La motivation : condition au plaisir d’apprendre et d’enseigner en contexte sco

La motivation : condition au plaisir d’apprendre et d’enseigner en contexte scolaire 3e congrès des chercheurs en Éducation Bruxelles, mars 2004 Rolland Viau Université de Sherbrooke (Québec) Comme le titre de la conférence le laisse voir, je m’attarderai durant l’heure qui vient à la thématique de votre 3ième congrès : (Re)trouver le plaisir d’enseigner et d’apprendre. En faisant précéder le verbe «trouver» par le préfixe RE, le comité scientifique du congrès suppose que le plaisir d’enseigner et d’apprendre a diminué dans les milieux scolaires. Je fais partie de ceux qui pensent effectivement que les élèves d’aujourd’hui ont moins de plaisir à apprendre tout comme leurs professeurs ont moins de plaisir à enseigner que par le passé. Je ne voudrais cependant pas que l’on tombe dans le piège de croire que tout était mieux dans «notre» temps, car le plaisir d’apprendre et d’enseigner à l’école d’antan n’était sûrement pas ressenti par tous. Il ne faut pas oublier que nous tous ici sommes les gagnants du système et qu’un grand nombre de nos camarades de classe n’avaient qu’un but en tête : quitter l’école. Il en était probablement ainsi pour certains enseignants. Quoi qu’il en soit, en tant que chercheurs en éducation il importe que nous nous penchions sur la question et que par nos recherches, nous aidions les élèves et les enseignants à trouver, ou à (re)trouver, le plaisir d’apprendre et d’enseigner. Je propose que l’on examine une des conditions essentielles au plaisir d’apprendre ou d’enseigner : la motivation à le faire. Ainsi, d’entrée de jeu, j’avance que le plaisir que les élèves peuvent ressentir à apprendre et les enseignants à enseigner est une conséquence que je qualifie d’émotive de leur motivation en contexte scolaire. La conférence portera donc sur la motivation à apprendre et à enseigner en contexte scolaire. Le premier objectif vise à examiner les facteurs externes à l’élève qui influent sur sa dynamique motivationnelle. Je m’attarderai aux trois principaux soient les activités pédagogiques qui leurs sont proposées en classe; les pratiques évaluatives qui leur sont imposées et, enfin, l’enseignant. Le deuxième objectif consiste à vous proposer ma lecture de la dynamique motivationnelle qui anime les enseignants et d’analyser avec vous pourquoi chez bon nombre d’entre eux cette dynamique est négative plutôt que positive. Mais revenons d’abord au premier objectif. 1. Les facteurs qui influent sur la dynamique motivationnelle des élèves Pour atteindre le premier objectif, je vous invite à me suivre dans les trois questions qui ont dirigé et qui orientent encore mes travaux de recherche sur la motivation. Ces trois questions sont : 1. Quels sont les principaux déterminants de la dynamique motivationnelle qui anime un élève en situation d’apprentissage scolaire? 2. Quels sont les facteurs externes qui influent sur ces déterminants? 3. Pourquoi un grand nombre de grands chercheurs scientifiques ont-ils détesté l’école? La motivation : condition au plaisir d’apprendre et d’enseigner en contexte scolaire Rolland Viau 3e congrès des chercheurs en Éducation Bruxelles, mars 2004 / 2 Cette dernière question peut paraître bizarre lorsqu’on la compare aux deux autres, mais elle s’inscrit bien dans mes intérêts de recherche qui portent sur les facteurs qui influent sur la motivation des élèves. En étudiant la motivation et la démotivation à apprendre de grands scientifiques tels que Charles Darwin, Albert Einstein et Carl Jung, j’espère mieux comprendre pourquoi des jeunes d’ajourd’hui, fascinés par la quête du savoir et à qui l’on prédit une brillante carrière scientifique, ne font rien qui vaille à l’école. Déjà, les premiers résultats qui se dégagent sont très intéressants. On verra entre autres lors de cette conférence, l’importance de l’effet «enseignant» sur la carrière de ces grands scientifiques. 1.1 Quels sont les principaux déterminants de la dynamique motivationnelle qui anime un élève en situation d’apprentissage scolaire? D’approche sociocognitive, j’ai pour principe que la motivation de l’élève est un phénomène dynamique qui est animé par l’interaction entre ses perceptions et des facteurs liés à son environnement scolaire, familial et sociétal. Avant d’étudier ces facteurs, j’ai eu comme projet de mieux connaître le fonctionnement interne de la motivation chez l’élève. À la lumière des études contemporaines sur la motivation en contexte scolaire, j’ai mis d’abord en relation les principaux déterminants et indicateurs qui s’avéraient les plus pertinents à considérer. Préoccupé à aider les enseignants, je me suis donné comme devoir de faire un modèle économique et fonctionnel, c’est-à-dire un modèle ne mettant en relief que les composantes essentielles. Ce modèle, que certains connaissent car il a été publié ici en Belgique en 1998 aux éditions De Boeck (Viau, 1998a), s’illustre de la façon suivante. FIGURE I : LA DYNAMIQUE MOTIVATIONNELLE DE L’ÉLÈVE Ce modèle tente de décrire la dynamique motivationnelle qui anime un élève lorsque celui-ci accomplit une activité pédagogique. Comme on peut le voir, cette dynamique prend principalement son origine dans les perceptions qu’a un élève de l’activité pédagogique qui lui est proposée. Trois perceptions se dégagent des nombreuses recherches menées durant ces deux dernières décennies: la perception qu'a l’élève de la valeur de cette activité pédagogique, la perception qu’il a de sa compétence à l’accomplir et la perception qu’il a du contrôle qu’il exerce sur le déroulement de celle-ci. Il serait hors propos ici de décrire en détail ces trois perceptions, mais soulignons rapidement que la perception de la valeur d'une activité est le jugement qu'un élève porte sur l'intérêt et l'utilité d'une activité pédagogique en fonction des buts qu'il poursuit (Eccles, Wigfield, et Schiefele, Activité pédagogique Déterminants Perceptions : - de la valeur de l’activité - de sa compétence - de la contrôlabilité Choix Indicateurs Engagement cognitif Persévérance Réussite La motivation : condition au plaisir d’apprendre et d’enseigner en contexte scolaire Rolland Viau 3e congrès des chercheurs en Éducation Bruxelles, mars 2004 / 3 1998). Ces buts peuvent être d’apprentissage (apprendre pour en savoir davantage) ou de performance (apprendre pour être le meilleur ou tout simplement avoir la note de passage). La perception de la valeur est également influencée par la perspective future de l’élève, concept développé par William Lens, un de vos collègues de l’Université catholique de Leuven. La perception de sa compétence est une perception que l’élève a de lui-même et par laquelle il évalue sa capacité à accomplir de manière adéquate une activité qu’il n’est pas certain de réussir (Pajares, 1996; Bandura, 1993). Soulignons que la perception de la compétence n’est pas synonyme d’estime de soi. La première est spécifique à une activité ou à une matière, alors que la deuxième est un jugement général qu’une personne porte sur elle-même. Quant à la perception de contrôlabilité, elle se définit comme la perception qu’a l'élève du contrôle qu’il exerce sur le déroulement d’une activité et sur ses conséquences. Ici, entre en jeu ce que l’on appelle les attributions causales, c’est-à-dire les causes qu’un élève évoque pour expliquer ses échecs ou ses succès scolaires. Un élève qui attribue ses échecs à des causes qui lui sont externes, comme le professeur, a généralement une perception faible de contrôlabilité. Comme l'illustre la figure I, l'élève motivé choisit de s'engager cognitivement dans une activité pédagogique et de persévérer. L'engagement cognitif correspond au degré d'effort mental que l’élève déploie lors de la réalisation d'une activité pédagogique (Salomon, 1983). On peut juger de cet effort en examinant les types de stratégies d’apprentissage auxquels il fait appel pour accomplir une activité pédagogique. Si, par exemple, il se limite à utiliser des stratégies de mémorisation, on peut considérer qu’il est peu engagé au plan cognitif. Un élève démotivé recourt à des stratégies d’évitement, c’est-à-dire à des stratégies qui lui permettent de retarder voire d’éviter d’accomplir une activité pédagogique. La persévérance se traduit par le temps que l’élève consacre à accomplir une activité pédagogique: plus il est motivé, plus il y consacre du temps et plus il augmente ses chances de la réussir. Quelqu’un qui est démotivé tend à abandonner rapidement une activité ou à faire le strict nécessaire. La réussite est la conséquence finale de la motivation. Généralement, un élève qui persévère et qui utilise de bonnes stratégies d’apprentissage réussit. Notons, par ailleurs, que, si la réussite est une conséquence de la motivation, elle en est également une source, car elle influence les perceptions de l'élève qui sont à l'origine de sa motivation. À l’aide de ce modèle de la dynamique motivationnelle, nous pouvons, comme le tableau I l’illustre, mieux comprendre pourquoi certains élèves sont motivés alors que d’autres ne le sont pas. La motivation : condition au plaisir d’apprendre et d’enseigner en contexte scolaire Rolland Viau 3e congrès des chercheurs en Éducation Bruxelles, mars 2004 / 4 TABLEAU I : POURQUOI CERTAINS ÉLÈVES SONT MOTIVÉS ALORS QUE D’AUTRES NE LE SONT PAS? UN ÉLÈVE EST MOTIVÉ SI : UN ÉLÈVE EST DÉMOTIVÉ SI : — il considère la matière et les activités qui lui sont proposées utiles ou intéressantes; et — se sent capable de faire ce qu'on lui demande; et — a l'impression qu'il a une certaine part de responsabilité (contrôle) dans le déroulement de ses apprentissages et croit qu’il est en grande partie responsable de ses uploads/Management/ viau-2004-la-motivation-condition-au-plaisir-d-x27-apprendre-et-d-x27-enseigner-en-contexte-scolaire.pdf

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  • Publié le Jan 25, 2021
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