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…………………………………………………………… 293 1 Etude de pratiques enseignantes et de différenciations dans les apprentissages Mathématiques Scolaires à l’École Primaire Lalina Coulange IUFM d’Aquitaine, Université de Bordeaux 4 DAESL, LACES, Université de Bordeaux 2 Dans le cadre du réseau RESEIDA (REcherches sur la Socialisation, l’Enseignement, les Inégalités et les Différenciations dans les Apprentissages, co-piloté par E. Bautier et J-Y. Rochex), je participe depuis plusieurs années à une recherche qui vise à étudier des pratiques enseignantes contextualisées et leurs effets potentiellement différenciateurs sur les apprentissages d’élèves, en croisant des points de vue issus de différentes didactiques et de la sociologie de l'éducation. Dans ce contexte, un imposant corpus de données a été recueilli dans deux classes françaises de CM2 (élèves de 10-11 ans) considérées comme hétérogènes (d'après les résultats d'évaluations nationales, les caractéristiques familiales) en 2004-2005: composé à la fois de données filmiques orientées vers les pratiques d’enseignantes et d’élèves en situation de classe, de photocopies de cahiers ou de productions d’élèves. Ma présentation se centre sur l’analyse d’une partie de ces données, concernant l’enseignement des mathématiques observé dans une des deux classes de CM2. Plus précisément, j’effectue un zoom sur deux situations observées dans cette classe: une situation de résolution de problèmes et une situation d’enseignement des pourcentages. Ces deux situations apparaissent contrastées (gestion enseignante, apprentissages mathématiques potentiels, etc.). Mais elles permettent précisément de montrer que derrière une hétérogénéité apparente de pratiques d’une enseignante, une façon commune de penser et de faire la classe de mathématiques se joue, dont on peut penser qu’elle pèse fortement sur les apprentissages potentiels en contexte scolaire. Différenciations didactiques dans les apprentissages des mathématiques La question de la différenciation paraît encore émergente dans le champ de la didactique des mathématiques (par rapport à d’autres champs comme celui de la sociologie de l’éducation). Toutefois différents travaux, conduits dans le cadre du réseau RESEIDA (Bonnéry et Coulange 2007, Coulange 2007, Margolinas et Laparra 2008), mais aussi d’autres comme les recherches de Sensévy et al. (2008) ou Castela (2007) par exemple, commencent à s’en saisir. Je n’évoque ici que quelques éléments théoriques issus de la théorie des situations didactiques, utilisés pour étudier cette question des différenciations didactiques, c’est-à-dire de la construction d’inégalités dans les apprentissages scolaires des mathématiques. …………………………………………………………… 293 2 D’une part, tout comme Margolinas et Laparra (2008), dans l’étude des situations de classe ordinaire je prête une attention particulière aux processus de dévolution et d’institutionnalisation qui m’apparaissent comme des processus « clés » dans l’étude des différenciations didactiques. D’autre part, j’étudie les différents cheminements potentiels d’élèves dans le cadre de ces situations, notamment les bifurcations possibles par rapport au projet du professeur (Margolinas 2004) et les apprentissages différenciés qui en résultent. Ces chemins de traverse sont rendus possibles au sein même de la situation didactique (suite à la dévolution qui en est faite), ou à partir de cette situation (à considérer davantage en lien avec l’institutionnalisation). Une situation de résolution de problèmes La première situation d’enseignement sur laquelle je m’attarde a trait à la résolution de problèmes. Il s’agit de la deuxième séance observée à ce sujet dans la classe de l’enseignante. Les problèmes proposés dans ce cadre présentent les caractéristiques de « problèmes de recherche », mis en avant par les programmes officiels français de l’époque. L’énoncé proposé aux élèves et qui fait l’objet de cette séance est le suivant: On forme la suite des nombres qui ne peuvent s’écrire en n’utilisant que des: 1 11 111 1111 11111 111111 etc. Si on additionne les 20 premiers nombres de cette suite, quel sera le chiffre des dizaines du résultat? Analyse de la situation « le problème des 1 » Une dévolution apparemment réussie mais quid de l’institutionnalisation? Pendant la première phase de la séance, l’enseignante évoque publiquement les nombreuses difficultés envisageables dans la compréhension de l’énoncé, susceptibles de gêner une première entrée satisfaisant dans la résolution du problème posé. Elle revient sur le principe de construction de la suite de nombres: D’accord, on rajoute un chiffre à chaque fois, d’accord? Et toujours le même chiffre: le chiffre un. Elle insiste sur la distinction chiffre/nombre en demandant combien de nombres comprend la suite de cinq nombres, qu’elle a elle-même écrite au tableau: Il y a combien de nombres dans cette, dans cette suite là, celle que j’ai faite au tableau? Tu lèves ton doigt! Julie? (…) Cinq? Cinq? Six? Cinq. Alors, le premier, qu’est-ce que c’est? (en