I - L’ACQUISITION D’UNE LANGUE ETRANGERE On peut acquérir une langue étrangère

I - L’ACQUISITION D’UNE LANGUE ETRANGERE On peut acquérir une langue étrangère dans des conditions très différentes. Selon l’âge, la manière, les objectifs et le degré d’achèvement de l’acquisition, on pourra distinguer diverses formes d’ALE (Acquisition de Langue Etrangère). On accorde d’ordinaire une grande importance au fait que la langue soit acquise avec ou sans enseignement. Il n’est pas sûr que cette distinction corresponde réellement à des formes différentes d’acquisition ; mais elle est sans doute d’une grande importance pratique, et on distinguera donc dans ce qui suit l’acquisition non guidée de l’acquisition guidée (par l’enseignement) d’une langue étrangère. 1.1. L’acquisition non guidée d’une langue étrangère On désigne ainsi l’acquisition d’une langue étrangère par la communication quotidienne, acquisition qui se développe naturellement et sans intervention systématique pour guider le processus. Un exemple type est celui d’un travailleur portugais qui arrive en France sans connaître un mot de français, et qui construit sa connaissance du français par ses contacts avec son environnement social. Un autre exemple est celui d’un missionnaire arrivant dans une ethnie inconnue, qui acquiert sa langue par l’intermédiaire de ses contacts sociaux, et qui peut être amené à étudier la langue, sans qu’on les lui enseigne systématiquement. Ces deux exemples suffisent à montrer que l’acquisition non guidée n’est pas une catégorie homogène. Un individu qui acquiert la langue pour traduire la Bible apprendra différemment et sans doute plus que quelqu’un qui arrive dans un pays étranger dans des conditions d’insécurité pour son séjour, au contact le plus souvent de compatriotes et non de natifs, pour travailler. Notons les deux caractéristiques définitoires de l’ALE non guidée : elle se produit: par l’intermédiaire de la communication quotidienne; sans efforts Thème 2 page 1 intentionnels systématiques pour guider le processus d’acquisition. 1.1.1. La communication quotidienne L’apprenant, dans l’acquisition non guidée, se trouve dans une situation paradoxale: pour pouvoir communiquer, il doit apprendre la langue, et pour apprendre la langue il faut qu’il communique. Cela n’est évidemment un vrai paradoxe, car la communication peut se faire par des moyens très divers : dans l’acquisition non guidée, l’apprenant dispose à chaque moment d’un certain répertoire expressif, au début réduit presque entièrement à des moyens non verbaux, qui lui permettent de participer à la communication, même de façon rudimentaire. Mais c’est la communication qui lui permettra de commencer à apprendre, et le fait d’apprendre lui permettra de mieux réussir à communiquer. Quelle que soit sa compétence de communication à un moment donné, l’apprenant est confronté en permanence à deux tâches : - il doit utiliser son répertoire de façon optimale, et ceci pour la production comme pour la compréhension (la tâche de communiquer) ; - il doit adapter progressivement ce répertoire à la langue cible, c’est à dire à la façon dont son entourage social se comporte du point de vue linguistique (la tâche d’apprendre). Ces deux tâches, communiquer et apprendre, sont très étroitement liées l’une à l’autre, mais elles ne doivent pas être confondues. La communication est un facteur stabilisateur: le développement d’un système d’apprenant et son utilisation optimale facilitent la communication; l’apprenant peut se sentir chez lui dans la langue et s’y mettre à l’aise. La tâche d’apprendre, en d’autres termes la nécessité de dépasser ses acquis, des les améliorer et de les réorganiser, est un facteur dynamique: il fait avancer le processus d’acquisition. Un second aspect qui caractérise l’acquisition dans des situations de la vie Thème 2 page 2 quotidienne est la faible attention à la langue elle-même: pour l’apprenant, l’important est de comprendre et de se faire comprendre, et tous les moyens lui sont bons. Ce qui a deux conséquences: d’abord, il est intéressé avant tout par le succès de la communication, et non par l’exactitude formelle de sa langue, contrairement à ce qui se passe dans l’enseignement de la langue étrangère; ensuite, la composante métalinguistique de la connaissance de la langue est moins développée, c’est à dire qu’il réfléchit moins sur la langue, ses formes et ses règles que ce n’est le cas lorsque formes et règles sont enseignées. Il est difficile de dire si et à quel point cette composante métalinguistique influence réellement le processus d’acquisition. L’une des théories de l’acquisition les plus discutées actuellement, la “théorie du contrôle” (“monitor theory”) de Krashen, dérive de ce problème. 