Les avancées scientifiques en psychiatrie La biologie et le futur de la psychana

Les avancées scientifiques en psychiatrie La biologie et le futur de la psychanalyse : un nouveau cadre conceptuel de travail pour une psychiatrie revisitée Biology and the future of psychoanalysis: a new intellectual framework for psychiatry revisited Erik R. Kandel * 722 West 168th St., New York, NY 10032, USA Reçu le 22 octobre 1998; accepté le 19 février 1999 Résumé – L’American Journal of Psychiatry a reçu un grand nombre de lettres en réponse à mon précédent article sur le thème d’un nouveau cadre pour la psychiatrie. Certaines d’entre elles sont reproduites dans ce numéro, et j’y ai répondu brièvement. Cependant, une question soulevée par plusieurs lettres mérite une réponse plus détaillée, celle de savoir si la biologie a une véritable pertinence vis-à-vis de la psychanalyse. À mon avis, cette question est si centrale pour l’avenir de la psychanalyse qu’elle ne peut se contenter d’un bref commentaire. J’ai donc écrit cet article dans une tentative de souligner l’importance de la biologie pour l’avenir de la psychanalyse. © 2002 E ´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Monsieur le Professeur Erik R. Kandel, Prix Nobel de médecine 2000, Howard Hughes Medical Institute and Center for Neurobiology and Behavior, Departments of Psychiatry and Biochemistry and Molecular Biophysics, Columbia, University College of Physicians and Surgeons. > Traduction par J.M. Thurin de l’article paru dans l’American Journal of Psychiatry 1999 ; 156 : 505-24. J.M. Thurin, 9, rue Brantome 75009 Paris. Nous remercions les éditions de l’American Psychiatric Press de leur autorisation à publier cette traduction. Les références bibliographiques ont été laissées telles qu’elles sont parues dans l’American Journal of Psychiatry en 1999. Depuis, certains documents in press à l’époque sont parus sous les références suivantes : [60] Agid O, Shapira B, Zislin J, Ritsner M, Hanin B, Murad H et al. Environment and vulnerability to major psychiatric illness : a case control study of early parental loss in major depression, bipolar disorder and schizophrenia. Mol psychiatry 1999;2:163-72. [95] Gorski RA. Sexual differentiation of the nervous system. In : Kandel ER, Scwrtz JH, Jessel T (Eds). Principles of Neural science, 4th Ed. New York : Mc Graw-Hill, Health profession ; 2000. [121] Kaplan-Solms K, Solms M. Clinical Studies in Neuro-Psychoanalysis. New York : Other Press ; 2001. Les références [5,6,7,122] sans pagination correspondent à la version électronique de la revue American Psychoanalyst, accessible à l’adresse suivante : http//www.apsa.org/ E ´vol Psychiatr 2002 ; 67 : 40-82 © 2002 E ´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. PII : S 0 0 1 4 - 3 8 5 5 ( 0 2 ) 0 0 1 0 5 - 6 Summary – The American Journal of Psychiatry has received a number of letters in response to my earlier “Framework” article (1). Some of these are reprinted elsewhere in this issue, and I have answered them briefly there. However, one issue raised by some letters deserves a more detailed answer, and that relates to whether biology is at all relevant to psychoanalysis. To my mind, this issue is so central to the future of psychoanalysis that it cannot be addressed with a brief comment. I therefore have written this article in an attempt to outline the importance of biology for the future of psychoanalysis. © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés: Psychiatrie; Psychanalyse; Neurosciences; Biologie; Déterminisme; Conscience; Inconscient; Mémoire; Émotion; Développement; Désir; Pulsion; Formation Keywords: Psychiatry; Psychoanalysis; Neurosciences; Biology; Determinism; Conscience; Unconsciens; Memory; Emotion; Development; Training; Drive; Desire Nous devons nous souvenir que toutes nos idées provisoires en psychologie seront probablement un jour basées sur une infrastructure organique. Sigmund Freud, « Pour introduire le narcissisme » [2] Les carences dans notre description se dissiperaient probablement si nous étions déjà en position de remplacer les termes psychologiques par des termes physiologiques ou chimiques … Nous pouvons attendre [de la physiologie et de la chimie] qu’elles donnent l’information la plus surprenante et nous ne pouvons deviner quelles réponses elles nous donneront dans quelques douzaines d’années aux questions que nous avons à leur poser. Elle peuvent être d’une sorte qui fera s’effondrer l’ensemble de notre structure artificielle d’hypothèses. Sigmund Freud, « Au-delà du principe de plaisir » [3] Au cours de la première moitié du 20e siècle, la psychanalyse a révolutionné notre compréhension de la vie mentale. Elle a proposé un remarquable ensemble de nouvelles perspectives à propos des processus mentaux inconscients, du déterminisme psychique, de la sexualité infantile, et, peut-être le plus important de tout, à propos de l’irrationalité de la motivation humaine. De façon contrastée avec ces avancées, les résultats de la psychanalyse durant la seconde partie de ce siècle ont été moins impressionnants. Bien