LE CATEGORY MANAGEMENT, UN VECTEUR DE TRANSVERSALITÉ ? Le cas du groupe Carrefo
LE CATEGORY MANAGEMENT, UN VECTEUR DE TRANSVERSALITÉ ? Le cas du groupe Carrefour Christelle Camman, Laurent Livolsi Management Prospective Ed. | « Management & Avenir » 2009/4 n° 24 | pages 146 à 162 ISSN 1768-5958 DOI 10.3917/mav.024.0146 Article disponible en ligne à l'adresse : https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2009 -4-page-146.htm Distribution électronique Cairn.info pour Management Prospective Ed.. © Management Prospective Ed.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © Management Prospective Ed. | Téléchargé le 03/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 197.26.231.46) 24 Les distributeurs français conduisent avec succès une stratégie d’internationalisation, mais ils connaissent une relative stagnation des ventes sur le territoire national. Les projets développés jusqu’à aujourd’hui dans le cadre de l’ECR n’apportent pas une réponse globale aux difficultés rencontrées. En nous appuyant sur l’étude du groupe Carrefour, l’objet de cet article est de montrer comment le Category Management est progressivement devenu un projet stratégique global de développement d’une organisation transversale plus proche du consommateur, et comment sa mise en œuvre effective s’est heurtée à de nombreuses résistances. Abstract French retailers successfully follow internationalization strategy, but face a relative stagnation of sales on the national territory. Projects developed up to now on the occasion of ECR do not provide a global answer to encountered difficulties. Relying on the case of Carrefour, the subject- matter of this article concerns the strategic role of Category Management. It shows how category management has progressively become a global strategic project based on the development of a transverse organization, which is closer to consumers, and how its implementation has met a lot of resistance. Depuis une quinzaine d’année, l’expansion internationale explique l’essentiel de la croissance du chiffre d’affaires des distributeurs français. En France, leur taux de croissance des ventes est en constante régression (jusqu’à 2 % en 2004), notamment dans le format des hypermarchés généralistes qui a même connu pour la première fois, toujours en 2004 (année référence en la matière), une baisse de fréquentation (environ 1 %), à peine compensée par une augmentation des dépenses par visite. Cette relative stagnation des ventes, la première véritable depuis la création des hypermarchés en France, est l’occasion d’une virulente critique sur l’immobilisme des distributeurs et leur inadaptation aux évolutions actuelles des consommateurs. Pour Moati (2001), cette crise est symptomatique d’un syndrome du dinosaure : devenus trop grands (cinq distributeurs figurent parmi les quinze premières entreprises françaises) et pas assez évolutifs, les distributeurs ne sont plus adaptés au contexte économique actuel. Si de multiples facteurs expliquent ces difficultés, l’évolution des consommateurs, les relations producteurs - distributeurs et l’apparition de nouveaux concurrents 146 L e cat egory m a n a g e m e n t , u n vecte u r de transversalité ? L e c a s d u g r o u p e Carrefour par Christelle Camman et Laurent Livolsi Résumé © Management Prospective Ed. | Téléchargé le 03/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 197 26 231 46) sont les trois raisons les plus fréquemment évoquées. Moins fidèles envers les marques, les consommateurs prennent leurs décisions d’achat sur le lieu de vente avec une attention grandissante pour le prix, dans un environnement redevenu inflationniste. Or, les hypers, qui ont vu leur avantage tarifaire réduit par l’évolution réglementaire (de la Loi Galland à la circulaire Dutreil, etc.), sont devenus moins attractifs au regard du caractère chronophage lié à la complexité de leur offre (doublement des références en dix ans). Les solutions envisagées pour pallier cette infidélité croissante des consommateurs (renforcement des politiques promotionnelles, relance des marques « premiers prix » et développement des pratiques de bons d’achats ou cartes de fidélité) ont aussi contribué à réduire considérablement la marge « avant » réalisée par les distributeurs. Ces pratiques ont à nouveau généré des tensions entre producteurs et distributeurs en faisant de la variable prix, l’enjeu essentiel d’une négociation placée sous le regard attentif des pouvoirs politiques. Certains estiment en effet que la marge des distributeurs est principalement due aux marges arrières, et qu’elle est donc davantage construite sur les fournisseurs que sur les consommateurs. Les distributeurs, qui connaissent des difficultés liées à leur positionnement tarifaire et à une méconnaissance grandissante des consommateurs, sont dès lors concurrencés par les hards-discounters et les grandes surfaces spécialisées. Depuis le milieu des années 90, les actions conduites par les distributeurs pour faire face à ces difficultés