MRP moins 2… ou la dégénérescence des ERP Par Xavier Perrin, CFPIM, CIRM, CSCP,
MRP moins 2… ou la dégénérescence des ERP Par Xavier Perrin, CFPIM, CIRM, CSCP, Certified Black-Belt in Lean (CBBL), dirigeant fondateur de XP Consulting Introduction L'amélioration du taux de service et la réduction des délais et des stocks sont le lot commun des entreprises industrielles. Deux approches développées au cours des dernières décennies ont considérablement fait progresser leur aptitude à relever ces défis : L'avènement des technologies informatiques a permis l'émergence d'outils de planification "assistés par ordinateur". Ainsi J.Orlicky, créateur des premiers algorithmes de calcul de besoins nets (MRP) dans les années 60, a posé les bases permettant à O.Wight et G.Plossl de développer l'architecture MRP2 (Planification des Ressources de la Production), reprise par nos modernes ERP. Le développement continu de la puissance de nos ordinateurs et des techniques de programmation a donné naissance aux APS, outils de planification sous contrainte, toujours plus performants. Parallèlement, le Système de Production Toyota formalisé par Taiichi Ohno, puis popularisé par les recherches du MIT et le célèbre ouvrage de J.Womack, D. Jones et D.Roos "The machine that changed the world", a mis à disposition des industriels une philosophie et des outils qui leur ont permis de considérablement améliorer leur performance en terme de qualité, de coûts et de délais. Et pourtant, quel contraste entre les promesses de ces techniques et ce qu'on observe dans beaucoup de nos entreprises. Alors qu'elles ont investi des sommes colossales pour se doter des meilleurs ERP, le principal outil effectivement utilisé par les équipes chargées de la logistique et de la gestion de production est… le tableur ! Inutile de compulser les revues spécialisée pour connaître le numéro un des ERP : il est édité par Microsoft et s'appelle Excel ! Faut-il en conclure que nos ERP sont défaillants ? Qu'ils ne répondent pas aux enjeux de nos entreprises ? Nombreuses sont les critiques, voire les sarcasmes, adressés à ces technologies. Bien souvent, on n'hésite pas à leur faire porter la responsabilité de la mauvaise performance de nos entreprises. C'est par ailleurs une accusation fréquente proférée par des confrères qu'on qualifie parfois de "gourous" du lean manufacturing… Il faut toujours se méfier des gourous, fussent-ils experts en lean manufacturing… Plus de 25 années passées dans l'industrie, dont une bonne douzaine d'années comme consultant, me permettent de répondre avec assurance qu'un ERP (je veux parler ici de ceux qui font référence bien sûr, pas des impostures d'ERP) n'est jamais la cause des déboires d'une entreprise. Quand l'ERP est montré du doigt, il faut rechercher la vraie cause des dysfonctionnements dans deux directions : 1. La façon dont l'ERP a été implémenté, et partant, la compétence de ceux qui l'ont mis en place (équipe projet, intégrateur…) 2. La façon dont l'ERP est utilisé, et partant, la compétence des utilisateurs et surtout, celle de leurs responsables. C'est ce deuxième point que je développerai dans cet article. Rappel à propos de MRP2 Le propos de cet article n'est pas de faire une Nième description de ces concepts : la littérature est pléthorique en la matière. Il faut juste lire les bons ouvrages… en privilégiant ceux écrits par des CPIM ! L'architecture d'un système de planification est décrite ci-dessous. Je voudrais m' attarder sur les flèches (en rouge sur le dessin) qui relient les différents rectangles, et qui constituent la "substantifique moelle" du système de planification MRP2. Comme on peut le remarquer, les flèches rouges sont des doubles flèches : elles relient les rectangles dans les deux sens. Prenons l'exemple des flèches qui relient les rectangles "PIC "et "Planification des Besoins en Ressources". Cela signifie que lorsqu'un plan de production a été construit au cours du processus PIC (volumes mensuels de production par familles sur un horizon de 18 mois au moins), on projette les "besoins en ressources" générés par le plan pour les ressources critiques. Lorsqu'un déséquilibre entre les besoins en ressources et les capacités est mis en évidence, deux solutions sont envisageables (en général, c'est une combinaison des deux solutions qui est retenue) : • Soit on peut ajuster les capacités des ressources dans l'horizon, auquel cas le plan peut être validé, • Soit on ne peut pas adapter les capacités des ressources dans l'horizon, et il faut réviser le plan avant de le valider. La double flèche indique donc que le rectangle "PIC" pilote le rectangle "Planification des Besoins en Ressources" (flèche vers la droite) et que le rectangle "Planification des Besoins en Ressources" contraint le rectangle "PIC" (flèche vers la gauche). Bien entendu, ces flèches représentent bien plus que des transferts d'information. Certains d'ailleurs voient avant tout le système MRP2 comme un système d'information, ce qui est