N° 84 Janvier 2017 NOS ÉMOTIONS SONT-ELLES VRAIMENT UNIVERSELLES ? MÉMOIRE L ’É

N° 84 Janvier 2017 NOS ÉMOTIONS SONT-ELLES VRAIMENT UNIVERSELLES ? MÉMOIRE L ’ÉNIGME DES PERSONNES QUI NE PEUVENT RIEN OUBLIER MANGER DE LA VIANDE ? CE QU’EN DISENT LES NEUROSCIENCES TROUBLES ANXIEUX LES DISTINGUER POUR MIEUX LES PRENDRE EN CHARGE FEMMES ET MATHÉMATIQUES STOP AU COMPLEXE D’INFÉRIORITÉ 3’:HIKRQF=[U[ZU\:?k@k@i@e@a"; M 07656 - 84 - F: 6,50 E - RD D : 10 €, BEL : 8,5 €, CAN : 11,99 $ CAD, DOM/S : 8,5 €, LUX : 8,5 €, MAR : 90 MAD, TOM : 1 170 XPF, PORT.CONT. : 8,5 €, TUN : 7,8 TND, CH : 15 CHF, ESP : 7,70 € Cerveau & Psycho RELÂCHER LA Comment éviter le burn-out neuronal 10 h 37. La réunion commence dans quinze minutes. Mon projet est prêt. Je l’imprime en six exemplaires. Mon portable sonne. La maîtresse de ma fille de 7 ans m’apprend qu’elle a fait une lourde chute en cour de récréation. Il faut passer une radio. Comment faire ? Je passe deux coups de fil. Première nounou injoignable. La deuxième peut se rendre sur place en m’attendant. Entre-temps, trois mails de partenaires commerciaux sont arrivés sur ma messagerie et attendent une réponse très rapide pour conclure un accord. Je réponds au premier. Je regarde ma montre, plus que trois minutes avant la réunion. Je commence le deuxième message. Et ensuite, comment je vais m’en sortir ? Trop de pression. Plus assez de temps. Mais pourquoi ? Il faut changer d’analyse, changer de logiciel. La pression vient de moi, je le sais. De l’envie d’être à la hauteur, de la peur de ne pas accomplir une sorte d’idéal du moi. C’est donc le moi qu’il faut questionner. Commençons ici, pas à pas. En descendant en soi, comme proposait Voltaire. Notre cerveau recèle peut-être des réponses. Voyons ce qu’elles ont à nous dire. Sébastien Bohler SOMMAIRE RELÂCHER LA PRESSION p. 38 Relâcher la pression p. 44 - Test Quelle pression vous mettez- vous ? p. 46 - Interview « La pression a changé de nature » p. 52 Cerveau La force du vide Dossier N° 84 - Janvier 2017 N° 84 - Janvier 2017 « Je ne vais pas tenir. » Trop de choses à faire, de responsabilités, d’exigences, et pas assez de temps. Et si nous étions les premiers à nous charger d’un fardeau excessif ? Cette hypothèse est prise de plus en plus au sérieux. PRESSION LA RELÂCHER Dossier 38 N° 84 - Janvier 2017 N° 84 - Janvier 2017 Toujours plus ! Toujours mieux ! Moteur de réussite, la volonté de bien faire peut, quand les tâches s’accumulent et que les exigences s’élèvent, exercer une intenable pression. Il faut alors en analyser les causes. © erhui1979 / GettyImages T rop de pression ? Un beau soir, la plus belle voix du monde s’en est trouvée incapable de chanter. Le 2 janvier 1958, Maria Callas au sommet de son art, à l’Opéra de Rome, devant un public subjugué, le président de la République italienne et un parterre de personnalités à ses pieds, n’a jamais pu entamer le second acte de Norma. La diva, qui ne se sentait pas à la hauteur, signa ce jour, dans un scan­ dale retentissant, le déclin sa carrière. « La peur de décevoir l’a détruite », expliquera son producteur. Un sentiment qui, loin du destin de la célèbre cantatrice grecque, est partagé par un grand nombre d’humains. Car si la volonté de bien faire est un formidable moteur des progrès et belles réalisations de notre espèce, elle peut aussi devenir une source d’anxiété, un han­ dicap, un frein à l’accomplissement de soi. Par Frédéric Fanget, psychiatre, psychothérapeute spécialiste des thérapies cognitivo-comportementales et enseignant à l’université de Lyon 1. EN BREF £ Nous subissons aujourd’hui une pression vécue comme insupportable et qui conjugue des exigences familiales, personnelles et professionnelles. £ Ces exigences nous sont souvent imposées par nous-mêmes et notre désir de faire toujours mieux. £ Apprendre à tolérer ses propres erreurs et imperfections est une étape essentielle vers une vie plus saine et humaine. 39 N° 84 - Janvier 2017 N° 84 - Janvier 2017 DOSSIER  RELÂCHER LA PRESSION « Fais les choses bien, tu en seras fier de toi- même et apprécié par les autres. » En chacun de nous résonnent des injonctions intérieures, échos de nos premiers âges, qui nous poussent à agir, à avancer, à nous surpasser pour atteindre nos objectifs, et nous construire. « Je dois me faire aimer, je ne dois pas décevoir… faire plaisir aux autres… réussir… mériter ma place… être conforme… » Des lois personnelles auxquelles nous nous soumettons depuis toujours. Ces règles de vie, comme les désignent les thérapies cogni­ tives, sont autant d’exigences que nous nous imposons à nous-mêmes. Elles portent nos valeurs, nous