RATIONALITÉ ET CULTURE DANS LE MANAGEMENT. AUX SOURCES DES THÉORIES DU MANAGEME

RATIONALITÉ ET CULTURE DANS LE MANAGEMENT. AUX SOURCES DES THÉORIES DU MANAGEMENT ET DES ORGANISATIONS Mots clés: Management, organisation , théorie des organisations, approche systémique, finalité, sens, culture, vision. Personne ne conteste aujourd’hui que la dimension culturelle soit une composante essentielle du management. Cependant nombreux sont les managers qui n’ont qu’une notion très vague de ce qu’est la culture et qu’une perception assez floue de la façon dont celle-ci participe au management. Le propos de cet article est d’abord de remonter à la source du management et de l’organisation afin de repérer la place habituellement réservée à la dimension culturelle et, ensuite, de nous demander s’il n’y a pas lieu de proposer une lecture résolument différente de l’organisation dans laquelle la référence culturelle trouve sa pleine signification. « Manager c’est faire quelque chose par un groupe d’individus »1 L’auteur de cette définition, Herbert A. Simon, pousse encore la réflexion plus avant (Simon, 1983); il indique que toute décision contient à la fois des propositions de fait et des énoncés éthiques inextricablement liés. Dès lors, tout acte de management, impliquant un choix entre des valeurs, a un contenu culturel (Dupriez, 2002, p. 72). La décision à prendre passe par l’organisation qui doit la traduire en actes. Il convient donc de commencer par interroger les auteurs qui ont proposé des éléments d’analyse des organisations qui sont en fait, le plus souvent, des éléments d’une théorie du management. 1 Herbert A. Simon, Administration et processus de décision, Paris, Economica, 1983, p. 6. Management intercultural 16 Dans un premier temps, nous procéderons à une évocation des différentes théories des organisations. Il ne s’agira que d’un survol rapide, exempt de toute polémique, dont le but est de montrer comment les différentes théories des organisations se sont successivement complétées et enrichies. Si, au niveau conceptuel, cette science constamment nourrie d’apports nouveaux reste toujours très actuelle, au niveau concret, les pratiques de management continuent également à se référer aux travaux des pionniers. On pourrait dès lors s’en contenter et tenter d’y faire entrer tant bien que mal la dimension culturelle. Il nous a cependant paru nécessaire de rechercher les caractéristiques majeures de cet ensemble théorique afin d’en dégager les points forts et les insuffisances. Sur ces bases, nous nous sommes mise en quête d’une approche, radicalement différente, qui pallie les lacunes des approches "classiques" en prenant en compte les finalités des organisations ainsi que leur complexité et qui s’appuie sur l’interaction entre chacune des composantes. C’est ainsi que nous nous sommes orientée vers l’analyse systémique des organisations dans laquelle la dimension culturelle trouve toute sa place et qui, de surcroît, nous renvoie au cœur du management. 1. Les approches "classiques" L’intérêt porté à l’organisation est aussi celui qui a donné naissance à une nouvelle discipline appelée le management. Au fil du temps et en réponse aux préoccupations du moment, des apports nouveaux sont venus compléter les conceptions antérieures ; le plus souvent, ils semblent avoir été une source d’enrichissement plutôt qu’une véritable remise en cause. 1.1. Aperçu des principaux courants Adam Smith (1723-1790) déjà soulignait les avantages de la division du travail. Mais c’est au début du 20eme siècle qu’on a commencé à s’intéresser à l’étude des organisations et que les premières théories ont vu le jour ; les apports initiaux restent encore très largement d’actualité. (1) Les premières théories dites "classiques" La préoccupation principale portait sur la recherche de principes rationnels susceptibles d’améliorer l’efficacité des entreprises. Deux courants majeurs ont marqué cette période fondatrice. La théorie du management scientifique s’intéresse surtout à l’augmentation de la productivité des travailleurs. La théorie administrative s’intéresse à l’organisation globale de l’entreprise. Le premier courant, l’organisation scientifique du travail (O.S.T.), est surtout représenté par Frederik W. Taylor (1856-1915) et Henri Ford (1863-1947). Ils se donnent pour but de rompre avec les méthodes empiriques de gestion d’entreprise du 19e siècle et ambitionnent d’apporter une approche scientifique des problèmes d’organisation et de management des entreprises. Taylor prône l’organisation scientifique des tâches. Cette théorie se fonde sur l’étude systématique des postes de travail, de manière à les concevoir de manière efficace. Elle est fondée sur une division verticale du travail où la direction coordonne et détermine les conditions de travail. Sur cette base, on peut procéder à une sélection scientifique des travailleurs ("The right man on the right place") et définir exactement les tâches de chacun d’eux ("The one best way"). Outre une standardisation poussée à son maximum, Taylor souhaite l’établissement du salaire lié au rendement, sensé constituer une motivation importante pour des ouvriers considérés comme des agents rationnels maximisant de manière consciente