Surcharge informationnelle, urgence et TIC. L’effet temporel des technologies d
Surcharge informationnelle, urgence et TIC. L’effet temporel des technologies de l’information. Henri ISAAC Eric CAMPOY Maîtres de conférences Michel KALIKA Professeur CREPA, Centre de Recherche en Management & Organisation Dauphine Recherches en Management - CNRS UMR7088. Université Paris Dauphine Henri.isaac@dauphine.fr Eric.campoy@dauphine.fr Michel.kalika@dauphine.fr Résumé. La présente recherche s’intéresse à la contribution des TIC au développement du sentiment d’urgence dans les entreprises et à son lien avec les notions de surcharge informationnelle et de surcharge d’activité. Si la notion de surcharge informationnelle n’est pas nouvelle en soi, sa dimension temporelle a été peu étudiée. La généralisation des TIC dans le travail quotidien des salariés recompose l’espace-temps du travail. Peu de recherches ont tenté d’analyser le niveau individuel de la surcharge informationnelle, concept qui s’est enrichi d’une dimension communicationnelle avec les TIC. La recherche s’appuie sur une analyse empirique longitudinale de cinq ans sur un échantillon de plus de 12 000 salariés1. Les résultats montrent que la perception de la surcharge d’information, de la surcharge d’activité, d’urgence est croissante sur la période 2001-2005. De plus, ces variables sont corrélées. Un modèle d’équations structurelles indique que la suractivité est déterminée par la surinformation, l’urgence et, à un degré moindre, par les TIC. Mots-clés : surcharge informationnelle, urgence, surcharge d’activité, temps, TIC . Abstract. 1 Les données utilisées dans cet article sont issues de l’Observatoire Dauphine-Cegos du e- management. halshs-00155119, version 1 - 15 Jun 2007 Manuscrit auteur, publié dans "revue Management & Avenir 12 (2007) 153-172" Introduction La généralisation des technologies de l’information dans les entreprises (Kalika et al., 2003 ; Kalika et al., 2006) traduit une recherche de performances accrues. Les outils déployés dans les différentes strates de l’organisation visent à améliorer la gestion des opérations, faciliter la communication, faciliter les décisions. Nombreuses sont les entreprises qui remodèlent leur système d’information, principalement en introduisant des technologies accentuant l’automatisation des processus (ERP) et le pilotage en temps réel de l’activité (outils décisionnels, intranets) (Kalika et al., 2006). L’introduction des TIC ne se limite pas pour autant aux seuls processus opérationnels. Les technologies de l’information supportent également les processus de coordination, de communication contribuant à modifier les environnements de travail, le management et par là même la question temporelle du travail (Boukef, 2005). Si les effets du déploiement des TIC produisent les effets attendus, il n’en demeure pas moins que l’introduction des technologies de l’information produit souvent des dysfonctionnements multiples, au premier rang desquels figure la surcharge informationnelle. Si ce phénomène n’est pas nouveau dans le champ du management2, il est largement perçu par les managers. A cet égard, il est significatif de constater la progression des recherches sur le sujet dans les différents champs des sciences de gestion (Eppler et Mengis, 2004). L’analyse de la littérature met en évidence une focalisation des travaux sur la capacité de traitement des individus face à la surcharge informationnelle. La question du temps pour traiter une tâche est peu abordée. Ceci nous semble une approche insuffisante dans la mesure où les TIC recomposent fortement la question temporelle dans l’entreprise. Instantanéité, réactivité, accélération des processus, ont des conséquences sur le temps dont dispose un salarié pour répondre à une sollicitation, effectuer une tâche. Par conséquent, l’aspect temporel de la surcharge informationnelle nous semble déterminant dans un contexte de généralisation des TIC. L’objectif de cette recherche est d’apprécier la contribution réelle des technologies de l’information au sentiment d’urgence, de surcharge d’information, de surcharge d’activité chez les salariés. La littérature sur la surcharge informationnelle minimise souvent l’aspect temporel de la surcharge. En revanche, la littérature sur l’urgence dans l’entreprise relie fortement le concept d’urgence à celui de surcharge informationnelle, phénomène lui-même largement attribué à l’introduction des TIC (Autissier et Lahlou, 1999 ; Eppler et Mengis, 2004 ; Metzger et Cléach, 2004). La première partie de cette recherche propose donc une synthèse de la littérature sur la surcharge informationnelle et plus particulièrement des effets temporels des technologies de l’information et le rôle de celles-ci dans l’accroissement du phénomène de surcharge informationnelle. Dans une seconde partie, une recherche empirique menée sur une période de 5 ans sur un échantillon de 12 737 salariés permet d’apprécier la progression de la perception de l’urgence en entreprise, et en parallèle la progression du phénomène de surcharge informationnelle. Le lien entre urgence, surcharge informationnelle, surcharge d’activité et TIC est exploré à l’aide d’un modèle d’équations structurelles. Cette recherche appelle les chercheurs et les praticiens à une réflexion accrue sur l’intégration des TIC dans le management de l’entreprise et son impact sur les perceptions de surcharge. 