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1 études Comment faire du RETEX un facteur de management de la performance ? Par le Colonel (e.r.) Michel BEAUBIÉ  Ex-officier supérieur de la brigade de sapeurs de Pompiers de Paris et ancien inspecteur à la direction de la sécurité civile, expert en sécurité, en pilotage des organisations et formateur en gestion de crise. Il défend une approche globale du retour d’expérience basée notamment sur un recueil élargi comprenant des évaluations opérationnelles ainsi qu’une méthode originale d’exploitation du retex pour une mise en cohérence entre les plans d’action et les enjeux de management du SDIS Le retour d’expérience (retex) est le plus souvent assimilé aux bilans rétrospec- tifs ou aux enquêtes post-accident du ressort d’experts. Malheureusement les rapports qui en découlent, même s’ils sont de très bonne facture, ne sont pas pleinement exploités et en tout cas rarement confrontés au principe de réalité pour répondre de manière concrète et adaptée aux problèmes soulevés. Par ailleurs, bon nombre de retex démontrent que les anomalies, presqu’acci- dents, ou dysfonctionnements insuffisamment corrigés ressurgissent tôt ou tard, tandis que de bonnes pratiques ou succès opérationnels peuvent tout simplement tomber dans l’oubli. Quand rien n’est fait, c’est l’efficacité globale de l’organisation qui, peu à peu, en pâtit en s’accompagnant d’une baisse de la vigilance, et d’un écart gran- dissant entre les préoccupations concrètes du terrain et les choix stratégiques d’affectation des ressources ou des équipements. Le retex, tel qu’il est pratiqué par les militaires, remédie à un certain nombre de ces difficultés. Il prend par exemple, en compte les interactions entre le domaine opérationnel et son environnement (RH, administratif et logistique) et élargit le champ d’action notamment à la recherche opérationnelle, la pros- pective ou l’optimisation des solutions. En prise directe avec le niveau d’exé- cution, il vise en priorité l’adaptation permanente des procédures et équi- pements aux missions (optimisation du feed back) et diffuse largement la résultante de ses travaux. 2 Cette approche, nous semble dans une large mesure transposable et adap- table à une organisation à taille humaine comme le SDIS, qui dispose d’une administration autonome et qui opère sur un bassin de risques présentant des enjeux et problématiques spécifiques. Le contexte actuel, sous fond de tension budgétaire et de demande inflation- niste de secours, favorise la mise en place de ce type de solutions d’optimisa- tion pragmatique et à forte valeur ajoutée auxquelles une fonction retex bien structurée peut très largement contribuer. Pour y parvenir il est souvent nécessaire de réorganiser sa fonction retex dans 3 domaines qui touchent : -  le champ d’action, qui ne doit pas se limiter à la fonction opérationnelle et rétrospective ; -  le mode d’action, qui doit être méthodiquement organisé et partagé pour atteindre des résultats probants ; -  le plan d’action, qu’il faut dument préparer et piloter pour optimiser la réponse. 1/ Le retex – multiplicateur d’efficacité opérationnelle Problématique de mise en place Le Retex est par excellence l’outil des organisations orientées vers l’effica- cité opérationnelle. Il est dans l’ADN anglo-saxon et formalisé dans la doc- trine OTAN1. Il s’est développé dans nos armées avec la mise en place de structures ad hoc et s’est également imposé dans l’écosystème de la santé2 ou dans l’industrie3. Cette généralisation du retex touchant des entités par- fois très contraintes sur le plan financier est une preuve en soi de son indis- pensable contribution à la fiabilité et à l’optimisation des organisations qui y recourent. Les processus d’amélioration continue parfois érigés en mode de management de la performance s’appuient d’ailleurs fortement sur le retour d’expérience. Pour qu’il apporte une réelle plus-value, créer l’organe ne suffit pas. Il est essentiel au préalable de prendre en compte un certain nombre de pré-requis concernant notamment les moyens, la méthode ou les outils. Ressources et profil des acteurs Malheureusement il n’existe pas à proprement parler de formation dédiée à la pratique du retour d’expérience dans les organisations (à tort d’ailleurs car la 1. « La finalité du RETEX est d’apprendre efficacement par l’expérience et de fournir des justifications pour amender les procédés actuels, afin d’améliorer la performance »(doctrine interarmées - processus lessons lear- ned). Lessons learned au sein de l’Otan, la place particulière du Joint Analysis Lessons Learned Centre –JALLC. Publié le 6/10/2015. Source : site pensée militaire. 2. Arrêté Retex du 6 avril 2011 relatif à la qualité de la prise en charge médicamenteuse. 3. C.f travaux et publications de la Fondation pour une culture de sécurité industrielle (FONCSI). Par exemple n°014-01 « Quelques bonnes questions à se poser sur son dispositif de REX » publié le 24/03/2014. 