leurs gains monétaires. A la décomposition des tâches, présentée par Taylor, Ford va associer la mécanisation. Le fordisme est ainsi caractérisé par la production de masse de produits standardisés dont la composante majeure est le travail répétitif. Ces théories s’inscrivent dans ce principe de rationalité substantielle qui suppose une information disponible et complète (sur le problème et sur les alternatives possibles), une fonction stable et connue d’utilité (il y a des critères stables permettant le classement des solutions) et une liberté du "décideur". De leur côté, Henri Fayol (1841-1925) et Max Weber (1864-1920) ont largement contribué au développement de la théorie administrative. Rationalité et culture dans le management Fayol, dans une volonté similaire de rationalisation, propose une théorie de l’administration des entreprises. Son but est de se rapprocher de la forme des sciences physiques de son époque. Il exprime sa pensée sous forme de quatorze « principes » qu’il considère comme des règles universelles de management, des guides pour ce que doit faire le chef d’entreprise. La fonction administrative (la direction) peut être ramenée à un principe simple : planifier, organiser, commander, coordonner et contrôler. Cette formulation, qui introduit en fait à l’approche par les processus, est restée un socle de la réflexion managériale jusqu’à nos jours. Weber, de son côté, a analysé les mutations des sociétés européennes de cette époque. Il a constaté une évolution dans les fondements de l’autorité. D’abord basée sur le type "traditionnel" qui repose sur la croyance en la tradition : « le chef n’est pas un supérieur mais un seigneur », elle a évolué vers le type "charismatique" qui repose sur la soumission à une personne, dont la valeur est exceptionnelle et, finalement apparaît une nouvelle légitimité, celle de la "raison", fondée sur l’existence de règles acceptées. Il voit ainsi émerger un nouveau mode de fonctionnement, celui de la bureaucratie, qui revêt quatre caractéristiques : (1) il existe des règles abstraites non liées aux personnes ; (2) les titulaires des postes sont nommés en fonction de leurs compétences légalement reconnues (ils ne sont pas propriétaires de leurs postes) ; (3) les activités et les décisions sont définies de manière précise, selon des normes générales ; les procédures sont formalisées et communicables ; et enfin, (4) les dirigeants ne sont pas propriétaires des moyens de production. Dans cette forme d’organisation, qu’elle soit une entreprise ou une administration d’Etat, les règles sont impersonnelles, transparentes et applicables à tous, permettant précision, rapidité et efficacité. L’émergence de cet idéal type est pour Weber le signe de la rationalisation du monde moderne. Pendant plus d’un siècle, et toujours aujourd’hui, ce sont ces théories qui sont enseignées dans la plupart des écoles de gestion et, dans la pratique, le fonctionnement des organisations reste profondément marqué par elles. Aujourd’hui encore, dans de nombreux secteurs, comme par exemple le textile, l’alimentation, l’équipement automobile, le taylorisme est toujours d’application. Ces théories dissocient et partagent les activités, décomposent, appréhendent les moindres détails et cherchent à optimaliser chaque élément. Elles s’inscrivent dans une approche analytique de l’organisation. (2) Les théories des relations humaines A partir des années 30, la vision de l’organisation change de perspective. Le courant des "relations humaines" se préoccupe des aspects individuels et relationnels au sein de l’organisation. De nombreux auteurs ont souligné l’importance du facteur humain dans la réussite d’une entreprise et sont à l’origine de ces théories. Plusieurs courants semblent aussi pouvoir être repérés qui ont donné naissance à de nombreux développements. Représenté notamment par Elton Mayo (1880-1949) un premier courant est à l’origine du management fondé sur la gestion de la relation humaine. Il a apporté des contributions essentielles mettant en évidence l’importance des besoins sociaux des travailleurs et du groupe restreint dans la vie des organisations. A partir d’une série d’expériences destinées à définir les motivations réelles des travailleurs, il a mis au jour "l’effet Hawthorne"2. Les études menées ont montré qu’une organisation devait être considérée comme un système social et que l’environnement pouvait exercer une influence sur les comportements des travailleurs plus que les règles et règlements de la direction. Le courant des relations humaines s’enrichit de l’analyse des groupes restreints et des formes de pouvoir en leur sein (leadership) par l’intermédiaire des travaux de Kurt Lewin (1890-1947). On lui doit l’expression de "dynamique de groupe" et de nombreux travaux sur la Recherche-Action. Ces recherches fournissent une assise théorique définitive à l’idée selon laquelle la coopération est de toute façon supérieure à la 2 L’« effet Hawthorne » uploads/Management/ rationalite-et-culture-dans-le-management-aux-sources-des-theories-du-management-et-des-organisations.pdf

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  • Publié le Apv 04, 2021
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