Chapitre 7 - Mériter la confiance des clients 1 7 Mériter la confiance des clie

Chapitre 7 - Mériter la confiance des clients 1 7 Mériter la confiance des clients Claire Gauzente, Éric Julienne, Gilles N’Goala et Eric Stevens Crise de confiance – Le naufrage du Costa Concordia Dans la nuit au 13 au 14 janvier 2012, le navire de croisière Concordia de l’armateur italien Costa fait naufrage près de l’île du Giglio après avoir heurté un rocher à environ 300 mètres de la côte. Près de 4 200 personnes doivent être évacuées dans une situa- tion d’urgence et de chaos qui est suivie quasi heure par heure par tous les médias. Les témoignages foisonnent. Comme l’indique un passager dans un quotidien régio- nal et dont le témoignage est relayé en ligne : « Ce qui s’est passé n’aurait jamais dû arriver. Nous n’avons vu personne de Costa avant notre arrivée en France. J’ai l’impres- sion que la compagnie n’était pas préparée à ça. Nous avons été livrés à nous-mêmes, dans une désorganisation totale ». Ce rescapé français met en cause l’ensemble de l’organisation et souligne le manque de contacts et d’informations. Dans la foulée, commentaires, interprétations et regards d’experts sont diffusés par voies radiophoniques et télévisuelles. La presse quotidienne, elle aussi, colle aux événements grâce à sa présence en ligne. L’ensemble du public peut difficilement échapper à cette information et chacun est en mesure de se projeter dans une situation semblable qui bous- cule potentiellement différentes représentations : à propos des croisières, du loisir, des Stratégie clients 2 navires, etc. La confiance qui peut être accordée a priori à des opérateurs de tourisme, et plus particulièrement aux armateurs de navires de tourisme, est remise en question. Pour maintenir le lien avec les différents publics et répondre aux inquiétudes immé- diates, Costa Croisières déploie une communication très réactive en réagissant sur son site officiel (costacroisières.fr) et son blog (blog.costacroisieres.fr) dont la mission toujours affichée est d’être « un lieu convivial d’échanges et de bonne humeur ». Naturellement, ces deux voix officielles vont se retrouver frappées de l’erreur « Server is too busy » dans les heures qui vont suivre… Les réseaux et médias sociaux animés par la compagnie vont eux remplir leur rôle d’information en continu et de proximité. Ainsi, dès le 14 janvier à 2 h 11 du matin, soit quelques heures après le naufrage, un premier message est diffusé : « Costa Concordia le 14 janvier 2012 : appelez le 01 55 47 55 55 − C’est une tragédie qui affecte profondément notre compagnie. Nos premières pensées vont aux victimes et nous voudrions exprimer nos condoléances à leurs familles et à leurs proches. En ce moment, nos efforts sont concentrés sur les dernières opérations d’urgence sur l’assistance aux clients et aux membres d’équipage présents à bord pour les faire ren- trer chez eux le plus rapidement possible. » Le 16 janvier est mise en ligne une vidéo sur YouTube dans laquelle le président Froschi présente ses condoléances et réaffirme l’implication de sa compagnie dans la recherche des disparus. Jour après jour, l’ensemble des médias fait le bilan des morts et relaie les initiatives engagées par les rescapés. Par exemple, l’association italienne de défense des consommateurs Codacons met en place une action collective. En parallèle, les agissements du capitaine du navire sont mis en cause de manière récurrente… Quelques semaines plus tard, un nouvel épisode s’ajoute avec un début d’incendie sur le Costa Voyager… Sources : costacroisieres.fr, blog.costacroisieres.fr, page Facebook de Costa Croisière, Libération, Le Figaro, Le Monde. Costa Croisières fait face à une crise dont cet événement illustre bien les différents éléments : un phénomène soudain, brutal, qui précipite l’entreprise sur le devant de la scène médiatique et dans l’esprit du public, avec une forte intensité et de multiples interrogations. La gravité de l’accident pèse plus lourdement encore à partir du moment où des morts sont décomptés. Un tel événement remet en cause l’organisation interne (voir les témoignages des naufragés), compromet les recettes futures et la relation de l’entreprise avec les clients, et interroge plus largement le secteur et la réglementation afférente à la sécurité (consul- tation des experts en sécurité maritime). Une crise, événement exception- nel, met à nu les points de fragilité de l’organisation et trouble les relations qu’elle entretient avec les différentes parties prenantes, au premier rang desquelles, les clients. Dans un cas comme celui-là, la confiance accordée a priori est remise en cause de manière exacerbée et la confiance acquise peut être détruite. Chapitre 7 - Mériter la confiance des clients 3 Si des situations comme celles-ci peuvent remettre en cause la confiance des clients envers les entreprises, c’est que la confiance accordée est tou- jours