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Institutional Repository - Research Portal Dépôt Institutionnel - Portail de la Recherche researchportal.unamur.be University of Namur RESEARCH OUTPUTS / RÉSULTATS DE RECHERCHE L'irrésistible ascension du terme "compétences" en éducation Romainville, Marc Published in: Enjeux Author(s) - Auteur(s) : Publication date: 1996 Document Version Publication date - Date de publication : le PDF de l'éditeur Link to publication Citation for pulished version (HARVARD): Romainville, M 1996, 'L'irrésistible ascension du terme "compétences" en éducation', Enjeux, VOL. 37/38, p. Permanent132-142. link - Permalien : Rights / License - Licence de droit d’auteur : General rights Copyright and moral rights for the publications made accessible in the public portal are retained by the authors and/or other copyright owners and it is a condition of accessing publications that users recognise and abide by the legal requirements associated with these rights. • Users may download and print one copy of any publication from the public portal for the purpose of private study or research. • You may not further distribute the material or use it for any profit-making activity or commercial gain • You may freely distribute the URL identifying the publication in the public portal ? Take down policy If you believe that this document breaches copyright please contact us providing details, and we will remove access to the work immediately and investigate your claim. BibliothèqueDownloaddate:Universitaire06.d’oct..2021Moretus Plantin Enjeux n° 37/38, mars/juin 1996 Marc ROMAINVILLE Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur L'irrésistible ascension du terme «compétence» en éducation... Pour les historiens des mentalités, l'histoire des mots reflète le mouvement des idées. Les transformations du lexique peuvent être considérées comme des témoins de l'évolution des mentalités. Ainsi, si un mot change progressivement de sens ou s'il connaît une augmentation de son occurrence dansles discours ou encore s'il se substitue à tel autre mot, il y a lieu des'interroger sur les modifications de mentalité dont ces changements seraient les symptômes. Pour les sociologues aussi, les mots sont des témoins : par exemple, l'usage extensif et durable d'un mot à la place d'un autre peut être le signe de changement sociaux qu'il s'agit d'identifier (Ropé et Tanguy, 1994). Manifestement, le terme « compétence » est à la mode. L'analyse de documents officiels récents, belges et français, montre que ce terme est inscrit au hit-parade des appellations pédagogiques, au point qu'il figure même dansle titre d'un de ces documents'. Le terme de « compétence »fait donc partie de ces mots qui, s'imposant subitement dans un champ donné, exigent sans doute une analyse approfondie à la fois de leur origine et des raisons de leur succès. Le but de cet article est de proposer une première ébauche de ce travail. D'où provient le terme « compétence » ? Quelsenslui a-t-on progressivement attribué ? Pourquoi s'est-il imposé avec tant de réussite ? De quelle transformations des mentalités pédagogiques son émergenceest-elle Le signe ? 1 Socles de compétences, Bruxelles, Cabinet du Ministre de l'Éducation, 1994. L'IRRESISTIBLE ASCENSION DU TERME « COMPÉTENCE ».. 133 Dansles documents officiels... Analysons une première définition des compétences? : « comportements structurés en fonction d'un but, dans une situation donnée, c'est-à-dire possibilités d'action efficace dans un contexte précis». Le début de la définition évoque plutôt la notion de « stratégie », d'action. La fin, guère cohérente avec le début puisqu'elle se réfère plutôt à la notion de potentialité, permet cependant de percevoir un des accents nouveaux liés à l'émergence du terme compétence : l'essentiel réside dansl'efficacité avec laquelle l'élève sera capable d'affronter une situation de manière adaptée. Comme le notent Ropé et Tanguy (1994), « la compétence est inséparable de l'action ». D'emblée, la notion d'efficience dans le réel, de rendement dans l'action est placée au coeur des préoccupations pédagogiques. Comme le montre cette première définition, une certaine confusion semble régner quant au sens à apporter au terme de « compétence », avec une oscillation récurrente entre deux pôles. Il est tantôt synonyme de capacité, voire d'« état fonctionnel »° renvoyant ainsi à la notion d'aptitude, de potentialité (sens 1), tantôt synonyme de conduites, de « comportements structurés en fonction d'un but » , de stratégies penchant alors vers la notion d'action, d'effectuation (sens 2). Rey (1994) relève la même ambiguïté dans les textes français. Dans certains cas, le terme est utilisé dans le sens d'une potentialité intérieure. Dans d'autres, il semble prendre une signification différente en désignant l'effectuation d'une tâche spécifique sous la forme, par exemple, d'un référentiel dans la définition d'un poste detravail. Pour sortir de ce labyrinthe tautologique de définitions, le lecteur exténué pourrait espérer que les encyclopédies des Sciences de l'Education viennent à son secours. Espoir vain, nous le verrons rapidement! Dansles dictionnaires et encyclopédies « pédagogiques »… Première constatation, les plus anciens documents consultés en parlent peu. De Landsheere (1979) se contente de reprendre la définition de compétence dansle cadre de la théorie générative de Chomsky (sens [) : Ia compétence, comme aptitude, est opposée à la performance, qui est Socles de compétences, op. cit., p. 18. 