Melissa Walker Violette Tome 1 Violette Taille Mannequin Première partie FRAGIL
Melissa Walker Violette Tome 1 Violette Taille Mannequin Première partie FRAGILE VIOLETTE 1. « Tu es belle, sage, pleine de confiance en toi. Tu te tires de toutes les situations avec finesse et aplomb. » Bon, je suis ravie que Julie ait un coach pour l'aider à surmonter son besoin de tout contrôler en permanence, mais les incantations répétées à haute voix sont carrément trop années 80 pour moi. Maintenant que j'y pense, c'est un peu pareil pour la tenue de rentrée que je me suis achetée la semaine dernière. Comment ai-je pu croire un instant que je pourrais porter un legging et cet énorme collier turquoise ? Je n'ai pas exactement le style de Mary-Kate Olsen. La préparation de la rentrée est pour moi une angoisse existentielle depuis la maternelle, lorsque ma mère m'imposait des chaussures à brides noires quelconques au lieu de mes étincelantes, mes magnifiques chaussures rouges, établissant ainsi dès le départ que j'étais moche et nulle. Cette année, j'entre en terminale et à mon avis, il est un peu tard pour changer mon image de fille en jean et sweat-shirt sans passer pour une poseuse. Je serais mortifiée qu'on me remarque seulement pour mes efforts désespérés, surtout au vu de la liste d'objectifs que je me suis fixés pour cette dernière année au lycée : 1. Réussir à entrer à l'université. 2. Ne pas grandir. Enfin, émotionnellement, j'aimerais grandir. Devenir une personne mûre, gracieuse, prévenante, gentille, qui n'ait pas peur des garçons. J'aimerais aussi que mes cheveux poussent. Voilà des mois qu'ils m'arrivent aux épaules - je crois que mes follicules ont cessé toute croissance. Julie prétend que c'est mon karma. Tout ça parce que j'ai rasé les cheveux de sa Barbie P-DG lorsque nous avions six ans (alors que je voulais juste reproduire une coupe à la garçonne vue sur Winona Ryder, je le jure). Bref, la croissance que j'aimerais éviter, c'est celle de mon corps. Tous les soirs, je prie pour ne plus grandir. Est-ce mal de ne prier que pour ça, et pas pour mes parents, mon frère, mes amis et les enfants victimes de la famine? Parfois, je les rajoute aussi, au cas où quelqu'un m'écouterait vraiment. Mais jusqu'à présent, l'Etre suprême n'a pas accordé tellement d'attention à mes suppliques très ciblées, parce que, chaque année, c'est comme si j'étais passée dans une étireuse pendant l'été. En première, je mesurais un mètre quatre-vingts et j'étais certaine que je m'arrêterais là. Erreur. Me voilà aujourd'hui avec mon mètre quatre-vingt-deux, mon jean basique (taille XS, extra-long) et mon débardeur bleu clair (extra-long lui aussi, sans quoi mon torse ridiculement grand dépasserait), à espérer que personne ne me remarquera jamais. Le legging et le gros collier? Réservés à quelqu'un de plus petit, de plus mignon, une fille belle et fière de l'être, ce qui n'est pas vraiment mon cas. Quelqu'un comme Julie. Ou Shelly Ryan, peut-être. Je crois qu'il faut que je précise qu'il y a un numéro 3 sur ma liste d'objectifs pour cette année, même si je n'en suis pas très fière (jamais je ne l'avouerais à Julie ou à David, qui me transperceraient de leurs piques sarcastiques s'ils l'apprenaient) : je veux être une M & M's. Cet été, lois d'une crise affective très forte, et de quasi-démence, j'ai avoué à ma mère, en larmes, avec un sérieux déchirant, que je voulais être une M & M's. Elle m'a répondu que je ne devrais avoir aucun problème à trouver un boulot chez M & M's si j'étais vraiment motivée. Voilà qui m'apprendra à me confier. Les trois filles les plus populaires du lycée de Chapel Hill se font appeler les M & M's, pour « Merveilleuses et Magnifiques ». Shelly Ryan est la M & M's par excellence; Tina Geiger et Jasmine Jostling sont ses clones. La devise super énervante de leurs personnages sucrés à en être écœurants : « Personne ne résiste aux M & M's. » En troisième, Julie et moi avions ajouté cet avertissement : « Gare aux caries et à l'indigestion », et nous nous étions trouvées géniales d'avoir ainsi filé la métaphore. Elles sont la cible de nos moqueries depuis qu'elles font la loi dans notre école. Mais au fond, j'ai beau trouver les M & M's ineptes, savoir que le lycée constitue sûrement leur période de gloire avant le déclin, qu'à la fac je rencontrerai plein de gens différents qui m'apprécieront pour mon caractère unique et se ficheront que j'aie la