La délégation managériale Levier de compétences et de développement stratégique
La délégation managériale Levier de compétences et de développement stratégique Didier Retour Avec la collaboration de Thierry Picq, Françoise Belle, Christian Defélix et Ewan Oiry V Sommaire Présentation de l’AGRH VI Présentation de la collection « Recherche » de l’AGRH VIII Avant-propos IX Introduction 1 Chapitre 1 Les facteurs de développement des pratiques de délégation 7 Chapitre 2 La délégation managériale – définition et caractéristiques 19 Chapitre 3 Avantages et risques de la délégation 47 Chapitre 4 Pratiques de la délégation et modèle d’analyse 77 Chapitre 5 Tableau de bord de la délégation 87 Conclusion 93 Bibliographie 94 7 Chapitre 1 Les facteurs de développement des pratiques de délégation À l’origine, la notion de délégation est de nature juridique. Ainsi, « la délégation de pouvoirs est un acte juridique par lequel une autorité (le délégant) se dessaisit d’une fraction des pouvoirs qui lui sont conférés et les transfère à une autorité subordonnée (le délégataire). Le délégataire assume alors les obligations et les responsabilités liées aux pouvoirs qui lui ont été délégués. Aussi, en cas de manquement à une obligation pénalement sanctionnée, le délégataire sera-t-il responsable au lieu et place du délé- gant » (MEDEF), cité par Ospital (2007, p. 90)13. Pour qu’une délégation de pouvoir soit juridiquement valide, il est impératif que le délégataire dispose pleinement : de la compétence, de l’autorité, des moyens nécessaires pour accomplir la mission confiée (Ospital, 2007, p. 101)14. Dans cet ouvrage, nous ne développerons pas cette dimension juridique de la délégation. Nous nous proposons donc de commencer par l’examen des différents facteurs qui expliquent l’essor des pratiques de délégation managériale au sein des entreprises. Nous analyserons successivement la recherche de sources d’avantage compétitif, l’élévation du niveau de formation des salariés, la réduction du nombre de niveaux hiérarchiques, et enfin le développement du management participatif. 1. La délégation managériale, élément de l’avantage compétitif Thomas Philippon (2007) affirme : « Dans les pays où il y a le plus de managers professionnels et une plus grande délégation d’autorité, on trouve plus souvent des entreprises nationales en tête des classements ». Un peu plus loin, il écrit : « Les tra- vailleurs aiment travailler dans les entreprises provenant de pays où le management est professionnel et accepte de déléguer l’autorité : on peut parler d’un avantage compétitif ». 13. Op cit, OSPITAL D., p. 90. 14. Ibid. La délégation managériale 8 Lorsque Thomas Philippon (2007)15 parle de « managers professionnels », il s’agit de dirigeants d’entreprises choisis pour leurs seules qualités managériales et non en raison de leurs relations plus ou moins étroites avec les propriétaires de l’entreprise où ils travaillent. Cette précision donnée, l’auteur affirme que le fait que les dirigeants d’une entreprise soient des professionnels du management et délèguent au sein de leur structure procure à ces organisations un atout qui peut se révéler décisif face à la concurrence. Il insiste d’ailleurs sur ce point ailleurs dans son livre : « le manque de coopération et de délégation crée des rigidités réelles […] qui freinent l’adaptation des entreprises… ». C’est donc un premier argument fort pour être attentif aux pratiques de délégation managériale et s’interroger sur la manière de progresser dans ce domaine. La question des pratiques de délégation ne concerne pas uniquement les diri- geants de l’entreprise et la manière de manager : « La cause principale d’insatisfaction [des salariés] est le manque de liberté de décision » (Philippon, 2007)16. En d’autres termes, le fait de donner plus de pouvoir de décision à des salariés peut être une source de motivation et d’implication au travail. Toujours, selon Thomas Philippon (2007)17, « l’absence de délégation, la surcharge de responsabilités au sommet, la déresponsabilisation de la base […] existent dans toutes les entreprises françaises ». Ce diagnostic sévère n’est pas isolé. Quelques mois après la publication de l’ou- vrage de Thomas Philippon (2007)18, la société de conseil BPI présentait au début de l’année 2008 une étude comparative des pratiques managériales de plusieurs pays. L’un de ses dirigeants livrait dans les termes suivants son analyse : « Notre pays [La France] a un problème structurel de qualité de relations sociales entre salariés et managers […]. Ces relations restent encore beaucoup trop marquées par le statut social de la hiérarchie, l’élitisme, le manque de confiance et de coopération, l’insuf- fisance de délégation de responsabilités » (Interview de B. Maillé, BPI, Directeur Branche Management, Le Monde, 29 janvier 2008). Ainsi donc, deux approches totalement différentes quant aux profils de leurs acteurs, l’un, Thomas