Chapitre 1 Introduction : Qu’est-ce-que la RSE ? ”Les deux choses les plus impo
Chapitre 1 Introduction : Qu’est-ce-que la RSE ? ”Les deux choses les plus importantes n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise : sa réputation et ses hommes” (Henri Ford) 1.1 Genèse et développement de la Responsabilité Sociale des entreprises 1.1.1 Les prémices La notion de Responsabilité Sociale des Entreprises est récente mais a été précédée par de multiples incursions des thématiques sociales au sein des entreprises. La révolution industrielle a ainsi été accompagnée du déve- loppement du paternalisme au sein des entreprises avec un chef d’entreprise prenant en charge tous les aspects sociaux de la vie de ses ouvriers (logement, loisirs). D’une certaine manière, cela permettait de maintenir les conditions de travail et les salaires à un niveau extrêmement bas. La motivation sociale de ce genre de comportements était tout sauf évidente. Au cours du XXe siècle, Henri Ford, propriétaire de la marque automobile du même nom donne son nom à un processus productif directement inspiré du Taylorisme, le Fordisme, et basé sur l’augmentation de la productivité du fait d’une division horizontale du travail (travail à la chaîne). Une des croyances profondes d’Henri Ford était qu’il fallait augmenter les salaires des travailleurs afin de permettre l’émergence d’une demande intérieure à même d’écouler la production de l’entreprise. L’augmentation des salaires 1 CHAPITRE 1 : Qu’est-ce que la RSE ? permettait également à l’entreprise de limiter le “turn-over” et les départs des salariés. Ce qui fut une réussite industrielle inspira au sortir de la deuxième guerre mondiale un modèle de régulation que les régulationnistes (Aglietta 1976, Boyer 2004) nommèrent le modèle fordiste marqué par des mécanismes de protection sociale des revenus sociaux s’ajoutant aux revenus salariaux directs, et d’autre part, la fixation de norme salariale minimale par la loi. Ce “compromis fordiste” constitua selon certains auteurs “l’age d’or du salariat” et dura de 1945 à 1975 environ. Peut-on dès-lors assimiler le Fordisme à une forme de responsabilité so- ciale des entreprises ? Dans son acceptation initiale, à savoir un modèle de production interne à l’entreprise, la dimension sociale du Fordisme (augmen- tation des salaires) pourrait à être assimilé à une forme de RSE. Par contre la régulation fordiste mise en place après la seconde guerre mondiale est plus difficilement assimilable à un modèle de RSE dans la mesure où ce compro- mis fordiste était largement basé sur une régulation forte de l’Etat. C’est également car ce compromis fordiste a été très puissant en Europe que la notion de RSE a eu du mal à émerger en Europe. Dans l’exploration des prémices de la RSE, il est également important de souligner le rôle des sociaux-démocrates européens, qui demandèrent dans la première partie du XXe siècle des audits sociaux. 1.1.2 Des origines américaines fortement inspirées par la cha- rité religieuse Le terme de Responsabilité Sociale des Entreprises apparaît formellement aux Etats-Unis et est utilisé la première fois par Bowen (1953), c’est la Cor- porate Social Responsibility. Bowen est un pasteur protestant et sa démarche s’inscrit dans la volonté des églises évangéliques américaines de se doter d’une doctrine sociale. Selon Capron et Quairel-Lanoizelée (2007), il s’agit “de cor- riger les défauts du système, de réparer les abus et les outrages plutôt que de prévenir ou d’anticiper les nuisances ou les dommages causés par l’activité de l’entreprise, dans le dessein de les éviter. Selon Pasquero (2005), cette dé- marche est spécifiquement Etats-uniennes, profondément marquée par une vision de la Société et de l’Etat. La liberté individuelle doit s’accompagner d’un principe de responsabilité et de bienfaisance reposant sur les acteurs eux-mêmes et non sur l’Etat ou sur la législation, perçus comme “privateurs de libertés”. Capron et Quairel-Lanoizelée (2007) résument cette logique par la formule “profit d’abord, philanthropie après”. 2 CHAPITRE 1 : Qu’est-ce que la RSE ? 1.1.3 La RSE en Europe La responsabilité sociale en Europe s’est développée avec des motiva- tions radicalement différentes des motivations américaines. Tout d’abord le concept de RSE n’apparaît pas explicitement avant les années 1990. Dans les faits, cependant, le développement des différents modèles sociaux européens s’est accompagné d’une préoccupation forte pour la dimension sociale dans l’entreprise. Le modèle nordique s’est développé sur un Etat-providence fort mais également sur de syndicats puissants négociant au niveau de l’entreprise de haut niveaux de salaires et de protection sociale. Dans de nombreux pays nordiques, il n’y a ainsi pas de salaire minimum fixé par l’Etat, celui-ci étant négocié par les représentants des travailleurs et des employeurs. Au niveau européen, on peut parler de RSE implicite (Matten et Moon 2005) tant l’ensemble