dernière couleur de gloss Juicy Tubes de Lancôme... j'ai trop envie d'être comme elles. Je veux leurs lèvres brillantes, leur voix sensuelle, leurs battements de cils. Je veux leurs pieds tout mignons en pointure 36, leur torse de taille normale, adapté au port du Bikini. Je veux que leurs petits amis - n'importe lequel — me connaissent par mon nom de scène (qui est tout simplement « Violette Greenfield », mon vrai nom, au cas où des admirateurs secrets me chercheraient). Je veux... Ding dong. On sonne à la porte. Julie. Oooh, elle serait très énervée si elle entendait le monologue intérieur que je suis en train de débiter devant mon miroir. À dire vrai, je suis très énervée moi-même. C'est trop déprimant! J'ai peut-être besoin d'une incantation moi aussi. « Tu es belle, sage... » Laisse tomber, c'est trop con à dire à voix haute. Je jette un dernier coup d'oeil à la carte de visite posée sur le coin de ma coiffeuse, que j'ai fait de mon mieux pour ignorer depuis mon réveil. Eh oui, elle y est toujours. J'hésite une minute, puis je la glisse dans ma poche avant, histoire de ne pas la perdre. « Salut papa! » Je sors. Je ne suis pas encore devant la voiture que je vois déjà le froncement de sourcils de Julie à travers le pare-brise de sa Golf gris métallisé. David est à l'arrière, comme d'habitude, en train de jouer sur sa PSP. Au moins, il ne remarquera pas que j'ai été trop froussarde pour mettre ma nouvelle tenue. À l'instant où j'ouvre la portière, avant même de poser mon sac par terre, j'interromps le speech que Julie est sur le point de me servir. « Les collants étaient super collants ! En plus le collier pesait des tonnes autour de mon cou - on aurait dit des cailloux. Heureusement que mon jean était propre. » Julie me regarde sans rien dire, en pensant très fort T'es nulle, si tu crois que je ne te voyais pas venir, mais au moins j'échappe au sermon. Cela dit, David ne peut s'empêcher de m'envoyer une pique. « Des collants collants? Pas croyable. » Puis, avec un « tss-tss » à peine audible, il se replonge dans Tokobot. En fait, j'aurais bien aimé porter la tenue que Julie et moi avons choisie ensemble, mais... Hum. Je n'arrive même pas à trouver une seule bonne raison pour justifier mon comportement. J'ai honte. Je suis trop grande. Je n'ai pas envie de sentir tous les regards braqués sur moi, alors pourquoi devrais-je porter des vêtements colorés et branchés ? Ça ne servirait qu'à me faire remarquer par tout le monde. Le fait d'avoir ce genre d'idées dans la tête réussit à me dégoûter d'être amie avec moi-même. Mais bon, c'est comme ça. « Vous êtes beaux, tous les deux », dis-je, en espérant détourner l'attention de ma propre lâcheté. Julie porte la robe bain de soleil soyeuse que nous avons choisie ensemble à Forever 21 — ivoire, entièrement brodée de fils dorés, taille Empire. L'effet est très réussi sur sa peau un peu bronzée, avec ses longs cheveux bruns. Sans parler de sa silhouette menue et bien faite. « Julie fait très Gisele aux Oscars des bizuts aujourd'hui, dit David, qui porte son éternel uniforme Original Penguin, tee-shirt rayé et velours de l'Armée du Salut. — Tu ne crois pas que tu devrais arrêter d'utiliser un vocabulaire de lycéen? demandé- je. Tu finiras bien par rencontrer des gens qui ont un âge différent du tien, et personne ne comprendra de quoi tu parles. — Pff, grommelle David. Les gens qui n'ont pas les mêmes références culturelles que moi ne m'intéressent pas. — Quelle ouverture d'esprit, Clark Kent », réplique Julie. David cache ses yeux bleus derrière des lunettes à grosse monture noire depuis qu'il a vu Rivers Cuomo dans le clip de « The Sweater Song » ; il était en CP. Les gens se moquent toujours de lui, quoiqu'un peu moins depuis que le style « branché de Brooklyn » a commencé à gagner la Caroline du Nord et du Sud. Il semble avoir mis une couche supplémentaire de Gomina sur son épaisse tignasse noire, aujourd'hui. Mais ce sont toujours les tas de muscles à casquette de base-ball qui règnent sur le lycée de Chapel Hill. D'ailleurs, mon petit frère, Jake, est un tel pro du basket (ou, ainsi qu'aime à le formuler David, un « taré obsessionnel »), qu'il va jusqu'à s'entraîner presque tous les jours avant uploads/Management/ walker-violette-01-violette-taille-mannequin.pdf
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- Publié le Oct 02, 2022
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