pour le moins réducteur et à l'origine de bien des déconvenues (voir mon article "L'illusion du temps réel" sur le blog de www.xp-consulting.fr). Les flèches indiquent que des décisions doivent être prises : le système de planification est d'abord un processus de décisions, qui doivent bien sûr être prises par les bonnes personnes. Par exemple, s'il faut ajuster les capacités de certaines ressources critiques, c'est une décision qui engage le plus haut niveau de responsabilité de l'entreprise. De la même façon, si le plan de production, le plan des ventes ou le plan de stock doivent être reconsidérés, cela engage les directions concernées et, bien sûr, la direction générale. Si on considère maintenant les rectangles "PIC" et "PDP", la flèche descendante indique que le "PIC" pilote le "PDP", c'est-à-dire, que le programme de production (références, quantités, périodes) doit s'inscrire dans le plan de production de la famille concernée. Il arrive que, compte-tenu de la réalité de la demande client à court terme, et/ou de la réalité du mix produit, et/ou des contraintes de capacité mises en évidence dans le rectangle "Vérification Globale des Charges ", le PDP ne s'inscrive pas dans le cadre du plan de production. Dans ce cas, c'est la flèche montante du rectangle "PDP" vers le rectangle "PIC" qui contraint le PIC : le plan de production doit être révisé. Plan Stratégique d'Entreprise PIC / S&OP Plan Industriel et Commercial PDP / MPS Programme Directeur de Production CBN / MRP Calcul des Besoins Nets Exécution et Pilotage des Opérations Planification des besoins Planification des Besoins en Ressources Planification des Besoins en Ressources Vérification Globale des Charges Calcul des Besoins en Capacité Pilotage des Flux de Charge Planification des capacités Ce mécanisme se répète à tous les niveaux du système de planification. Il représente les processus de décision qui constituent l'essence même d'un système de planification. Lorsque les "flèches" ne jouent pas leur rôle, c'est- à-dire lorsque les décisions ne sont pas prises au bon moment et par les bonnes personnes, le processus de planification est défaillant, quelque soit l'ERP qui le supporte. Dans la suite de cet article, je m'attarderai sur un "classique" du dysfonctionnement du système de planification, particulièrement désastreux pour la performance de l'entreprise (taux de service, stocks) et pour l'efficience et l'efficacité des équipes chargées des approvisionnements et de l'ordonnancement. Nous allons donc regarder de plus près les flèches qui relient les rectangles "PDP", "CBN", "Calcul des Besoins en capacité" et "Exécution et pilotage des opérations". Observations Toute ressemblance entre les situations décrites ci- dessous et la réalité de ce qui se passe dans votre entreprise n'est pas fortuite. Imaginons une entreprise qui fabrique ses propres produits par l'assemblage de composants et de sous- ensembles qu'elle fabrique dans ses ateliers et qu'elle approvisionne chez des fournisseurs. L'entreprise en question dispose d'un ERP de qualité : il couvre de façon pertinente l'ensemble du système de planification. Certes, il n'est pas de première jeunesse et son ergonomie est quelque peu dépassée… Les personnes chargées des approvisionnements, leurs collègues chargés de l'ordonnancement et du suivi de fabrication, sont devenues expertes dans l'utilisation de Microsoft Excel : c'est une nécessité car les listes de priorité établies pour les ateliers par les techniciens d'ordonnancement, les listes de manquants avec les dates de mise à disposition communiquées aux planificateurs par les approvisionneurs, les calculs de charge réalisés par les techniciens d'ordonnancement pour les responsables d'atelier et le responsable de la logistique, tous ces documents sont établis avec Excel à partir d'extractions de la base de donnée de l'ERP. Pourquoi n'utilise-t-on pas les documents et états générés par l'ERP ? Sont-ils tellement mal présentés, peu lisibles, qu'on ne saurait les exploiter ? Non, les états de l'ERP ne sont pas utilisés car ils sont "faux" ! Et en quoi sont-ils faux ? Réponses : • Les listes de manquants communiquées aux planificateurs, pour qu'ils puissent programmer la fabrication des produits- finis, indiquent principalement des dates de mises à disposition "dans le retard" qui sont bien sûr inexploitables. • Les listes de priorité établies pour les ateliers ne reflètent pas la réalité des priorités. Les "vraies" priorités sont définies par une "liste stratégique", qui n'est pas gérée avec l'ERP… • Les graphiques de calcul de charge générés par l'ERP sont inexploitables car ils montrent que l'essentiel de la charge de travail est située… dans le passé. Le taux de respect du PDP n'est pas uploads/Management/ mrp-moins-2-ou-la-degenerescence-des-erp-cfpim-cirm-cscp-certified-black-belt-in-lean-cbbl.pdf
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- Publié le Mar 26, 2021
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