N°28 Novembre 2012 6€ HORS-SÉRIE NUMÉRIQUE R eproduction autorisée. M ention ob

N°28 Novembre 2012 6€ HORS-SÉRIE NUMÉRIQUE R eproduction autorisée. M ention obligatoire de l' auteur et du CR AP-Cahiers pédagogiques Utilisation commerciale interdite. SOMMAIRE ACTUALITÉS Une démarche ambitieuse 1. D'une logique à une autre 2. En pratique, en géographie et en histoire 3. Enseigner, évaluer 4. Exemplaire réservé : DESJARDINS JEAN Jean Desjardins. L 3. En pratique, en géographie et en histoire Enquête en cours Au Québec, malgré bien des difficultés, l'approche par compétences reste prévue par les programmes, et donne un cadre pour faire évoluer les pratiques, progressivement. Un exemple avec des élèves invités à devenir détectives de l'Histoire. e programme de formation de l'école québécoise prévoit le développement de trois compétences disciplinaires en histoire générale : se questionner sur la société en faisant des liens avec le passé ; expliquer des changements importants de l'Histoire ; prendre conscience de sa place de citoyen de l'Histoire dans la société. Cette approche est bien mal comprise de l'opinion publique, les demandes des syndicats qui voulaient que l'évaluation ne porte que sur les connaissances ou le scepticisme des médias n'y arrangeant rien. Les ministres de l'Éducation successifs ne contribuent guère à éclaircir les choses, se contentant de réécritures pour rendre des compétences plus claires pour les parents, et cédant à la pression en faveur d'un retour aux notes. Depuis l'année scolaire dernière, les enseignants n'inscrivent plus qu'une seule note au bulletin, qui doit rendre compte des compétences, mais aussi des connaissances de l'élève. RETOUR, VRAIMENT ? Bien qu'elles n'aient jamais disparu ni des classes ni des programmes, les appels pour un retour aux connaissances n'auront cessé de se faire entendre. L'idée que des élèves compétents soient forcément « connaissants » (car être compétent, c’est simplement savoir se servir de ce que l'on sait) est trop rarement avancée. Comment rester engagé pour un changement de paradigme en éducation, quand on vient de connaitre un tel retour en arrière sans autre vision prospective ? Diplômé en 2002 sous l'ancien régime pédagogique, je n'aurais pas pu être convaincu des mérites de la pédagogie par compétences sans vivre les limites de la transmission de connaissances. À mon grand étonnement, peu importe leurs résultats de fin d'année, trop peu de mes élèves se souvenaient, l'année suivante, ne serait-ce que d'un seul des trois plus importants faits historiques que je leur avais demandé de fixer en mémoire comme principal bagage de nos cours. Par exemple, plus de traces de « la prise de Constantinople en 1453 par les Turcs ottomans » comme cause des grandes explorations et de la redécouverte de l'Amérique. De même, si personne ne va affirmer que les connaissances historiques des Québécoises et Québécois sont mieux que faméliques, j'aimerais savoir pourquoi c'est au travail par compétences tout récent qu'on reproche de former des ignorants ! Les tenants de la transmission de connaissances ou de la pédagogie explicite attribuent peut-être à l'élève la responsabilité de se souvenir une fois qu'eux ont tout raconté, un aveuglement volontaire bon seulement à protéger notre sentiment de compétence professionnelle. LES CONSÉQUENCES DE L'INDUSTRIALISATION Depuis ma conversion au travail par compétences, voici la façon dont je procède. Pour illustrer mon propos, je m'appuierai sur des exemples tirés de la dixième des douze réalités sociales à l'étude pour les élèves de 12 à 14 ans de 1re et 2e secondaires, qui porte sur le DOSSIER DÉVELOPPER DES COMPÉTENCES EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE En pratique, en géographie et en histoire 27 Les Cahiers pédagogiques Hors-Série Numérique N°28 Novembre 2012 Exemplaire réservé : DESJARDINS JEAN sociales à l'étude pour les élèves de 12 à 14 ans de 1 et 2 secondaires, qui porte sur le Révolution industrielle en Angleterre. À la fin d'un peu moins de neuf cours de soixante- quinze minutes, les élèves doivent pouvoir expliquer « quelles sont les conséquences de l'industrialisation sur la société anglaise », une tâche de compétence 2 (interpréter les réalités sociales à l'aide de l'Histoire). Avant d'en arriver là, la méthode historique veut qu'on les voie démontrer la première, celle qui consiste à interroger l'Histoire. En analysant des documents du présent (manifestations syndicales, loi sur les normes du travail, scolarisation des jeunes), puis du passé d'avant et pendant la Révolution industrielle (artisans, mécanisation du travail, travailleurs d'usine, conditions de travail pénibles et insalubrité des quartiers industriels), je tente d'amener les élèves à poser des questions comme celles-ci : « Pourquoi les travailleurs aujourd'hui sont-ils bien tandis que ceux d'autrefois enduraient de terribles conditions de travail et de vie ? », « Quelles conséquences sur l'espérance