G. POUILLART, UEREPS Paris X. NANTERRE. POUR UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE Ce texte

G. POUILLART, UEREPS Paris X. NANTERRE. POUR UNE RÉFLEXION DIDACTIQUE Ce texte surprendra peut-être par sa forme abstraite qui, nous en sommes bien conscients, ne facilite pas toujours la lecture. Cela est dû, selon nous, à une nécessité et à des limitations. Nécessité, celle de décoller de l'ici et maintenant, non pour l'oublier ou le nier, mais pour l'étudier avec le recul indispensable à toute réflexion organisée ; limitations, celles de l'auteur, qui n'a su à la fois communiquer et illustrer cette réflexion dans un texte d'une longueur acceptable pour une revue. Ce qui est tenté ici, c'est une proposition, encore incomplète et insuffisamment cohérente, de formalisation des problèmes de la production didactique. Nous entendons par là l'activité qui, à partir de contenus-matière, aboutit à la fabrication d'objets didactiques utilisables. Les contenus-matière consistent pour nous en savoirs, savoir-faire (et éventuellement savoir-être associés aux premiers), socialement existants dans des pratiques, des oeuvres, des corps de connaissances, et qui ont été choisis comme devant être acquis par des apprenants. Les objets didactiques combinent des formes particulières prises par ces savoirs et savoir-faire, ou leur manifestation, ou encore leur utilisation, en tâches et séquences de tâches proposées/ imposées aux apprenants ; en dispositifs à l'intérieur desquels ces tâches seront accomplies ; en moyens d'évaluation de l'activité déployée et/ou des résultats obtenus par les apprenants, pour y déceler la présence des savoirs et savoir-faire visés. Le même personnage, l'enseignant, assure trois niveaux d'action, où passent presque toujours inaperçues la conception et la fabrication des objets didactiques : - la responsabilité du projet éducatif, basé sur des valeurs en cours dans le milieu social, défendues par l'institution, et/ou choisies par l'enseignant, et orienté vers les buts à atteindre dans les limites (temporelles en particulier) de l'enseignement qui les mettra en oeuvre. - la préparation des séquences d'enseignement, qui combine une analyse des contenus à faire acquérir, un complexe d'informations de sources et de niveaux divers à propos du groupe d'apprenants auxquels sont destinées ces séquences, d'autres informations sur les ressources et contraintes qui permettent et limitent l'action envisagée, une technologie de l'action d'enseignement rassemblant des outils de fabrication des séquences et des décisions à propos de la démarche éducative : - l'intervention elle-même, qui utilise les deux premiers niveaux, dans un processus souvent difficile à suivre d'auto-guidage comportant des décisions de terrain et des négociations (avec le milieu. l'institution, les apprenants) parfois mal identifiables parce que non explicites. A l'évidence, chacun de ces trois niveaux gouverne la conception des objets didactiques : il faut en assurer la cohérence avec le projet éducatif, du double point de vue de l'orientation vers les finalités et de la pertinence aux buts d'apprentissage ; leur fabrication ou leur remaniement sont un des moments de la préparation des séquences d'enseignement ; ils constituent la matière, et, d'un certain point de vue, l'objectif de l'intervention Mais ils sont rarement pensés comme tels, et le plus souvent vus comme «connaissances», ou «techniques», dont l'existence serait indépendante de l'action d'enseignement, qui se sont constituées hors de celle-ci, et qui pourraient s'y insérer sans mise en oeuvre particulière. Si l'on ajoute que beaucoup d’enseignants, et surtout ceux qui sont institutionnellement polyvalents (instituteurs, professeurs d'E-P-S-, par exemple), sont des consommateurs d'objets didactiques préfabriqués, qu'ils utilisent plus ou moins tels quels, en réglant ou non la question de leur adéquation à leur projet éducatif, à leurs conditions de terrain, et à leurs particularités en tant qu'intervenants, l'on mesure à quel point la production didactique, comme processus, est mal connue de ceux-là mêmes qui l'emploient quotidiennement. La première étape de formalisation des tâches didactiques, de leurs interrelations avec les autres tâches d'enseignement, et des problèmes rencontrés dans ce domaine, que nous allons ici présenter, est le résultat de notre effort pour rationaliser notre action sur le terrain, et aussi pour construire des outils de lecture critique des produits didactiques accessibles, soit dans des publications, soit au travers de l'observation de situations concrètes d'enseignement. Nous commencerons, à l'inverse de la démarche suivie dans la réalité, par exposer le niveau le plus général de la problématique, celui qui nous permet aujourd'hui de nous expliquer à nous-mêmes comment nous fonctionnons en tant qu'enseignant. Explication difficile pour chacun de ceux qui sont confrontés à cette responsabilité d'enseigner, parce que les tâches à assumer sont vécues comme un tout, et effectuées non seulement sur le mode empirique, mais encore le plus souvent sans avoir été identifiées. Et pourtant, dès que l'on s'attache à les examiner, ces tâches apparaissent multiples, diverses