2 Les premiers travaux académiques datent du milieu des années 1970, cf. la synthèse des travaux proposées par Eppler et Mengis, 2004. halshs-00155119, version 1 - 15 Jun 2007 1. Surcharge informationnelle : de la volumétrie d’informations au temps de traitement de l’information La notion de surcharge informationnelle est envisagée dans la recherche en management comme un concept à plusieurs dimensions : informationnelle, communicationnelle, cognitive. La volumétrie des données à traiter est souvent mise en avant au détriment de l’aspect délai qui est directement lié aux effets temporels des TIC. Or, plusieurs effets temporels des TIC sont identifiables : l’accélération de l’exécution des processus opérationnels, l’instantanéité. Aussi, il nous semble pertinent d’examiner les effets des TIC sur le temps de traitement de l’information et par conséquent les effets possibles sur la notion de surcharge informationnelle au travers de la notion d’urgence. 1.1. Surcharge informationnelle La prise en considération de la notion de surcharge informationnelle (information overload) dans l’analyse du fonctionnement des organisations n’est pas une nouveauté. Dès les années 1960, Meier (1963) identifie la surcharge d’informations comme source de stress chez les employés, productrice de dysfonctionnements opérationnels et de pertes d’efficacité. Principalement analysée du point de vue de la théorie de la décision, la surcharge informationnelle s’analyse comme un volume d’informations à traiter pour prendre la meilleure décision occupe une place centrale (O’Reilly, 1980). Une première définition de cette notion est souvent donnée par les salariés comme le fait de recevoir trop d’informations. Shenk (1998) parle de « brouillard informationnel » ! De nombreux résultats (obtenus pour la plupart en laboratoire) mettent en évidence qu’il existe un volume optimal d’informations, qui, une fois franchi, dégrade la qualité du processus de décision (allongement du processus, qualité de la décision). Les recherches au niveau individuel démontrent que les salariés n’ont pas conscience du volume optimal d’informations nécessaires à une décision, et qu’ils surestiment toujours le volume d’informations nécessaire afin de se rassurer (O’Reilly, 1980). Ces recherches, pour intéressantes qu’elles soient, datent d’une époque où l’informatisation des entreprises était très en retrait par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui (Autissier et Lahlou, 1999). Est-il pertinent de se contenter d’une analyse du seul point de vue de la quantité d’informations ? La notion de surcharge informationnelle doit être enrichie. Plusieurs ensembles de travaux permettent d’élargir le concept initial à un concept à trois dimensions. 1.1.1. La surcharge informationnelle, un concept tri-dimensionnel Le champ académique des SI n’a pas apporté de définition précise au concept de surcharge informationnelle (Eppler et Mengis, 2004, p.339). La recherche considère le fait comme acquis et comme un point de départ, problème auquel des solutions doivent être apportées. Or, le concept nécessite d’être défini tant il est polymorphe et ses causalités multiples. La première dimension, la volumétrie d’information trop abondante à traiter par un individu, un groupe, ou une organisation est sans conteste la dimension la plus consensuelle. La seconde dimension est la capacité cognitive des individus à traiter cette volumétrie d’informations. La troisième dimension est liée à la surcharge de communication et principalement dans le cadre de l’entreprise, le courrier électronique comme source de surcharge informationnelle. halshs-00155119, version 1 - 15 Jun 2007 1.1.2. Volumétrie d’information La surcharge informationnelle trouve sa source dans deux phénomènes distincts mais complémentaires. En premier lieu, l’accroissement constant du volume d’informations à traiter (Autissier et Lahlou, 1999). L’un des aspects de la surcharge informationnelle est le fait que les salariés estiment recevoir trop d’informations dont ils ne perçoivent pas l’utilité dans l’exécution de leur tâche. En outre, la surcharge informationnelle peut provenir de la piètre qualité des informations reçues (Simpson et Prusak, 1995), amenant les salariés à consacrer davantage de temps à rechercher l’information pertinente qui ajoutera de la valeur à leur tâche (value added information). Il apparaît donc une dimension temporelle dans la notion de surcharge informationnelle. En second lieu, à volume d’information constant, le raccourcissement des délais pour traiter ce même volume d’information est également un aspect de la surcharge informationnelle (Assadi et Denis, 2005 ; Farhoomand et Drury, 2002 ; Metzger et Cléach, 2004 ; Schick, Gordon et Haka, 1990). Cette dimension temporelle de la surcharge informationnelle peut être liée au rôle des TIC dans la gestion de l’information. En réduisant les temps de traitements, en accélérant la circulation de l’information, en autorisant la disponibilité permanente, les TIC contribuent à la surcharge informationnelle. La perception de l’urgence est donc souvent associée chez les salariés à la surcharge informationnelle (Autissier et Lahlou, 1999). L’accès à des informations par le biais d’Internet est également une uploads/Management/ surcharge-informationnelle.pdf
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- Publié le Jan 20, 2021
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