autant, le pouvoir discrétionnaire de l’employeur dans la fi xation des objectifs est-il sans limite ? Peut-on imposer n’im- porte quel objectif ? Est-il obligatoire de le négocier avec le salarié ? Une décision récente de la chambre sociale apporte un nouvel éclairage tendant à faire converger les règles applicables à la direc- tion par objectifs et aux primes contrac- tuelles liées à la performance. Qu’est-ce qu’une prime d’objectif ? Pour beaucoup, une prime d’objectif recouvre uniquement le complément de rémunération accordé à un commercial lorsque le quota qui lui a été assigné est atteint ou dépassé, qu’il s’agisse d’un nombre de ventes, d’un niveau de renta- bilité, d’acquisition de nouveaux clients, de liquidation d’un stock de produits ou d’obtention de nouveaux référencements. Ainsi, l’objectif d’une prime serait d’abord quantitatif. Il serait par ailleurs provisoire et décliné sur l’une des priorités du moment. RÉMUNÉRATION VARIABLE ■■■ 4 Les Cahiers du DRH - n° 176 - Mai 2011 FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL Ce serait une action « coup de poing » destinée aux seuls commerciaux, afi n de récompenser fi nancièrement ceux qui dépassent le seuil prévu. Pourtant, la prime d’objectif n’est pas limitée, sur le plan juridique, aux seuls commerciaux et ne constitue pas non plus uniquement une prime ponctuelle en récompense d’un effort exceptionnel. Elle recouvre, dans la pratique, tous les éléments variables de rémunération liés à la performance. La prime d’objectif infl ue-t-elle sur le comportement des salariés ? Plusieurs études soulignent le lien étroit observé entre le mode de rému- nération et le comportement d’un collaborateur. Le système de rémuné- ration retenu est même déterminant. Ainsi, les primes sur des objectifs exclusivement quantitatifs, dès lors qu’elles occupent une part importante du salaire, favorisent les conduites non éthiques vis-à-vis de la clientèle (exemple : prime sur un objectif en chiffre d’affaires). Ces mêmes études confi rment que les attitudes des salariés ont une infl uence certaine sur la satisfaction des clients par rapport au produit ou au service qu’ils acquièrent. Leur perception de la qualité de ce qu’une entreprisse produit ou fourni dépend des comportements de ses collaborateurs, lesquels sont fortement conditionnés par le mode de rémunération qu’ils perçoivent. L’instauration d’une prime d’objectif inadaptée peut ainsi dégrader l’image de l’entreprise auprès de sa clientèle et, à moyen terme, avoir un effet contraire au but recherché. Certains n’hésitent pas à en conclure qu’une prime sur un objectif exclusivement quantitatif est incompatible avec la satisfaction des clients. Consciemment ou inconsciemment, la prime d’ob- jectif devient, dans l’esprit du colla- borateur, la seule composante de son salaire. Il occulte spontanément ses autres éléments de rémunération, tels que le fi xe, le véhicule de fonction, la prime d’ancienneté, le treizième mois ou les congés payés. Pourtant, même si les effets négatifs semblent connus, tous les experts reconnaissent que c’est un élément indéniable de motivation pour les salariés. Un collaborateur indifférent à sa prime d’objectif n’est plus motivé et pose à terme, si ce désintérêt perdure, la question d’une séparation négociée ou non avec sa société. Dans la recherche de l’objectif à assi- gner à ses collaborateurs, le manager doit donc prendre en compte les effets pervers d’une prime sur un objectif exclusivement quantitatif. A défaut, cela peut conduire à privilégier le résultat sur la qualité de ce dernier ou favoriser l’atteinte de l’objectif par tout moyen, y compris en mystifi ant le pro- duit vendu ou en proposant un service que l’entreprise ne peut pas assurer. La première des précautions consiste à plafonner la prime d’objectif, afi n d’éviter d’inciter les salariés à faire de l’abattage ou du sur-résultat, par une activité superfi ciellement accélérée. Le décideur ne doit pas non plus rete- nir un système trop élaboré avec des formules sophistiquées ou trop alam- biquées. Dans ce cas, la complexité 5 Les Cahiers du DRH - n° 176 - Mai 2011 Les primes sur objectifs Ensuite, et une fois cette condition satisfaite, le licenciement n’est envi- sageable que si c’est le salarié qui est à l’origine de la non-réalisation de ses objectifs. Ainsi, la jurisprudence estime que le licenciement est abusif si, malgré leur caractère réaliste, les objectifs n’ont pas été atteints, alors qu’aucune insuffi sance profession- nelle, ni aucune carence fautive ne peut être reprochée au salarié (3). Le juge apprécie parfois cette insuffi sance en comparant les résultats de l’intéres- sé avec ceux des autres collaborateurs. Ainsi, le licenciement est justifi é si les ventes réalisées par le salarié sont très nettement en dessous de la moyenne atteinte par les vendeurs du même site et qu’aucun élément extérieur n’est susceptible d’altérer l’homogénéité des résultats qui traduisent une insuffi - sance professionnelle de l’intéressé (4). Quel cadre pour la prime d’objectif ? Le 2 mars dernier, la chambre sociale a rendu une décision importante sur le sujet (5). Dans son premier attendu, l’arrêt précise que « lorsque les objectifs sont défi nis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifi er dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice ». Elle en déduit qu’« en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de du mode de rémunération le rend opaque, incompréhensible, suspect et fi nalement peu motivant. Enfi n, la mise en place d’une rému- nération variable au moyen de primes d’objectif doit être associée à un mana- gement par objectif. Une prime d’ob- jectif ne peut se substituer au mana- gement des hommes. C’est d’ailleurs la première étape à envisager. Management par objectif S’il est possible de prévoir des objec- tifs conditionnant l’attribution d’une prime, c’est à la condition préalable que les responsables managent leurs salariés en leur fi xant des objectifs. Leur non-réalisation peut, sous cer- taines conditions, motiver leur licen- ciement pour insuffi sance de résultat (1). En d’autres termes, le juge admet qu’un même objectif conditionne à la fois le versement d’une prime et puisse justifi er un licenciement. Mais les régimes juridiques dont ils relè- vent sont différents. L’un repose sur le droit du contrat de travail et l’autre sur celui du licenciement. En ce qui concerne le second, la juris- prudence considère que la fi xation des objectifs relève de la décision unilatérale de l’employeur, le juge devant vérifi er, d’une part, le carac- tère réaliste des objectifs et, d’autre part, l’existence d’une faute ou d’une insuffi sance du salarié. Tout d’abord, l’insuffi sance de résultats constitue une cause de licenciement si les objectifs sont réalistes ou encore raisonnables et compatibles avec le marché (2). Dans cette affaire, aucune cause extérieure ne justifi ait les échecs du salarié, ce dernier ne pouvant éta- blir que le secteur d’activité connaissait des diffi cultés particulières de nature à expliquer ses résultats limités. (1) Cass. soc., 30 mars 1999, no 97-41.028. (2) Cass. soc., 2 déc. 2003, no 01-44.192. (3) Cass. soc., 3 nov. 2004, no 02-46.077. (4) Cass. soc., 31 oct. 2007, no 06-44.165. (5) Cass. soc., 2 mars 2011, no 08-44.978. ■■■ 6 Les Cahiers du DRH - uploads/Management/ les-primes-sur-objectifs-pdf.pdf

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