fragile, difficile à construire et à entretenir. Il est clair que le niveau de confiance antérieurement atteint détermine la rémission, le retour à la normale. Mais comment créer, au départ, les conditions d’une confiance minimale pour pouvoir engager la relation et, plus tard, les conditions de maintien et de consolidation de la confiance établie ? La confiance est un concept essentiel pour décrire et comprendre les comportements humains, notamment les comportements organisation- nels. Cette notion est mobilisée dans les sciences humaines et sociales lorsqu’il s’agit d’examiner les rapports interpersonnels et de dépasser les analyses appuyées exclusivement sur le calcul des coûts d’opportunités ou sur des coûts de coordination, dits « coût d’agence ». Rapidement, la confiance est mobilisée en théorie des organisations et contribue à expli- quer la formation des relations entre les organisations (Ring et Van de Ven, 1994). Le marketing a intégré cette notion, en premier lieu pour décrire l’échange en milieu industriel, puis, par extension, pour l’appli- quer au domaine B2B (Guibert 1999). Progressivement, l’édification d’une théorie du marketing relationnel place au cœur de l’analyse des relations client-entreprise la confiance, l’engagement et les comportements de loyauté (Aurier et N’Goala, 2010). On peut envisager la confiance de deux façons (Ring et Van de Ven, 1994). La première conçoit la confiance comme la foi que l’on peut avoir dans la prédictibilité des comportements de l’autre ; la seconde concerne la croyance dans la bonne volonté ou la bienveillance de l’autre. Là où la première vision s’enracine dans l’évaluation des risques et des garanties qui « fiabilisent » les comportements adverses, la seconde repose plus sur une croyance dans les valeurs morales de l’autre (intégrité, honnêteté, déontologie, responsabilité, etc.). La première approche de la confiance se réfère non seulement à l’idée d’une tierce partie (individu ou organisation), mais aussi à son environnement qui, par ses caractéristiques, apporte des garanties sur le bon déroulement de la relation. La seconde approche, quant à elle, donne la part belle aux interactions interpersonnelles, à la création de liens sociopsychologiques et à la construction de sentiments partagés. La prise en compte de ces deux dimensions est donc nécessaire à une bonne compréhension des enjeux car si l’entreprise dispose d’un certain nombre de leviers, son rayon d’action s’inscrit dans un environnement spécifique lui-même générateur − ou non − de confiance. Pour l’entreprise, il est donc important d’analyser les forces internes et externes qui pèsent sur l’édification de la confiance, et de cerner comment elle se manifeste Stratégie clients 4 du côté des clients. On considère que la confiance s’exprime aussi bien dans les croyances que dans les intentions et les comportements effectifs des clients (Grabner-Kräuter et Kaluscha, 2003). En s’appuyant sur ces principes, il est tout à fait possible de mesurer la confiance des clients, ce qui permet un suivi longitudinal1. Les enjeux associés à la confiance sont nombreux. En premier lieu, une confiance minimale constitue le préalable à la mise en place d’une relation. Si le CRM a pour objet principal de gérer la relation client dans le temps, la nécessité première est de rendre possible cette relation. Cette étape passée, en second lieu, il s’agit de consolider la confiance, de gérer les moments critiques qui ne manqueront pas d’arriver dans une relation, et qui doivent être anticipés et pris en charge. Plusieurs bénéfices de la confiance sont attendus pour l’entreprise comme pour le client : engage- ment mutuel, adaptation et anticipation des besoins ou contraintes de chacune des deux parties, et maintien et développement de la relation se traduisant par une valeur client accrue. Pour relever ces défis, il nous apparaît clairement que les stratégies « cosmétiques » ne sont pas appropriées. Dans une période marquée de plus en plus par le scepticisme, voire par la résistance des clients, il est nécessaire de mettre en avant des valeurs fortes dont la sincérité puisse être perçue au travers de petits « détails » qui, cumulés les uns aux autres, permettent de crédibiliser les efforts et les engagements de l’entreprise. 1. Une relation de confiance adossée à une organisation de confiance Mériter la confiance des clients suppose une prise de conscience et des actions délibérément conçues pour susciter cette confiance. Or, si l’on souhaite éviter l’écueil du livre de recettes, il convient tout d’abord de donner les clés de compréhension et d’analyse du contexte et des dispo- sitions organisationnelles qui permettront à l’entreprise de s’engager dans cette aventure. La uploads/Management/ meriter-la-confiance-du-client.pdf

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  • Publié le Mai 12, 2021
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