permettent de nous remettre en cause et de nous révéler. Elles guident notre vie, sans que nous en ayons conscience, et quand elles restent raisonnables, elles nous nourrissent de nos succès. La réussite est alors accessible et avec elle, la satisfaction d’avoir vérifié notre valeur et de l’avoir prouvée aux autres. Mais lorsque ces règles deviennent trop rigides voire tyranniques, elles nous oppressent et nous font souffrir tant elles fixent des buts irréalisables. Nous avons alors l’impression d’être toujours en deçà de nos exigences personnelles. Toujours mieux, toujours plus haut, toujours plus… Je reçois dans ma consultation des per­ sonnes dont la souffrance principale est d’être perfectionnistes. Leur problème ? Elles se fixent la barre très haut et cherchent continuellement à donner le meilleur d’elles-mêmes. Ce qu’on appelle en psychologie des « attentes person­ nelles élevées » (ou standards personnels élevés). Un piège. Car plus on élève le niveau d’exigence de ce que l’on souhaite réaliser, plus le risque d’échouer augmente. Cette quête de la performance devient alors d’autant plus pathologique lorsqu’elle n’apporte pas ou plus de satisfaction. Quand l’obsession de la perfection prend le dessus sur le plaisir de la réalisation… Dès lors, il n’y a plus de limite à ce que l’on attend de soi et à l’énergie que l’on consacre à réaliser ses projets. Le temps manque pour assu­ mer toutes les tâches que l’on s’impose et les effectuer de façon « irréprochable ». Stressé, débordé, fatigué, pressé, on en arrive à se consu­ mer physiquement, mentalement, émotionnelle­ ment dans une quête stérile qui mène finalement à ce que l’on craint le plus : l’échec. Poussé à l’extrême, ce mécanisme d’autodestruction peut conduire à une dépression d’épuisement, au burn-out ou à d’autres troubles psychiques. Je prends le cas d’une patiente rencontrée il y a quelques années. Emma est une étudiante brillante, comme elle a été une élève modèle. Installée depuis si longtemps dans la course à la performance que, forte de ses deux ans d’avance, QUAND LES AUTRES AUSSI DOIVENT ÊTRE PARFAITS Le perfectionnisme peut aussi s’exercer envers les autres, en particulier avec l’entourage. Peut-être est-ce le cas si vous vous montrez tyrannique avec votre conjoint ou vos enfants pour qu’ils fassent parfaitement les choses comme vous l’entendez. Peut-être devenez-vous irascible ou décidez-vous de faire à leur place : « On n’est jamais mieux servi que par soi-même. » Cette difficulté à déléguer risque de vous conduire tout droit au surmenage et au stress. Et votre exigence avec les autres peut devenir source de difficultés relationnelles. « Encore un effort ». Le niveau des objectifs qu’on vous fixe peut augmenter, mais c’est à vous de savoir dire non, et d’accepter de ne pas satisfaire toutes les exigences. Sinon, ce processus n’a pas de fin. © erhui1979 / GettyImages 40 N° 84 - Janvier 2017 veut pas faire, comme répondre à des invitations, rendre service sans arrêt alors qu’elle est saturée de travail. UN MODÈLE ÉDUCATIF À L’ORIGINE DE NOS EXIGENCES Toutes ces personnes ont en commun un niveau d’exigence très élevé vis-à-vis d’elles-mêmes. Un trait de personnalité propice à se développer dans certains environnements familiaux. Une étude sur le perfectionnisme menée en 1996 par les psycho­ logues américains Robert Slaney et Jeffrey Ashby rapporte que plus de 80 % des participants interro­ gés mettent en cause de tels facteurs familiaux. Quatre modèles éducatifs favoriseraient le dévelop­ pement du perfectionnisme. À commencer par celui des attentes sociales. « Je dois faire ce qu’attendent de moi papa et maman. » Et quand l’enfant se sent incapable de répondre à ces attentes, s’installe en lui un sentiment chronique de désespoir. La ten­ dance de certains parents à n’exprimer leur satis­ faction que lorsque leurs enfants réussissent à l’école risque d’induire chez ces derniers une estime de soi conditionnée à la performance. elle a décidé d’intégrer une grande école à l’étran­ ger, dans un pays dont elle ne parle pas la langue. Pour relever ce défi, elle a travaillé des semaines durant jour et nuit. Jusqu’à craquer complète­ ment et développer une bouffée délirante. Le challenge était humainement impossible à rele­ ver. Mais avant d’être prise en charge en thérapie, elle ne s’en était pas rendu compte. SOUS LE RÈGNE DE LA TERREUR DE L’ERREUR L’erreur de jugement est uploads/Management/ dossier-relacher-la-pression-cerveau-et-psycho.pdf

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  • Publié le Oct 15, 2021
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