Recherches en communication, n° 1 (1994). COMMUNICATION AUDIOVISUELLE ET EDUCAT

Recherches en communication, n° 1 (1994). COMMUNICATION AUDIOVISUELLE ET EDUCATION POUR LA SANTE: UNE ETUDE EN MILIEU SCOLAIRE Marie Roosen1 Notre recherche s'intègre dans le champ de l'éducation pour la santé. Cette discipline vise à ce que chacun devienne autonome par rapport à la gestion de son état de santé2. Une gestion autonome de l'état de santé suppose que des choix comportementaux soient effec- tués par le sujet sur base de connaissances et de désirs3. L'exercice de l'autonomie est donc alimenté, entre autres, par les savoirs dont dis- pose le sujet pour fonder son jugement et établir ainsi une option comportementale. L'accès à des informations permet de raisonner une habitude comportementale et de l'assujettir à un choix délibéré. Mais il ne suffit pas de proposer une information pour qu'elle soit entendue et comprise: tout sujet décode un message en fonction de sa 1 Doctorand au Département de communication de l’Université catholique de Louvain. 2 A. BURY, Éducation pour la santé: concepts, enjeux, planifications, Bruxelles, De Boeck, 1988. 3 A. BANDURA, L'apprentissage social, traduit par J.-A. Rondal, Bruxelles, Mardaga, 1980. MARIE ROOSEN 170 connaissance du mode d'expression du message (langage verbal, communication non verbale, etc.) et différents facteurs psycholo- giques et sociaux modulent toute perception. Si le sujet ne s'adapte pas objectivement au message, il s'y adapte en quelque sorte subjecti- vement, en moulant celui-ci à ses catégories d'intérêt et de pensée1. Dans notre recherche, nous avons émis l'hypothèse que l'écrit et l'audio-scripto-visuel, modes de transmission différents, induisent des adaptations elles aussi différentes au message proposé. Pour tenter d'évaluer l'efficacité respective de ces modes de transmission, nous avons procédé à une étude expérimentale: nous avons proposé une information sur l'effet des bonbons sur la santé à des enfants de cinquième année primaire pendant leurs activités sco- laires. L'information était présentée sous forme écrite ou sous forme vidéographique. Nous avons ensuite mesuré le niveau d'acquisition de connaissances et comparé l'efficacité respective du texte et de diffé- rents types de traitements graphiques. Avant d'examiner les résultats de cette étude expérimentale, nous en précisons le cadre méthodologique. 1. Cadre méthodologique Nous avons donc proposé à des enfants de cinquième année pri- maire une même information présentée sous forme écrite ou sous forme vidéographique et nous avons ensuite évalué l'efficacité respec- tive de ces modes de transmission. Avant d'exposer la manière dont nous avons effectué cette évaluation, décrivons brièvement les démarches préalables à la réalisation du texte et du vidéogramme. 1.1. La réalisation des outils (texte et vidéogramme) Le scénario du vidéogramme et la rédaction du texte ont été conçus à partir de deux sources: 1 S. MOSCOVICI, “L'ère des représentation sociales”, in Textes de base en psychologie: étude des représentations sociales sous la direction de Doise Palmonari, Paris, Delachaux et Niestlé, 1986. COMMUNICATION ET EDUCATION POUR LA SANTE 171 – des interviews non directives d'enfants du même âge que les enfants soumis à l'expérimentation; – l’observation du déroulement de trois animations sur le thème traité. Ces animations (réalisées dans trois classes primaires) consistaient en un travail de collecte, d'organisation et de restitution d'informa- tions sur le thème des bonbons. Ces démarches préalables nous ont permis de constater que les représentations et opinions des enfants étaient pour la plupart déjà congruentes avec les options que nous prônions: définition positive de la santé, conscience du rôle du sujet dans la gestion de sa santé, opi- nions favorables vis-à-vis de comportements de bonne santé (sport, sommeil...) et défavorables vis-à-vis de la consommation de produits néfastes pour la santé (drogue, alcool, sucreries, médicaments...). Grâce à ces interviews et observations, nous avons aussi mieux cerné les habitudes langagières et comportementales, les intérêts et les préoccupations des enfants de cet âge. Enfin, nous avons également pu préciser leurs connaissances et leurs ignorances: par exemple, les enfants savent que la consomma- tion de bonbons nuit à la santé, mais ils ne savent pas pourquoi. Lors de la rédaction du texte et du vidéogramme, nous avons intégré la présentation d'informations nouvelles aux références déjà repérées. Nous avons respecté les opinions et représentations et, dans la mesure du possible, les termes employés ont été repris au répertoire habituel de la plupart des enfants. Les phrases ont été construites selon un modèle simple. Les comportements évoqués illustrent des comportements décrits par les enfants (manger un bonbon quand on lit et qu'on s'ennuie dans sa chambre, expériences menées dans un petit laboratoire), ou encore observés lors des animations (lecture à la loupe des ingrédients, recherche au dictionnaire des mots difficiles). Les problématiques envisagées rencontrent les intérêts des enfants (fabrication ancienne et actuelle des bonbons, chemin éco- nomique du bonbon, publicité) et respectent leur progression dans l'étude du thème envisagé (l'acquisition de connaissances sur la fabri- cation des bonbons a fondé l'interpellation sur les questions de santé liées à la consommation de bonbons). Toutefois, pour pallier à certaines ignorances, la transmission d'une information nouvelle et correcte fut parfois nécessaire. Cette MARIE ROOSEN 172 transmission a exigé pour certains passages le recours à une structura- tion linguistique plus complexe (différence entre produit naturel et produit artificiel...) et la définition de nouveaux concepts (émulsifiant, conservateur, anti-oxydant, arôme, colorant, bactéries, artères...). Plus fondamentalement, nos propositions suggèrent une réduc- tion de la consommation de sucreries, facteur peu motivationnel à court terme, même si les enfants sont souvent convaincus du bien- fondé de cette suggestion. 