pointant du doigt les nombres correspondant au tableau) Un, voilà le premier nombre, le deuxième, le troisième, le quatrième… Puis la maîtresse demande quel est le chiffre des dizaines du quatrième nombre de la suite. L’élève sollicitée à plusieurs reprises à cette occasion (pour lire l’énoncé, pour aller montrer le chiffre des dizaines du quatrième nombre de la suite) n’est pas n’importe qui. Il s’agit d’une élève qui a d’ores et déjà montré un rapport problématique, voire conflictuelle à la discipline enseignée, lors des séances précédentes. Ces différents gestes professionnels laissent à penser que l’attitude de l’enseignante est adaptée pour permettre la dévolution de la situation aux élèves. Les aides collectives puis individuelles dans la deuxième phase de recherche individuelle sont visiblement adaptées, répondent aux difficultés prévisibles dans l’appropriation du problème posé, sans pour autant empiéter sur la recherche d’une solution et sur la situation d’apprentissage qui peut en résulter. L’énoncé du problème est compris par une majorité des enfants qui s’investissent visiblement dans la situation d’action correspondante. Lors de la phase de recherche, la majorité des binômes d’élèves observés met en œuvre des stratégies relevant de la procédure de base: l’addition posée, effective des 20 premiers nombres de la suite. Avoir à écrire les termes de la suite et à poser l’opération de façon simultanée va d’ailleurs …………………………………………………………… 293 3 provoquer des erreurs chez certains d’entre eux: les nombres étant écrits de gauche à droite, l’opération est en quelque sorte « posée à l’envers ». D’autres élèves mettent en œuvre des stratégies erronées pour économiser les calculs: comme additionner les 10 premiers nombres de la suite, puis multiplier le résultat par 2, pour obtenir le résultat de l’addition des 20 premiers nombres. Une seule élève, Julie a résolu le problème par la stratégie, correspondant à la procédure la plus aboutie à laquelle on pouvait s’attendre: avec un raisonnement sur le principe de retenue dans l’addition des 20 premiers nombres de la suite, sans poser effectivement cette addition. Lors de la phase de mise en commun, à la demande de la maîtresse qui envoie des élèves « choisis » au tableau, toutes les solutions correspondant à la mise en œuvre de différentes procédures par les élèves de la classe sont représentées. Le tableau ci-dessous résume les solutions ainsi rendues publiques: Figure 1 : tableau résumé des solutions au « problème des 1 », rendues publiques au tableau L’enseignante gère un débat qui présente par de nombreux aspects les caractères d’une situation de formulation et de validation: les procédures à l’œuvre derrière les solutions proposées sont explicitées, ainsi que les connaissances mises en jeu par ces procédures; la maîtresse interroge l’ensemble des élèves de la classe sur la validité de telle ou telle solution, en apportant éventuellement des éléments qui peuvent contribuer à la preuve correspondante. La formulation de la proposition de Julie, rendue publique à la suite de toutes les autres pose problème: les écritures produites par cette élève au tableau pour exprimer son raisonnement sont « détournées », peu acceptables au regard du contrat didactique en vigueur, ainsi que des conventions d’écriture en mathématiques. Julie pose en effet les opérations : La première multiplication ne lui sert qu’à exprimer le fait qu’elle additionne les vingt « 1 » unités des vingt premiers nombres de la suite. Elle utilise la deuxième pour expliquer qu’elle obtient alors deux dizaines supplémentaires (correspondant à la retenue posée) qu’elle ajoute aux dix-neuf « 1 » correspondant aux dizaines des vingt premiers nombres de la suite. Devant l’agitation qui règne à ce moment au sein de la classe (les autres élèves n’acceptant pas les traces écrites de la solution de Julie), la maîtresse intervient pour formuler elle-même le raisonnement en jeu, en rajoutant de nouveaux écrits pour accompagner ses explications. …………………………………………………………… 293 4 Imaginez que vous avez un, onze, onze, onze vingt fois d’accord? Sur le vingtième nombre, on est d’accord? Oui? Tu me diras que tu n’as pas compris Nicolas, tu es retourné. Combien y-a-t-il de un, Nicolas, chiffre des unités (Nicolas: Vingt). Il y en a vingt, donc il y en a vingt. Qu’est-ce qu’il va y avoir là au résultat de l’addition (Elèves: Vingt). Si tu comptes vingt, qu’est-ce que tu mets? C’est une addition là (Elève: zéro). Qu’est-ce que je mets là? Je mets un zéro. Je mets un zéro, c’est ce qu’elle te dit…Zéro, elle met deux dizaines en retenue, d’accord… Ensuite, elle compte les dizaines, il y en a combien de dizaines (Elèves: dix-neuf). Il y en a? Dix neuf dizaines donc. Dix-neuf fois un, ça fait combien? (…) Dix-neuf dizaines, ça fait quoi? Dix-neuf fois un (Elèves: Dix-neuf!). Dix-neuf. uploads/Management/ math-matiques-coulange-2010-differenciation-maths-pratiques-enseignantes.pdf
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- Publié le Fev 15, 2022
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