Claudia REBOLLEDO Professeur agrégé, HEC Montréal claudia.rebolledo@hec.ca Mart
Claudia REBOLLEDO Professeur agrégé, HEC Montréal claudia.rebolledo@hec.ca Martin BEAULIEU Professionnel de recherche, groupe de recherche CHAÎNE, HEC Montréal Sylvain LANDRY Professeur titulaire, HEC Montréal - Professeur visitant, BEM L’intégration de la chaîne logistique (supply chain) a souvent été associée à l’utilisation des technologies de l’information. Cependant, les expériences démontrent que la technologie compte pour une fraction d’une intégration réussie de la chaîne logistique. Outre la technologie, un climat de collaboration doit se développer entre les partenaires d’affaires et dans ce contexte, la dimension organisationnelle prend une importance plus grande. Ainsi, les entreprises doivent envisager une redéfinition des rôles et le développement de nouveaux mécanismes de concertation des actions entre les acteurs de la chaîne. L’objectif de cette étude est donc de saisir les implications de ces reconfigurations organisationnelles lors d’effort de collaboration entre deux partenaires de la chaîne logistique. La présente recherche a documenté une expérience de CPFR (Collaborative, Planning, Forecasting, and Replenishment) entre un grand détaillant et un important fournisseur de produits cosmétiques. L’étude mettra en évidence le développement d’un nouveau poste d’interface entre les acteurs logistiques et commerciaux du fournisseur, mais aussi une interface avec l’équipe d’acheteurs du détaillant. Elle présentera également les procédures de travail qui ont été mises en place et les défis dans la gestion de l’information échangée. Mots clés : chaîne logistique, SCM, collaboration, intégration, interface. Introduction L’intégration de la chaîne logistique a souvent été associée à l’utilisation des technologies de l’information (Lee et al., 1997; Lowson et al., 1998) des systèmes MRP dans les années 1960 au Flowcasting des années 2000 (Martin et al., 2006), en passant par les systèmes ERP des années 1990. Cependant, les expériences démontrent que la technologie, bien qu’im- portante, n’est qu’un élément d’une intégra- tion réussie de la chaîne logistique (Cederlund et al., 2007). Outre la technologie, la dimension organisationnelle joue un rôle capital. Ainsi, les entreprises doivent envisa- ger une redéfinition des rôles des différents acteurs et le développement de nouveaux mécanismes de concertation de leurs actions. L’objectif de la présente étude est donc de mieux comprendre cette dimension organisa- tionnelle et comment elle s’incarne en pra- tique. Les observations qui sont formulées décou- lent d’une étude de cas. La présente recherche a documenté une expérience de CPFR (Colla- Logistique & Management Vol. 18 – N°2, 2010 63 Les rôles d’interface dans l’intégration de la chaîne : une étude de cas d’une expérience CPFR borative, Planning, Forecasting, and Reple- nishment) entre L’Oréal Canada (ci-après L’Oréal) et Walmart Canada (ci-après Wal- mart). L’étude mettra en évidence le dévelop- pement d’un nouveau poste d’interface entre les acteurs logistiques et commerciaux du fabricant, mais aussi une interface avec l’équipe d’acheteurs du détaillant. Notre propos expose d’abord les concepts de CPFR à l’intérieur des pratiques de collabora- tion qui se sont développées au cours des 20 dernières années afin d’atteindre l’intégration de la chaîne logistique (Zacharia et al., 2009). Par la suite, nous présentons la méthodologie de collecte des données et terminons par la présentation du cas proprement dit. La discus- sion découlant de l’analyse met en évidence deux éléments. D’abord, les pratiques de col- laboration comme le CPFR subissent des altérationsnaturelles afin de s’adapter aux dif- férents contextes. Ensuite, les pratiques de collaboration ne peuvent s’appuyer unique- ment sur des technologies de l’information ; de nouvelles structures organisationnelles doivent également être envisagées pour soute- nir ces efforts. Nous allons donc cibler l’im- portance des rôles d’interface pour faciliter l’intégration