1. 2. L'évaluation des outils (texte et vidéogramme) Nous avons principalement évalué les outils réalisés (texte et vi- déogramme) en mesurant l'acquisition de connaissances (puisque nous apportions une information nouvelle sans chercher à modifier les représentations). L'observation du changement de comportement eut été également pertinente, mais s'est révélée difficilement appréhendable. Pour compléter notre étude, nous nous sommes également inté- ressé à l'analyse des capacités de lecture d'un document audiovisuel. 1.2.1. L'acquisition de connaissances Nous avons évalué le niveau d'acquisition de connaissances en comparant les réponses à un même questionnaire (questionnaire connaissances) proposé avant l'exposition à l'information (prétest) et après l'exposition à l'information (posttest). Pour ce questionnaire connaissances, nous avons travaillé avec 308 enfants de cinquième année primaire, répartis en 16 classes. Nous avons veillé à obtenir un éventail relativement différencié d'écoles sur les critères de taille (grandes et petites), de réseau (libre et commu- nal), d'implantation (milieu urbain, milieu rural, quartiers de milieu favorisé ou défavorisé) de façon à ce que notre échantillon rende compte des différences présentes dans la population enfantine de réfé- rence. Nous avons constitué des groupes en essayant de coupler chaque fois deux classes relativement semblables par rapport aux critères envisagés ci-dessus. Ensuite, par tirage au sort, une des deux classes était exposée à la vidéo, et l'autre au texte. Nous avons travaillé avec huit classes (quatre exposées à la vidéo et quatre au texte) en posttest immédiat (prétest, exposition à l'information et posttest) et huit en COMMUNICATION ET EDUCATION POUR LA SANTE 173 posttest différé (prétest, exposition à l'information et posttest deux semaines après). Nous avons assuré nous-même la présentation de la démarche, du texte ou du vidéogramme de façon à maintenir cette variable constante. Les questions de ce questionnaire connaissance étaient suffi- samment précises pour que nous puissions mesurer les réponses sur base d'une grille de correction établie en 0 (réponse incorrecte) ou 1 (réponse correcte). Nous avons ainsi pu comparer les différences de niveau d'acquisition, selon que l'information avait été proposée sous forme écrite ou sous forme audio-scripto-visuelle, en utilisant certains paramètres du test Mucer1 : degré d'utilité (nombre d'informations non connues au prétest), d'efficience (nombre d'informations non connues au prétest et connues au posttest), de maîtrise (nombre d'informations connues au posttest), et de conservation (nombre d'informations connues au prétest et au posttest). Nous nous sommes particulièrement intéressé au degré d'efficience qui mesure spécifiquement l'acquisition de connaissances. 1.2.2. L'évolution des représentations Nous avons soumis le même échantillon à un second question- naire (questionnaire représentations) pour mesurer l'évolution des opi- nions et des représentations (toujours suivant un principe de prétest et de posttest. Dans ce cas, le posttest a été proposé de manière différée, plus ou moins une semaine après l'exposition à l'information. Ce questionnaire comportait quatre questions ouvertes que nous avons traitées par analyse de contenu thématique2 1.2.3. Le changement de comportement Enfin, nous avons tenté d'observer des comportements à partir de jeux de rôle proposés à des enfants de deux classes de cinquième année primaire qui avaient été soumis respectivement au texte et à la vidéo. Nous n'avons retiré de cette procédure aucune information per- tinente. Nous n'en donnerons donc aucune interprétation dans l'ana- lyse des résultats. 1 J.-M. DE KETELE, Observer pour éduquer, Berne, Peter Lang, 1987. 2 POURTOIS, 1988. MARIE ROOSEN 174 1.2.4. Lecture d'un document audiovisuel Nous avons appréhendé la capacité de lecture du document audio-scripto-visuel à la fois au moyen d'interviews non directives et par le biais d'un troisième questionnaire (questionnaire lecture d'un document audiovisuel, questions ouvertes et fermées). Nous avons analysé les réponses soit par comptage soit par analyse de contenu thématique. 2. Analyse des résultats Cette partie reprend l'analyse des résultats obtenus à partir des trois questionnaires (questionnaire connaissance traité par le uploads/Management/communication-audio-visuelle.pdf

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  • Publié le Sep 21, 2021
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