penser / rêver Collection dirigée par Michel Gribinski Pierre Bergounioux Où es
penser / rêver Collection dirigée par Michel Gribinski Pierre Bergounioux Où est le passé entretien avec Michel Gribinski Theodor W. Adorno La psychanalyse révisée traduit de l’allemand par Jacques Le Rider suivi de Jacques Le Rider L’allié incommode Henri Normand Les amours d’une mère Nathalie Zaltzman L’esprit du mal Christian David Le mélancolique sans mélancolie Paul-Laurent Assoun Le démon de midi Adam Phillips Winnicott ou le choix de la solitude Jean-Michel Rey Paul ou les ambiguïtés Michel Neyraut Alter Ego Jeanne Favret-Saada Désorceler Adam Phillips Trois capacités négatives Michel Gribinski Les scènes indésirables François Gantheret La nostalgie du présent, psychanalyse et écriture Jeanne Favret-Saada Jeux d’ombres sur la scène de l’ONU Jean-Michel Rey L’oubli dans les temps troublés Adam Phillips Promesses de la littérature et de la psychanalyse Daniel Oppenheim L’enfant très malade approché dans ses dessins François Richard L’actuel malaise dans la culture Dominique Scarfone Quartiers aux rues sans nom J.-B. Pontalis Le laboratoire central Jean Imbeault Remake Adam Phillips La meilleure des vies. Éloge de la vie non vécue Jean-Michel Rey Histoires d’escrocs I. La vengeance par le crédit ou Monte-Cristo penser / rêver revue de psychanalyse dirigée par Michel Gribinski Déjà parus penser/rêver n° 1 L’enfant dans l’homme (printemps 2002) penser/rêver n° 2 Douze remèdes à la douleur (automne 2002) penser/rêver n° 3 Quand la nuit remue (printemps 2003) penser/rêver n° 4 L’informe (automne 2003) penser/rêver n° 5 Des érotomanes (printemps 2004) penser/rêver n° 6 La haine des enfants (automne 2004) penser/rêver n° 7 Retours sur la question juive (printemps 2005) penser/rêver n° 8 Pourquoi le fanatisme ? (automne 2005) penser/rêver n° 9 La double vie des mères (printemps 2006) penser/rêver n° 10 Le conformisme parmi nous (automne 2006) penser/rêver n° 11 La maladie chrétienne (printemps 2007) penser/rêver n° 12 Que veut une femme ? (automne 2007) penser/rêver n° 13 La vengeance et le pardon, deux passions modernes (printemps 2008) penser/rêver n° 14 L’inadaptation des enfants et de quelques autres (automne 2008) penser/rêver n° 15 Toute-puissance (printemps 2009) penser/rêver n° 16 « Un petit détail comme l’avidité » (automne 2009) penser/rêver n° 17 À quoi servent les enfants ? (printemps 2010) penser/rêver n° 18 La lettre à la mère (automne 2010) penser/rêver n° 19 C’était mieux avant… (printemps 2011) penser/rêver n° 20 Le temps du trouble (automne 2011) penser/rêver n° 21 Le genre totalitaire (printemps 2012) penser/rêver n° 22 Portraits d’un psychanalyste ordinaire (automne 2012) penser/rêver n° 23 Le corps (est un) étranger (printemps 2013) À paraître penser/rêver n° 24 Façons de tuer son père et d’épouser sa mère quand on est l’enfant d’un couple homoparental (automne 2013) www.penser-rever.com ISBN 978.2.8236.0275.3 © Éditions de l’Olivier, 2013. Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo Table des matières Couverture penser / rêver penser / rêver Copyright Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Nous sommes sensibles au style. Il colore toutes les manifestations de l’existence sociale. Le mot s’applique plus particulièrement à la littérature. Selon le dictionnaire, c’est un « aspect de l’expression chez un écrivain », une « façon de traiter les matières et les formes » dans les arts plastiques et, d’un point de vue plus général, une manière personnelle ou collective d’être ou de faire. Étymologiquement, le grec stulos désigne simplement un pilier. Le stylite est un ermite qui vivait et priait au sommet d’une colonne, entre ciel et terre. C’est le latin qui a rapproché l’étai de l’écrit. Stylus, c’est encore le pieu mais c’est aussi le poinçon à écrire sur les tablettes de cire. Le mot stylographe apparaît en 1907. Il vient de l’anglais où il est attesté dès 1882, lorsqu’on munit le porte-plume d’un réservoir d’encre. Il existe une très ancienne science du style. Charles Bally l’a refondée sur les principes de la linguistique structurale. Il écrit : La stylistique ne peut être une science historique. La cause en est que les faits de langage ne sont faits d’expression que dans la relation réciproque qui existe entre eux. Ses successeurs persisteront à rapporter le style à la langue comme entité autonome, c’est-à-dire à refuser l’approche historique. C’est pourquoi leurs travaux sont décevants. Ils se ramènent à des grammaires. Ils en ont la sécheresse, la grisaille. Ils laissent intacte l’expérience vécue du style, son retentissement subjectif, ses bonheurs et le bonheur qu’on y trouve. Ce serait une propriété immanente au langage, qu’un pouvoir d’exception dévolu à certains hommes rendrait apparente. La démarche oppose un sujet abstrait de toute détermination à l’objet dont on prétend saisir la réalité propre. Les sciences de la nature