QUELS INDICATEURS DE GESTION POUR LE PROJET LOGISTIQUE ? Joëlle Morana, Gilles

QUELS INDICATEURS DE GESTION POUR LE PROJET LOGISTIQUE ? Joëlle Morana, Gilles Paché Lavoisier | « Revue française de gestion » 2003/6 no 147 | pages 185 à 198 ISSN 0338-4551 DOI 10.3166/rfg.147.185-198 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2003-6-page-185.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Les auteurs souhaitent contribuer au débat en montrant que le contrôle externe, au cœur du projet logistique, requiert justement des indicateurs phares spécifiques. S’appuyant sur une étude exploratoire menée auprès d’une entreprise multinationale, ils en proposent une liste pouvant servir de base à la construction ultérieure d’un tableau de bord. P our tous ceux qui s’intéressent à l’évolution des structures économiques du capitalisme moderne, la place centrale qu’occupent les relations inter- organisationnelles dans les processus de création de valeur ne fait aucun doute. Pendant longtemps, grossiè- rement jusqu’aux années 1970, les entreprises indus- trielles et commerciales ont majoritairement opté pour des logiques de croissance patrimoniale (interne et/ou externe) afin d’asseoir leur puissance. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, tant pour les grands groupes que pour les PME. Il s’agit plutôt de savoir mobiliser à bon escient des compétences extérieures auprès de parte- naires fiables, loyaux et efficaces, parfois jusqu’à construire avec eux des réseaux de compétences durables dans lesquels chacun garde certes son indépen- dance, mais en cultivant un fort esprit d’interdépendance relationnelle. Les chaînes logistiques étendues (ou supply chains) constituent, de ce point de vue, un terrain d’investigation particulièrement pertinent. En première approximation, une chaîne logistique est formée d’un ensemble d’acti- vités et de ressources dédiées à la circulation de produits L O G I S T I Q U E PAR JOËLLE MORANA, GILLES PACHÉ Quels indicateurs de gestion pour le projet logistique ? © Lavoisier | Téléchargé le 29/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.74.26.214) © Lavoisier | Téléchargé le 29/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.74.26.214) intermédiaires et finis, depuis des sources de matières premières jusqu’aux lieux d’achat et/ou de consommation. Sauf à envisager une totale intégration verticale, ce sont différentes entreprises qui en assurent le fonctionnement et doivent, pour cela, se coordonner au mieux afin d’éviter la pré- sence de ruptures ou de surcapacités. Les chaînes logistiques étendues traversent ainsi les frontières légales de la firme et s’appuient sur un système d’échange plus ou moins sophistiqué dont il faut assurer l’implantation et le fonctionnement, en référence à un Supply Chain Management (SCM). Sans nier l’originalité du SCM, force est cependant d’admettre qu’on en retrouve les principaux fondements chez Josse (1983), à travers l’idée de « projet logis- tique » transversal. Les conditions de la concurrence, écrivait l’auteur, vont obliger à penser de nouvelles formes de pilotage des flux selon lesquelles il s’agira d’insé- rer les opérations logistiques isolées dans une logique globale de fonctionnement orientée client. On peut en espérer la for- malisation d’arrangements organisation- nels aboutissant à la mise en œuvre de solutions de synthèse meilleures que la somme des solutions individuelles, elles- mêmes issues de multiples optimisations « locales » au niveau des transports, de la gestion des stocks, etc. Trop avant-gardiste sans doute, la vision transversale de Josse (1983) n’a pas retenu l’attention. C’est pourtant implicitement à elle que font réfé- rence les recherches actuelles sur les pro- cessus logistiques interorganisationnels : l’amélioration du fonctionnement de la chaîne logistique étendue sous-entend que l’ensemble des parties prenantes renonce à développer de manière désordonnée des solutions individuelles en contradiction avec le projet logistique d’ensemble, et accepte un contrôle externe pour vérifier la conformité de leurs comportements stratégiques. Paradoxalement, malgré son importance, le thème du contrôle externe appliqué aux relations interorganisationnelles, plus parti- culièrement dans les dimensions logis- tiques, n’a pas vraiment été étudié jusqu’à la fin des années 1990. Sans doute parce que les champs disciplinaires concernés ne voyaient pas le réel intérêt de regards croi- sés. Par chance, il en va différemment aujourd’hui. Les équipes dirigeantes des entreprises impliquées dans une démarche de type SCM ont compris qu’il