de vie ont occasionné les mauvaises conditions de travail et de vie des travailleurs au moment de l'industrialisation ? » ou encore « Qu'est-ce qui a forcé les travailleurs à accepter que leurs conditions se détériorent et quel rôle ont joué les syndicats pour qu'elles soient meilleures aujourd'hui ? ». Il faut prévoir plus de quatre- vingt-dix minutes pour une telle tâche. Une bonne question d'élève dépassera le contenu des documents que nous lui fournissons, et nécessitera une recherche pour y répondre. Si les élèves parviennent à mesurer l'écart entre le monde pré-industriel, celui de la Révolution industrielle et celui d'aujourd'hui, à en questionner les causes et les conséquences, alors les apprentissages qu'ils feront lors de cette réalité sociale devraient avoir un sens plus grand pour eux. ANALYSE PLUTÔT QUE GAVAGE Dans les cours suivants, nous abordons la compétence 2. J'ai structuré les savoirs de manière à ce que les élèves découvrent une à une les dimensions de la problématique qui nous occupe : « Quelles sont les conséquences de l'industrialisation sur la société anglaise ? » Cela signifie jouer d'intertitres et regrouper les documents qui sont semblables, car je crois que c'est aussi par l'analyse de documents qu'il faut développer la compétence 2. Pour aider les jeunes à établir les faits pertinents qu'ils peuvent tirer des documents, j'ai aussi rédigé des questions dont certaines réponses seront le matériau de base pour répondre à la problématique. Travailler par compétences signifie privilégier l'analyse plutôt que le gavage. C'est aussi moins mesurer la mémorisation de l'élève que sa capacité de mobiliser les faits historiques pertinents dans le cadre d'une tâche complexe. Et cette problématique, on a tout intérêt à y donner une forme intéressante si l'idée nous vient. Au lieu de la poser platement, on dira plutôt à l'élève qu'il est un romancier anglais qui veut dépeindre la misère des quartiers industriels en arrière-plan de son prochain livre, ou encore l'inviter à habiter le rôle d'un écolier au début de la scolarisation obligatoire qui relate ce qu'il a fait à l'école, pendant que son frère et leur père racontent le travail de ce jour-là à la mine. Les nouvelles technologies nous permettent aussi de différencier le type de tâche pour l'élève entre l'écrit et l'audiovisuel, quoique les écoles publiques sont encore très mal équipées et qu'elles maintiennent pour la plupart une interdiction des outils dont pourrait disposer l'élève. MENER L'ENQUÊTE J'appelle « enquêtes » mes productions qui permettent aux élèves l'étude d'une réalité sociale. J'éprouve un malin plaisir quand ils en adoptent le terme à leur tour. Lors de la plupart de nos cours, après une courte partie magistrale pendant laquelle nous discutons d'actualité, où je modèle des stratégies d'apprentissage pertinentes et où je raconte des bribes de l'histoire qu'ils s'apprêtent à découvrir afin de les engager dans la tâche, les élèves deviennent actifs. Ils mènent l'enquête en équipe de deux ou trois. La teneur de leurs discussions et celles que j'ai avec eux sont parfois tout ce qu'il me faudrait pour déterminer le niveau de développement de compétences qu'ils ont atteint. Je demande aux plus habiles de m'aider à faire réfléchir leurs équipiers qui vivent de plus grands défis. Ils peuvent y arriver en ne donnant pas la réponse, mais plutôt en les interrogeant pour qu'ils la découvrent à leur tour. Si je constate que mes élèves apprennent, et dans la mesure où je les ai vus en classe résoudre la problématique de l'enquête, je n'ai même plus à procéder à des examens traditionnels. J'ai ainsi l'impression de mettre l'apprentissage au cœur de mes cours plutôt qu'être obsédé par l'évaluation. Cela rehausse aussi la valeur des DOSSIER DÉVELOPPER DES COMPÉTENCES EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE En pratique, en géographie et en histoire 28 Les Cahiers pédagogiques Hors-Série Numérique N°28 Novembre 2012 Exemplaire réservé : DESJARDINS JEAN apprentissages faits en classe. En correction, je me concentre surtout sur la réponse à la problématique. Mais les réponses aux questions de l'enquête sont les morceaux essentiels du casse-tête. Un élève qui réussit à la résoudre, mais qui n'en a pas les « pièces justificatives » a probablement pris des raccourcis et ne mérite pas sa note. De même, il faut aussi discuter avec les élèves qui nous surprennent pour valider leurs réponses. Corriger les compétences 1 et 2 me prend donc un temps certain. Si je continue de trouver des manières d'alléger la besogne, en consignant plus de traces de la compétence de mes élèves en cours d'enquête et par des grilles où se trouvent consignés mes commentaires les plus uploads/Management/ mon-article-sur-l-x27-enseignement-par-competences-publie-dans-les-cahiers-pedagogiques-en-france.pdf

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  • Publié le Mai 24, 2021
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