3 discipline requiert un enseignement adapté au même titre que la communi- cation, le renseignement ou le pilotage4). Il n’y a pas non plus d’outils certifiés dans ce domaine. A minima les cadres sensibilisés à la matière assurent d’ordi- naire le cadrage de l’activité en organisant au mieux les principales fonctions (collecte, analyse, exploitation ou « intégration » pour reprendre la termino- logie militaire). Les acteurs du retex doivent idéalement être des experts disposant d’un vécu opérationnel et dotés d’un sens relationnel développé. Ouverts et à l’écoute, ils doivent en effet parvenir aussi bien à appréhender des problématiques opérationnelles complexes, voire des situations dramatiques, qu’à prendre en compte certains signaux faibles ou rationaliser l’exploitation des données (à cet égard il est préférable que les cadres soient familiarisés avec les outils de gestion et de pilotage). Des grilles d’analyse, des techniques d’interview et des méthodes d’évaluation existent pour appuyer cette démarche visant à repérer les points forts et les marges de progression. Un point important est également de déterminer l’opportunité ou pas de dé- clenchement d’une action de retex. Il est à traiter dans la note d’organisation qui devra en outre préciser le niveau de délégation donné aux responsables désignés pour le retex. Diffusion, recueil, feed back - culture d’entreprise Les objectifs poursuivis (1), les directives principales (2) et les modalités (3) de communication doivent être donnés pour orienter l’activité dans l’organisa- tion (par exemple en se référant à la démarche en 4 étapes présentée infra). A cet égard, le niveau de formalisme ainsi que les supports de diffusion retenus seront révélateurs de l’impulsion souhaitée par le management pour propager la culture du retex. Le principe porte sur le partage d’informations analysées et validées, car sans diffusion de ses productions, le retex ne produit pas les mêmes effets. A l’ins- tar des pratiques en vigueur dans les armées on peut ainsi étudier la mise en place et la diffusion des outils et éléments suivants : 1)  une base de données des publications de cas concrets et réflexions ac- cessibles à tous ; 2) un feuillet retex comportant une partie recherche opérationnelle ; 3)  des compte-rendus de mission, analyse après action, et compte-rendus de réunions décisionnels (COMEX, CODIR…) accessibles en interne ; 4) des compte-rendus d’évaluations avec partage des bonnes pratiques ; 5)  des blogs à vocation opérationnelle mettant en relation le management et les personnels ou agents du service. Périmètre d’action Au sein des armées, le retex concerne aussi bien l’engagement sur le théâtre d’opérations que les exercices. 4. A commencer par la compétence recherche opérationnelle qui est rare et précieuse. 4 Au niveau de la conduite, divers acteurs contribuent au processus pour déga- ger des enseignements à tirer (EAT ou Lessons Learned – qu’on retrouve dans le Joint Lessons Learned Division - pôles retex des unités anglo-saxonnes). Leur rôle va jusqu’à préparer la décision en vue de garantir sa mise en œuvre. Ce processus peut être accéléré si les circonstances l’imposent pour réagir aux urgences opérationnelles. Les activités de retex peuvent par ailleurs être orientées pour cibler un domaine d’intérêt particulier. Chez les militaires elles peuvent concerner les conditions d’exécution d’une mission, l’armement, les matériels ou équipements mais aussi des procédures ou des modes d’engagement inédits. Il en va de même pour le SDIS qui souhaitera engager la réflexion sur une opération majeure, une intervention inédite, ou des risques technologiques ou émergents (par exemple en prévision d’une révision de son schéma d’analyse et de couverture des risques). Source : image BSPP Au sein du centre de doctrine d’entraînement des forces de l’armée de terre (CDEF), la fonction est organisée autour de plusieurs pôles permettant d’ap- préhender l’ensemble de son champ d’action5 : -  un bureau « analyse recherche opérationnelle » chargé du recueil et de l’analyse à des fins d’enseignements à tirer des missions et expériences opérationnelles sur le territoire national comme à l’étranger ; -  un bureau chargé du retex et de l’analyse après action lié aux exercices majeurs ; -  une entité dédiée à la recherche en lien avec le réseau d’autres centres civilo-militaires chargés du Retex, des universités et des chercheurs ; -  un bureau exploitation ayant pour mission la validation des propositions, le suivi et l’organisation du cycle décisionnel (comités exécutifs et comi- tés de direction) ; -  un bureau chargé de recherche opérationnelle ayant pour mission d’ap- porter des réponses et solutions d’optimisation aux problèmes com- plexes uploads/Management/comment-faire-du-retex-un-facteur-de-management-de-la-performance 1 .pdf

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  • Publié le Mar 06, 2021
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