et interreliées de façon extrêmement complexe. Ebauche de problématique de la production didactique L'enseignement fait l'objet de recherches scientifiques depuis assez peu d'années. Il semble, en outre, qu'il soit plus souvent choisi comme terrain de recherches par des disciplines déjà constituées, qu'à l'origine de savoirs spécifiques, dont le statut resterait d'ailleurs à définir (1). Champ d'action et enjeu de luttes, mais non objet de science, l'enseignement demeure dépendant de choix éthiques, politiques, déontologiques, dont on ne voit pas bien comment ils pourraient être évacués (2). Il faut remarquer, par ailleurs, que l'enseignement des A-P-S- est, plus lourdement encore que d'autres, tributaire du choix de valeurs, les unes proclamées, certaines plus clandestines. En effet, les A-P-S- sont avant tout des pratiques, ou des systèmes de pratiques, et non des savoirs (3) ; à ce titre, elles sont aussi champ d'action et enjeu de luttes, point n'est besoin de tenter de le démontrer. Les obstacles à l'élaboration de connaissances scientifiques dans l'enseignement des A-P-S - se présentent donc, pour ainsi dire, à deux niveaux. S'ensuit-il pour autant que tout effort pour repérer, formaliser, faire naître des savoirs en provenance des pratiques, et non pas de sciences établies qui les éliraient comme terrain d'investigation, soit vain ? Même au cas où ces savoirs s'établiraient à un niveau de technologie plus ou moins empirique, et ne pourraient dans un premier temps être reliés à des théories génératrices d'hypothèses falsifiables, nous pensons que leur existence, leur accroissement, leur amélioration présentent un double intérêt. Tout d'abord, celui de faciliter les actions d'enseignement ; et, peut-être moins aperçu, celui de constituer éventuellement les premiers matériaux d'une «protoscience» (4). Voilà sur quelles bases nous avons essayé de réfléchir à la construction de savoirs didactiques dans le domaine des A.P.S. ; réflexion bien modeste, dont la voie n'est pas encore nettement tracée, mais nécessaire, parce que les pratiques engendrent des besoins, et parce que, de plus en plus, les enseignants s'interrogent, et ne se satisfont plus de recettes qui les soumettent par trop à la routine, ou aux surprises de la trouvaille inexpliquée. l. Comment se présente la question des tâches didactiques ? Tout d'abord, levons une ambiguïté, fort répandue dans la littérature des sciences de l'éducation, où le vocabulaire n'est pas encore bien fixé, et où l'on emploie volontiers indifféremment enseignement, éducation, ou encore didactique, pédagogie l'un pour l'autre, ou successivement dans le même sens. A la suite de divers auteurs, nous placerons sous le terme «didactique» tout ce qui, dans l'enseignement, a trait aux contenus (5) ; ainsi, nous éviterons d'introduire dans notre propos une complexité supplémentaire. Non pas que le choix, l'élaboration, l'évaluation des contenus d'enseignement puissent s'opérer sans tenir compte des décisions qui les orientent, ni des interventions qui les mettent en oeuvre et permettent d'en éprouver les qualités ; mais parce qu'ainsi, il nous est possible de distinguer un niveau des tâches d'enseignement, justiciable en quelque sorte d'un «bureau d'études», et qui peut dès lors faire l'objet d'une technologisation, voire d'une théorisation, fût-elle partielle. C'est ainsi que le tableau I présente une modélisation des tâches d'enseignement qui montre un secteur didactique, non pas autonome, mais discernable, et pourvu d'une certaine spécificité. l.l. les trois «étages» correspondent respectivement à ce que nous pourrions appeler l'amont de la production didactique, à cette production elle-même, et à l'aval. l.l.l. L'amont, c'est le niveau des décisions les plus générales concernant l'enseignement : modèle d'homme, modèle de société auxquels l'on choisit de se référer, ou que l'on accepte ; buts poursuivis par l'action d'enseignement, à échéance non immédiate (année scolaire ou saison sportive, au moins ; à la limite, scolarité ou même vie entière d'un individu ou d'une génération) ; stratégies qui doivent intégrer les premiers et les seconds ; bilans et nouvelles décisions à l'échelle de temps déjà évoquée. Ce niveau est fondamentalement «politique» ou «philosophique», et commande tout le reste, plus ou moins explicitement, et avec une cohérence et une efficacité qui dépendent de rapports de forces, et d'un réseau plus ou moins riche de rétroactions : informations «remontant» vers ce niveau, guidage, directives en émanant. 1.1.2. L'aval, c'est le niveau de l'action d'enseignement proprement dite, le «terrain». Ici, il est nécessaire, sans cesser d'agir, de prendre une série de décisions tactiques, orientées par les stratégies définies en amont, et prenant forme au vu des informations collectées au fur et à mesure dans une situation concrète complexe et changeante. Mais ces décisions sont de divers types. Les modulations des interventions prévues, dans leur nombre, leur «style», leurs destinataires, le uploads/Management/ reflexsion-didactique.pdf

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  • Publié le Oct 28, 2021
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