des modèles sociaux européens sont marqués à différents niveaux par un haut niveau de protection sociale institutionnalisée et par de multiples accords collectifs. Il s’agit d’une distinction importante entre la vision de la RSE américaine, très basée sur le principe de responsabilité individuelle, et la vision européeene dans laquelle la responsabilité est ici collective. La RSE explicite a émergé au cours des années 1990. On peut voir plusieurs raisons expliquant cette émergence : – Le recul des Etats-Nations et l’effondrement du compromis fordiste – La crise économique réduisant les marges de manoeuvre de l’Etat – Une image de marque ternie pour les grands groupes Du fait de l’effondrement du compromis fordiste, l’émergence de la RSE arrive dans un contexte de substitution de la régulation privée à la régula- tion publique. Dans un contexte de mondialisation, l’impuissance des Etats- Nations se combine à l’incapacité des organisations internationales à impo- ser une régulation au niveau mondial. L’émergence de firmes multinationales dont l’activité dépasse le seul cadre des Etats implique de nouvelles formes de régulation au niveau international. Ce qui peut également expliquer l’émer- gence de politiques RSE à l’échelle des groupes. 1.1.4 La RSE fait-elle consensus ? Si le large développement de stratégies de communication de firmes au- tour de leur stratégie RSE peut laisser penser que le concept fait aujourd’hui consensus, on a observé plusieurs controverses dans l’Histoire montrant que la prise en compte du principe de responsabilité ne va pas de soit. Ces contro- verses se concentrent essentiellement sur une articulation des pouvoirs et de 3 CHAPITRE 1 : Qu’est-ce que la RSE ? répartition des richesses crées au sein des entreprises entre actionnaires, ma- nageurs et salariés. La première controverse est celle qui a éclatée lors du procès Ford contre les frères Dodge en 1919. Les frères Dodge, actionnaires minoritaires, contes- taient la volonté d’Henri Ford de redistribuer une partie des profits, en les réinjectant dans l’entreprise afin de financer une politique sociale. La Cour suprême du Michigan donna tort à Henri Ford, considérant que les profits ne pouvaient être distribués qu’aux seuls actionnaires. Dans la même lignée, Milton Friedman (1971) considère que “la seule responsabilité sociale de la firme est de faire du profit”. Friedman explique le développement de la RSE par le pouvoir donné aux manageurs au sein des entreprises, “détournant” une partie du profit au profit de politiques sociales afin d’accroître leur influence au sein de la firme. Selon cette optique, le déve- loppement de la RSE serait la marque d’un dysfonctionnement de l’entreprise du fait d’une déconnection entre les manageurs et les actionnaires. D’autres acteurs s’opposent à la RSE à partir d’un point de départ radi- calement différent. Selon eux, le développement de la RSE symboliserait le développement de la soft law en opposition à la hard law. La soft law renvoie à l’établissement de normes par les acteur eux-mêmes sur le principe du volon- tariat alors que la hard law renvoie à l’action régulatrice de l’Etat et à la mise en place de normes contraignantes pour les entreprises. Les entreprises s’en- gageraient dans des démarches volontaires pour mieux éviter l’établissement de règles plus contraignantes et le développement de la soft law irait donc de paire avec l’affaiblissement de l’Etat dans ses prérogatives de régulateur et de producteur de normes. Selon ces acteurs, il revient à l’Etat d’établir des normes que les entreprises doivent ensuite appliquer. Cela explique pourquoi certains syndicats étaient, jusqu’à une période récente, réticents à s’engager dans des démarches RSE au sein des entreprises. 1.2 Développement Durable et RSE 1.2.1 Le développement Durable La notion de développement durable a émergé parallèlement à celle de RSE et sont dans l’esprit de beaucoup liées. Il existe une multitude de dé- finitions du développement durable et le concept peut sembler flou à de nombreux égards. Formellement le développement durable fait appel à deux notions : (1) le développement et (2) la durabilité. 4 CHAPITRE 1 : Qu’est-ce que la RSE ? Le développement économique renvoie à quatre notions : – Une expansion forte et soutenue de la production matérielle (croissance du PIB) – Une réduction de la pauvreté monétaire – Les progrès en matière de santé et d’éducation – L’universalisation des libertés réelles Le développement économique et la durabilité ne sont pas a priori an- tinomiques mais des contradictions peuvent apparaître. Le développement durable prend en compte ces contradictions afin que ce développement ne remette pas en cause la capacité des générations futures à répondre à leurs besoins. Définition du Développement Durable (Commission Bruntland, 1987) Le développement durable est uploads/Management/cours-rse-lp-banque.pdf
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