1.1.2. Pas de guidage systématique Toute acquisition d’une langue est “guidée” par certains facteurs, par exemple par la quantité et la nature des matériaux linguistiques auxquels l’apprenant a accès. Dans la distinction entre “guidé” et “non guidé”, la notion de guidage désigne les cas où l’on tente d’influencer le processus volontairement et systématiquement, en s’appuyant sur des méthodes d’enseignement données (p. ex. : un cours de langue) Evidemment, il y a parfois enseignement dans l’acquisition non guidée, p. ex quand on corrige explicitement une faute de l’apprenant, quand on lui fournit les désignations pour certains objets, etc. mais ces faits ne remettent pas en cause la distinction fondamentale entre acquisition “guidée” et “non guidée”. 1.2. L’acquisition guidée d’une langue étrangère Pour beaucoup de gens, la recherche sur l’ALE ne se justifie que par ses Thème 2 page 3 implications pour l’enseignement. Pour l’acquisition guidée également, se posent quelques problèmes de terminologie et d’objet. Ici, deux paires de concepts jouent un rôle éminent : “langue seconde- langue étrangère” et “acquérir - apprendre”. Les linguistes anglais et allemands désignent par “langue étrangère” (foreign language) une langue qui est apprise en dehors de son aire d’usage habituelle - en général en classe de langue - et qui n’est pas utilisée en concurrence avec la langue maternelle pour les communications quotidiennes. Le latin est une langue étrangère typique en ce sens, mais l’anglais ou le français le sont également pour la plupart des lycéens. La notion de “second language” (mais pas l’équivalent littéral français “langue seconde”) désigne une langue qui sert, après ou à côté de la langue maternelle, comme second moyen de communication et qui est acquise en général dans un environnement social où on la parle. C’est le cas p. ex. du français pour beaucoup de Suisses alémaniques, de l’anglais pour de nombreux Indiens locuteurs de hindi. Dans l’usage français, “langue seconde” se réfère à une langue non maternelle, qui peut être acquise dans le milieu social et / ou par l’enseignement, et qui assume des fonctions sociales précises dans la société en question (le français au Magrheb, en Afrique Noire, langue de scolarisation et administrative), par opposition à la notion de “langue étrangère”, qui réfère à tous les autres cas de langues acquises soit dans le milieu social (immigrés p. ex.), soit en classe. On utilisera le terme “langue étrangère” pour référer aux deux cas lorsqu’il n’est pas nécessaire de les distinguer. En définitive, la distinction “langue étrangère - langue seconde” dans l’usage anglais ou allemand correspond souvent à “langue étrangère acquise de façon guidée - acquise de façon non guidée”. On a souvent fait une distinction parallèle entre “apprendre” et “acquérir”, le premier de ces verbes correspondant au cas guidé, le second au cas non guidé. C’est ainsi que Krasshen, dans sa théorie du “contrôle”, postule deux processus d’acquisition. On mentionnera seulement deux points sur lesquels les méthodes se différencient: la façon dont lui matériaux de la langue cible sont présentés à l’apprenant; les possibilités qui sont données d’utiliser le répertoire Thème 2 page 4 dont il dispose à un moment donné. 1.2.1. Présentation des matériaux linguistiques Dans l’acquisition non guidée d’une langue, la langue à apprendre apparaît à l’apprenant sous forme d’instances de communication quotidienne, d’ondes sonores qui sont produites dans un contexte situationnel donné. C’est de ces matériaux qu’il doit induire les règles inconnues de l’utilisation de la nouvelle langue. Dans l’acquisition guidée, les données de la langue à apprendre sont plus ou moins préparées pour l’apprenant. Dans les cas extrêmes, on fournit à l’apprenant une description de ces données qui en tient lieu. C’est le cas par exemple dans l’enseignement grammatical traditionnel qui a régné sur l’enseignement des langues étrangères jusqu’à la fin du XIXème siècle. A l’autre pôle, on trouve l’enseignement “communicatif”, qui comporte peu de grammaire et beaucoup de simulations où de situations de communication de la vie quotidienne sont reconstruites de façon planifiée. Sous sa forme la plus extrême et peut-être la plus efficace, on a là une situation d’acquisition guidée où le guidage est tel qu’il se rapproche d’une acquisition non guidée, entre ces deux pôles il existe une quantité de cas intermédiaires comme, par exemple, l’enseignement des langues vivantes aujourd’hui dominant dans les lycées et collèges, qui n’est plus que très faiblement orienté vers la grammaire. Ce n’est pas seulement la méthode mais aussi l’ordre dans lequel les phénomènes de la langue cible se présentent qui diffèrent de l’acquisition non guidée. Les principaux critères qui déterminent la sélection et la progression sont des hypothèses sur la difficulté d’acquisition et l’importance relatives des structures, ce qui mène parfois à des divergences extrêmes par rapport aux progressions “naturelles” que l’on trouve dans l’acquisition non guidée. Ainsi, la morphologie (conjugaisons et désinences) joue un rôle secondaire uploads/Management/ tema-02 1 .pdf

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  • Publié le Mar 19, 2021
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