sont là pour valider la justesse et la fécondité de cette posture existentielle, qui gouverne la connaissance rationnelle. Les choses humaines, en revanche, échappent à cet objectivisme. Le style est chose relative, non pas seulement dans l’emploi différentiel des mots et des tournures, des formes et des couleurs, mais dans leur réception. Il est ou non perçu comme tel. Dans le premier cas, il s’accompagne d’un plaisir spécifique et s’apparente à une révélation. En tout état de cause, il reste voilé de mystère. Tout incite donc à rapatrier la question du style sur le terrain qui est le sien, celui de l’histoire, des luttes qui opposent les hommes entre eux dès la formation des premières sociétés. Qu’on ait retenu l’instrument graphique pour désigner des façons distinctives d’être ou d’agir, constitue un indice de départ. Le style a à voir avec l’écriture et celle-ci avec l’exploitation de l’homme par l’homme sous sa forme primitive, l’esclavage, dans les premiers empires de l’Antiquité. On date l’apparition de l’écriture de la fin du IVe millénaire et ce qui devrait surprendre, ce n’est pas son ancienneté relative mais son tardif éveil. L’espèce humaine est parvenue au stade actuel d’évolution depuis une cinquantaine de milliers d’années. Rien ne nous distingue de la race de Cro-Magnon, même posture verticale, même équipement cérébral. Il y a place, dans sa volumineuse boîte crânienne, sur son vaste cortex, pour les deux aires de Broca et de Wernicke qui commandent l’usage du langage. Ces lointains prédécesseurs parlaient, à coup sûr, mais n’ont pas laissé de traces écrites, rien que des images dont la splendeur fait regretter l’absence de témoignages de leur pensée. Les recherches d’André Leroi-Gourhan n’ont pas véritablement établi l’existence de proto-écritures aux parois des cavernes où semblent vivre, tant ils sont bien peints, les rennes et les rhinocéros du Magdalénien. Les signes qu’il a relevés, analysés seraient peut- être des ébauches calendaires. Il n’y a pas loin, pourtant, du dessin au pictogramme, de celui-ci à la forme simplifiée de l’idéogramme et, de là, aux caractères cunéiformes. L’alphabet, qui constitue une révolution dans la révolution puisqu’on s’avise de noter, non plus les choses, mais les sons, est inventé dès le XIVe siècle, dans l’actuelle Syrie. Au VIIIe siècle, les Grecs y apportent cette perfection à laquelle on n’a plus rien ajouté – un caractère pour chaque son, à tout son, un caractère. Si l’Homo sapiens possède le langage articulé sans éprouver d’abord et longtemps le besoin de le visualiser, comme il l’a fait de ses actes, de la chasse, il faut en chercher l’explication hors de l’évolution biologique. L’invention de l’écriture, c’est-à-dire de l’archive, de l’histoire comme science du passé, c’est l’histoire, l’émergence des premières sociétés inégalitaires, de castes et de classes, dont la lutte est l’élément moteur. Un mobile dont il n’est pas nécessaire de connaître la nature, avidité, paresse, désir d’imposition, pousse les montagnards du plateau d’al-Hadjara, à l’ouest, ou des hauteurs de Kermanshah, en est, à descendre dans les vallées de l’Euphrate et du Tigre, les nomades du désert de Mongolie à s’enfoncer dans les plaines de lœss de la Chine, non plus pour razzier des biens, tuer et saccager à plaisir, à l’occasion, mais pour asservir leurs populations et s’installer à demeure. Les premières civilisations sont esclavagistes. Un groupe de guerriers, secondé par des prêtres, astreint des masses paysannes au travail et confisque le surproduit. Son intérêt bien compris le porte à améliorer les moyens de production. Les économistes se sont demandé s’il n’y aurait pas lieu de distinguer un mode de production intermédiaire entre les communautés primitives, organisées sur la base des rapports de parenté et possédant en commun le sol, et l’esclavagisme classique, de type gréco-romain, qui implique la dépendance d’un individu vis-à-vis d’un autre individu. Ce serait le mode de production asiatique 1. L’État se comporte en entrepreneur. Il contrôle la vie économique, mobilise les ressources nécessaires à l’exécution de grands travaux, l’irrigation dans les empires hydrauliques, les ouvrages défensifs comme la grande muraille, la protection du commerce intertribal, dans les royaumes du Ghana, du Mali, les constructions de pur prestige, comme les pyramides. L’ampleur de ces réalisations pose un problème technique. La grandeur de la force de travail mobilisée, la complexité du procès, la quantité du produit excèdent les limites de la mémoire naturelle. Nul n’est plus en mesure de se remémorer le nombre et le nom des milliers d’esclaves qui peinent sous le fouet, s’ils ont ou non exécuté leur tâche, versé tout ou partie uploads/Management/ pierre-bergounioux-le-style-comme-experience.pdf
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- Publié le Dec 21, 2022
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