peuvent être regroupées dans trois grandes catégories. La première concerne la gestion des points de vente avec des efforts de théâtralisation (Filser et al., 2001). La deuxième regroupe les démarches de trade marketing associant les producteurs et les distributeurs dans les opérations de lancement de nouveaux produits, la définition et la mise en œuvre des opérations promotionnelles, et le développement des marques de distributeur ou des marques « premiers prix » (Volle, 2000). Enfin, une dernière catégorie concerne la gestion de la chaîne de distribution. Dans le domaine de la logistique, par exemple, les distributeurs ont développé, avec leurs principaux fournisseurs, des démarches de Gestion Partagée des Approvisionnements (GPA), de cross- docking ou de Collaborative Planning and Forecasting Replenishment (CPFR) qui permettent de réaliser des gains de productivité importants, tout en réduisant les risques de ruptures. Si elles participent à la recherche d’une réponse optimale aux consommateurs, ces démarches, limitées à une partie de l’organisation (marketing, logistique ou achats), conduisent à des changements incrémentaux permettant une amélioration des performances locales, au détriment cependant d’une évolution globale des distributeurs. A l’inverse, le Category Management, défini comme « un process entre un distributeur et un fournisseur qui permet de gérer les catégories de produits en tant qu’unités stratégiques orientées consommateur en vue de délivrer une valeur ajoutée spécifique » (ECR Europe, 1997), constitue un changement majeur. Impliquant une plus grande coordination entre les fonctions 147 L e category m a n a g e m e n t , u n vecteur de transversalité ? L e c a s d u g r o u p e Carrefour © Management Prospective Ed. | Téléchargé le 03/10/2022 sur www.cairn.info (IP: 197 26 231 46) 24 (marketing, achat et logistique) en charge du pilotage de la catégorie d’une part, et entre la direction et l’exploitation (magasins) d’autre part, sa mise en œuvre peut permettre de surmonter les difficultés actuelles en transcendant les cloisonnements traditionnels des distributeurs. Etudié initialement sous l’angle marketing de redynamisation du point de vente, le Category Management a aussi été appréhendé en termes de relations producteurs - distributeurs, au travers du développement du capitanat notamment. Le volet organisationnel de cette démarche est le moins développé (Maisonnas et Corriveau, 2000). L’objet de cet article est de montrer que le Category Management est devenu, au-delà d’une stratégie marketing, un projet stratégique de développement d’une organisation transversale plus proche du consommateur. Dans une première partie, nous analyserons les structures actuelles des distributeurs en montrant que l’évolution des conditions environnementales rend pertinent la recherche d’une plus grande transversalité de leur organisation. Le Category Management est alors l’occasion de conduire une refonte de ces organisations (1.). La seconde partie présente, en nous appuyant sur l’étude du groupe Carrefour, les changements organisationnels liés à la mise en œuvre d’une démarche de Category Management et leurs impacts stratégiques, mais aussi toutes les difficultés de mise en œuvre concrète (2.). Au-delà de la réflexion sur la conduite de ce projet, l’intérêt d’une telle recherche réside dans la mise en exergue de la structure organisationnelle des distributeurs, laquelle est très souvent délaissée au profit d’une réflexion sur la structure du canal de distribution (Filser, 2000). 1. L’inadaptation des structures organisationnelles actuelles des distributeurs Comme le souligne Louart (1996), si l’évolution des entreprises est une réalité permanente, la vraie question est de savoir s’il s’agit de changements généraux qui s’imposent à des moments donnés ou d’ajustements locaux, variables et contextualisés dans la lignée de la théorie de la contingence. Depuis une vingtaine d’années, l’accroissement de la turbulence environnementale et l’exacerbation de la concurrence sont à l’origine d’une critique systématique des organisations traditionnelles, qualifiées de bureaucratiques (centralisées et hiérarchiques). Ces organisations ne seraient plus adaptées aux conditions environnementales actuelles et il serait donc nécessaire de changer de paradigme et d’inscrire la réflexion organisationnelle dans le cadre d’un paradigme post-bureaucratique. Les formes structurelles issues de ce changement sont multiples. Allouche et Huault (1998), à partir d’une revue de la littérature, en distinguent au moins huit : entreprise réseau, apprenante, virtuelle, transversale, hybride, imaginaire, fluide et agile. L’objectif de cette première partie est de montrer en quoi les structures des distributeurs au début des années 2000 (1.1) diffèrent des caractéristiques 148 uploads/Management/ sodapdf 1 .pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 03, 2022
- Catégorie Management
- Langue French
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