3 Programme intégré, Liège, Conseil central de l'enseignement maternel et primaire catholique belge, 1993. 134 ENJEUX n° 37/38, mars/uin 1996 « l'actualisation de la compétence dans des énoncés effectivement produits » (p.51). Il signale cependant, à la page 68, une méthode de définition de programme pour la formation professionnelle basée sur «les compétences caractéristiques à acquérir, par ce que l'étudiant doit devenir capable d'accomplir » (p. 68). Onest alors plus proche du sens 2. Thinès et Lempereur (1984) ne mentionnent que les sens du terme en biologie et en linguistique, toujours en référence à Chomsky («savoir implicite de la langue, système intériorisé de règles qui définit la grammaire de cette langue », p. 195). Le terme semble être inconnu au bataillon des Sciences Psychologiques et Pédagogiques. Dix ans plus tard, dans l'encyclopédie de Houssaye (1993), il est abondamment utilisé : 16 citations en index. Seuls quelques termes font mieux : savoir (. plus de 50 citations !), représentation (33), communication, etc. Cela confirme qu'il fait désormais partie du langage des Sciences de l'Éducation. Cependant, aucun des auteurs de ces 16 citations ne prend la peine de le définir, excepté Abernot (p.236), qui présente la compétence comme un potentiel de mise en oeuvre» (sens 1). Notons. aussi que plusieurs citations sont insérées dans des textes portant sur l'apprentissage de l'adulte, par exemple la remise à niveau des compétences professionnelles. | Dansle dictionnaire de Champy et Eteve (1994), la compétence est aussi définie comme la « caractéristique positive d'un individu témoignant de sa capacité à accomplir certaines tâches » (p. 181). L'exemple cité — et c'est encore significatif— concerne la formation professionnelle des ouvriers. Le terme compétence semble donc émerger dans le monde l'éducation par le biais de la formation professionnelle, où il désignait ce que l'adulte devait être capable d'accomplir dans sa situation de travail. Dans ce monde du travail, d'ailleurs, Dugé et Mailleboule (1994) font remarquer que la notion de compétence a progressivement remplacé celle de qualification, dominante dans les années 70. Alors que cette dernière notion avait une connotation statique et associait l'efficacité sur un poste de travail à la maîtrise d'un corps de connaissances spécifiques, celle de compétence met en avantl'adaptabilité, la mobilité et le sens del'initiative considérés comme indispensables dans les nouvellesrelations entre l'hommeet le travail : L'IRRESISTIBLE ASCENSION DU TERME « COMPÉTENCE ».. 135 La notion de compétence s'avère particulièrement utile pour dire le rôle que doit dorénavant jouer le travailleur : pour être reconnu comme compétent,il ne faut pas seulement qu'il possède des savoirs, il doit mobiliser quelque chose en plus, c'est le fameux & je ne sais quoi par lequel la qualification devient efficiente ». (Dugé et Mailleboule, 1994, p.6). Que retenir de ce parcours du combattant à la recherche du sens de ce nouveau « must » pédagogique ? D'abord que son apparition semble récente et qu'il proviendrait plutôt du domaine de la formation d'adultes en situation de travail. Ensuite que, vu sa nouveauté,les uns et les autres éprouvent de solides difficultés, malgré son utilisation de plus en plus fréquente, à en proposer une définition acceptée assez largement, hésitant constamment entre deux pôles.’ Dans la perspective qui est la nôtre — rechercher le sens d'une évolution des mots —l'essentiel n'est pas de critiquer les définitions proposées par chacun, encore moins de vouloir construire à tout prix une définition commune, mais bien de s'interroger surles raisons, d'une part, de ces difficultés et, d'autre part, de l'adoption d'un terme qui semble encore bien flou. De quels changement conceptuels l'émergence du terme « compétence » est-il le signe ? Dans l'hypothèse où les changements de mots utilisés pour décrire la « réalité » sont révélateurs du mouvement des idées, la question est donc de savoir ce que révèle le développement du terme « compétence ». Quel remaniement conceptuel traduit-il ? Nous proposons de décrire ce mouvement des mentalités pédagogiques à partir de trois transitions parallèles, qui se stimulent sans doute mutuellement. A. D'un apprentissage centré sur les matières vers un apprentissage centré sur l'élève Comme le souligne Fourez (1994), les objectifs uploads/Management/ romainville-1996-lirresistibleascensiondutermecompetencesen-compressed.pdf
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- Publié le Mar 22, 2022
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