Philippon – professeur d’économie actuellement en poste aux États-Unis à l’Université de New York, fondant ses analyses sur notamment des enquêtes statistiques internationales –, l’autre, B. Maillé – dirigeant d’une grande société française de conseil, spécialisée dans le domaine du management et de la ges- tion des ressources humaines –, convergent pour observer une insuffisance en France des pratiques de délégation managériale, pourtant source d’avantages compétitifs. Les diagnostics précédents rejoignent des constats établis depuis plusieurs années par des dirigeants d’entreprise. Ainsi, selon Chaize : « La délégation s’avère une nécessité impérieuse pour affronter, voire anticiper une réalité de plus en plus 15. PHILIPPON Th. (2007), Le capitalisme d’héritiers – La crise française du travail, Paris, Éditions du Seuil, Collection « La république des idées », Pocket Mentor series (2008), Delegating work, Boston, Harvard Business Press. 16. Op cit. PHILIPPON Th. p. 24. 17. Ibid. 18. Ibid. Les facteurs de développement des pratiques de délégation 9 concurrentielle et changeante […] Nul ne conteste que dans l’entreprise, aujourd’hui confrontée à des changements importants et quotidiens, attendre les ordres, les instructions n’est plus possible : il faut apporter des réponses rapides et adaptées. Chacun admet que le territoire de l’entreprise mondialisée est de plus en plus vir- tuel, de moins en moins confinable à un lieu unique ; qu’il est donc nécessaire de déléguer à chacun la possibilité de trouver en lui-même, là où il se trouve, au plus près du terrain et du client, les réponses appropriées […]. Les contraintes induites par les mesures d’aménagement et de réduction du temps de travail amènent éga- lement à repenser l’organisation concrète du travail, et notamment, à plus délé- guer. Mais au même moment, on observe cependant que nombre de dirigeants reprennent les rênes, soumettent leurs collaborateurs à des contrôles et suivis serrés, limitent leurs marges de manœuvre tout en les invitant fermement à prendre des initiatives. La contradiction entre nécessité de déléguer et peur de le faire est plus que jamais d’actualité » (Chaize, 1995)19. Ce credo en faveur de la délégation et de la place des salariés au sein de la gestion des entreprises n’est pas propre à ce dirigeant français. L’encadré suivant rend compte de la manière dont les chefs d’entreprise indiens dirigent leurs structures. « Diriger à l’indienne » Vineet Nayar, PDG de HCL, une méga société de services de technologies de l’in- formation […] est à l’origine de la formule-choc « l’employé passe avant le client ». […]. Il soutient que le souci de « transparence » et de « véritable délégation de pouvoir » devrait donner lieu à « la prise de décision par les bonnes personnes », c’est-à-dire les employés, qui constituent l’interface entre l’entreprise et la clientèle ». […]. Une analyse poussée quant à la façon de travailler d’une centaine de hauts dirigeants de grandes sociétés de l’Inde montre qu’il existe un modèle de gestion propre à ce pays. […]. À l’instar de Vineet Nayar, pratiquement tous ces dirigeants affirment que les employés sont à l’origine de leur avantage concurrentiel. Les dirigeants indiens ont une façon bien à eux de considérer le capital humain. Leur approche est axée sur le développement à long terme des ressources humaines […]. Les chefs d’entreprise indiens attribuent souvent leur succès à l’attitude positive et à la persévérance de leurs employés ainsi qu’à leur sens de la réciprocité. Ils s’en inspirent d’ailleurs pour travailler sur quatre fronts : l’engagement social, la trans- parence et l’obligation de rendre des comptes ; la délégation et la communication ; ainsi que la formation et le perfectionnement. Pour que l’engagement se traduise en actes, les employés doivent disposer d’une certaine marge de manœuvre. Les chefs d’entreprise remuent donc ciel et terre pour leur donner du pouvoir – un phénomène qui, en Inde, défie la déférence tradition- nelle à l’égard de la hiérarchie. 19. CHAIZE J. (1995), « Empowerment : les obstacles et les leviers », L’expansion Management Review, décembre, p. 78-82. La délégation managériale 10 Les dirigeants sont aussi évalués sur le degré de satisfaction de leurs subalternes et sur le nombre d’employés qu’ils destinent à des postes de direction. Source : Capelli P ., Singh H., Singh J.V., Useem M., « Diriger à l’indienne », Premium, mai-juin 2010, n° 2, p. 16-25. La notion d’« empowerment » conduit le même type d’argumentation. « L’empowerment » peut être défini comme la capacité à « faire confiance en délé- gant ; être capable de recevoir la délégation » (Chaize, J., 1995, p. 78)20. « Pouvoir d’agir » (Tremblay et al., 2006)21, « l’empowerment uploads/Management/la-delegation-manageriale.pdf
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- Publié le Sep 17, 2021
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