est vital d’en évaluer la performance relative à partir d’une batterie d’indicateurs financiers et non financiers et, plus encore, de faire prendre conscience en interne des enjeux d’une meilleure coordination des chaînes logistiques étendues en termes de coût, de qualité de service et de réactivité. L’objectif de l’article est de contribuer à l’effort de construction engagé en réfléchis- sant sur les éléments constitutifs d’un outil de gestion de type tableau de bord qui, dans la perspective traditionnelle du contrôle, permettrait d’identifier les anomalies de fonctionnement d’une organisation mais aussi, plus largement, de faciliter la (re)connaissance et la diffusion du SCM entendu comme projet logistique. Après avoir indiqué ce que recouvre la démarche SCM, nous synthétiserons les travaux les plus récents sur les indicateurs de gestion, pour les amender et les adapter spécifique- ment au contexte qui est le nôtre. Une expé- rimentation menée in vivo auprès d’une entreprise multinationale du secteur du semi-conducteur conduira dans un second 186 Revue française de gestion © Lavoisier | Téléchargé le 29/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.74.26.214) © Lavoisier | Téléchargé le 29/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 196.74.26.214) temps à établir une liste d’indicateurs phares constituant les bases potentielles d’un référentiel de contrôle en vue de la concrétisation d’un projet logistique « gagnant »1. I. – VERS UN OUTIL D’ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE DES PROCESSUS LOGISTIQUES À des étudiants d’une école de commerce qui l’interpellaient, il y a plus de dix ans de cela, sur les qualifications que recherche- raient à l’avenir les entreprises, le P.-DG de la division France-Benelux de BASF avait immédiatement répliqué : « Des cadres aptes à gérer les flux et capables d’en avoir une vision globale » (cité par Lebraty, 2000). Depuis lors, peu d’observateurs peu- vent affirmer que cette vision prospective ne s’est pas vérifiée, comme en témoigne le caractère jugé stratégique de la logistique et, plus récemment, du SCM. Affirmer que la maîtrise des processus logistiques se pré- sente comme une source d’avantage concurrentiel reste cependant insuffisant si l’on ne se dote pas d’indicateurs permettant d’en évaluer la performance relative. 1. Enjeux stratégiques du SCM L’essor remarquable et largement médiatisé du SCM dans les années 1990 trouve en priorité son origine dans la volonté des firmes industrielles et commerciales de répondre en quasi-temps réel aux demandes des clients, tout en étant capables de se maintenir en bonne place dans l’arène stra- tégique par l’introduction régulière de nou- veaux produits dans des conditions satisfai- santes de coût et de qualité de service. Le management intégré des processus logis- tiques cherche avant tout à relever ce défi: en synchronisant des flux d’intelligence (Mesnard et Dupont, 1999), le SCM sou- haite créer de la valeur pour l’ensemble des clients (internes et externes) d’une chaîne logistique étendue. Le SCM, par sa vision intégrative et systé- mique plutôt que cloisonnée, conduit à aller dans cette direction. Il considère la logis- tique avant tout selon un angle stratégique (et non instrumental), et en référence à une entreprise « étendue » qui va des fournis- seurs des fournisseurs en amont jusqu’aux clients des clients en aval (Christopher et Peck, 2003). Comme le notent Mentzer et al. (2001), le SCM se définit effectivement comme « la coordination systémique, stra- tégique et la gestion tactique des actions au sein des départements d’une organisation particulière, ainsi que des affaires menées à l’intérieur de la chaîne logistique. Il a pour but d’améliorer la performance à long terme de chaque organisation et de la chaîne logistique interorganisationnelle dans leur ensemble ». Si l’intérêt des entreprises industrielles et commerciales vis-à-vis du SCM apparaît aujourd’hui incontestable, c’est que beau- coup d’entre elles souhaitent se recentrer sur leur cœur de métier pour répondre à des demandes spécifiques de leurs clients et délèguent, de fait, une partie de la gestion de leurs actifs à autrui. Plus largement, la conception et la production d’un produit et/ou d’un service nécessitent de faire appel à des compétences extérieures, et seul un Quels indicateurs de gestion pour le projet logistique ? 187 1. Les auteurs remercient les coordonnateurs de uploads/Management/ rfg-147-0185.pdf

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  • Publié le Jul 29, 2021
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