que la pensée psychanalytique ait continué à progresser, il y a eu relativement peu de nouvelles idées brillantes, à l’exception peut-être de certaines avancées dans le développement de l’enfant (pour une revue des progrès récents, voir les références [4-7]). Le plus important et le plus désolant est que la psychanalyse n’a pas évolué scientifiquement. Précisément, elle n’a pas développé de méthodes objectives pour tester les idées excitantes qu’elle avait formulées auparavant. Comme résultat, la psychanalyse entre dans le 21e siècle avec un déclin de son influence. Ce déclin est regrettable, du fait que la psychanalyse représente encore la vision de l’esprit la plus cohérente et la plus satisfaisante intellectuellement. Si la psychanalyse veut regagner son pouvoir intellectuel et son influence, elle aura besoin de plus que de la stimulation qui vient de la réponse à ses critiques hostiles. Elle aura besoin d’être engagée de façon constructive par ceux qui s’en préoccupent et qui se préoccupent d’une théorie de la motivation humaine La biologie et le futur de la psychanalyse 41 sophistiquée et réaliste. Mon propos, dans cet article, est de proposer une voie que la psychanalyse pourrait suivre pour se revitaliser, et qui repose sur le développement d’une relation plus étroite avec la biologie en général et les neurosciences cognitives en particulier. Une relation plus étroite entre la psychanalyse et les neurosciences cognitives accomplirait deux buts pour la psychanalyse, l’un d’ordre conceptuel et l’autre, d’ordre expérimental. D’un point de vue conceptuel, les neurosciences cognitives pourraient fournir de nouveaux fondements pour une future croissance de la psy- chanalyse, des fondements peut-être sont plus satisfaisants que la métapsychologie. David Olds a parlé de cette contribution potentielle de la biolo- gie comme « d’une réécriture de la métapsychologie sur un fondement scientifi- que ». D’un point de vue expérimental, les perspectives de la biologie pourraient être utilisées comme une stimulation de la recherche, pour tester certaines idées sur la façon dont l’esprit travaille. D’autres ont avancé que la psychanalyse pourrait se satisfaire d’objectifs plus modestes ; elle pourrait se satisfaire d’établir une interaction plus étroite avec la psychologie cognitive, une discipline qui est plus directement rattachée à la pratique clinique. Je n’ai rien contre cet argument. Il me semble, toutefois, que ce qui est le plus excitant dans la psychologie cognitive aujourd’hui et qui le sera peut-être encore davantage demain, c’est la convergence de la psychologie cognitive et des neurosciences dans une discipline unifiée, que nous appelons maintenant neurosciences cognitives (comme exemple de cette fusion, voir référence [8]). J’ai l’espoir qu’en faisant la jonction avec les neurosciences cognitives, en développant une perspective nouvelle et irrésistible sur l’esprit et ses troubles, la psychanalyse retrouvera son énergie intellectuelle. L’interaction à caractère scientifique entre la psychanalyse et les neurosciences cognitives, telle que je la souligne ici, demandera de nouvelles directions pour la psychanalyse et des nouvelles structures institutionnelles pour les faire connaître. Mon propos dans cet article est ainsi de décrire des points d’intersection entre la psychanalyse et la biologie, et de souligner comment ces intersections pourraient être traitées de façon fructueuse. La méthode psychanalytique et la vue psychanalytique de l’esprit Avant de souligner les points de congruence entre la psychanalyse et la biologie, il est utile de reprendre quelques-uns des facteurs qui ont conduit à la crise actuelle de la psychanalyse, une crise qui est résultée pour une bonne partie d’une méthodologie insuffisante. Trois points sont ici en question. D’abord, au début du 20e siècle, la psychanalyse a introduit une nouvelle méthode d’investigation psychologique, une méthode basée sur l’association libre et l’interprétation. Freud nous a appris à écouter soigneusement les patients 42 E.R. Kandel et à le faire selon de nouvelles modalités, modalités que personne n’avait utilisées auparavant. Freud a aussi dégagé un schéma provisoire d’interprétation qui donne sens à ce qui ailleurs ne semblait être que des associations inappropriées et incohérentes du patient. Cette approche était si nouvelle et puissante que, pendant de nombreuses années, non seulement Freud mais aussi d’autres psychanalystes intelligents et créatifs purent soutenir que les rencontres psychothérapiques entre le patient et le psychanalyste fournissaient le meilleur contexte pour une investigation scientifique. En fait, dans les premières années, les psychanalystes purent faire et firent beaucoup de contributions utiles et originales pour notre compréhension de l’esprit simplement en écoutant les patients, ou en testant des idées de la situation psychanalytique uploads/Management/ kandel-2.pdf

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  • Publié le Oct 02, 2021
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