interne et externe nécessaires au succès de ces initiatives de collaboration. Nous conclurons cette étude en identifiant des pistes de recherche pour le milieu académique et des implications pratiques pour les gestion- naires. L’intégration de la chaîne logistique Dans leur article, Roy et al. (2006) retracent les moments clés des principaux efforts d’in- tégration de la chaîne logistique. En 1984, alors qu’une étude de l’industrie américaine du textile démontrait les principales ineffica- cités de la chaîne logistique de ce secteur (Blackburn, 1991), on recommandait la mise en œuvre de nouvelles pratiques regroupées sous le vocable de Quick Response. Quelques années plus tard, en 1992, c’est au tour des distributeurs et des manufacturiers du secteur américain de l’alimentation de créer un comité de travail appelé Efficient Consumer Response, qui a pour but d’étudier lui aussi la chaîne logistique de ce secteur afin d’identi- fier des améliorations potentielles (Lowson et al., 1999). Le rapport déposé quelques années plus tard a également identifié des pratiques novatrices pouvant dégager des économies substantielles. Enfin, un rapport publié en 1996, et présenté sous le vocable du Efficient Healthcare Consumer Response (CSC Consulting, 1996), a identifié des gains appréciables dans la gestion de la chaîne logistique du secteur américain de la santé. Comme l’indiquent Roy et al. (2006), ces ini- tiatives sectorielles se sont efforcées de créer une structure de communication commune, comme le déploiement de systèmes de saisie de données aux points de vente et le transfert de ces dernières aux partenaires en amont, de façon à mieux planifier et synchroniser les activités de réapprovisionnement aux besoins exprimés par les consommateurs. Cependant, une grande partie des pratiques promues n’ont pu être généralisées à tous les acteurs de la chaîne logistique et plusieurs motifs peuvent être évoqués. Dans le secteur du textile, Hun- ter et Valentino (1995) expliquent ce phéno- mène, entre autres, par la complexité du réseau logistique. Dans le secteur de l’alimen- tation, Corsten et Kumar (2005) traitent de l’i- néquitable partage des bénéfices entre les acteurs de la chaîne. Dans le secteur de la santé, Rivard-Royer et al. (2002) indiquent que de nombreux participants ont décidé de poursuivre des actions individuelles pour des raisons concurrentielles. Au milieu des années 1990, l’échec relatif des initiatives sectorielles ouvrait la porte à des projets de collaboration bilatéraux (Barratt, 2004). Depuis, ce concept a fait l’objet de fréquentes discussions dans le domaine de la gestion des opérations (de Leeuw et Fransoo, 2009). La collaboration entre au moins deux organisations indépendantes impliquerait un effort conjoint (Simatupang et Sridharan, 2005) de partage de connaissances et de com- pétences (Zacharia et al., 2009), afin de créer des bénéfices mutuels (Simatupang et Sridha- ran, 2008) qui seraient supérieurs à des actions isolées (Whipple et Russell, 2007). La pratique du CPFR Parmi les initiatives bilatérales les plus connues de la chaîne logistique, on retrouve les pratiques de VMI – Vendor Managed Inventory ou de CPFR – Collaborative Plan- ning, Forecasting, and Replenishment. Le VMI a été popularisé à la fin des années 1980 par Walmart et Procter & Gamble. Cette ini- tiative laisse au fournisseur la décision quant aux niveaux des stocks de chacun des produits qu’il maintient dans les entrepôts de ses clients. En contrepartie, ces derniers l’infor- ment en temps réel des quantités écoulées dans l’entrepôt. La pratique du VMI a démon- tré plusieurs bénéfices, mais également cer- Logistique & Management 64 Vol. 18 – N°2, 2010 taines limites, notamment le fait que plusieurs fournisseurs avaient de la difficulté à compo- ser avec les promotions de produits (Sari, 2008). En 1996, en réponse à ces limites, Walmart initie avec Warner-Lambert un projet pilote qui porte une attention plus particulière à la gamme de produits Listerine. Les deux entre- prises préparent alors indépendamment l’une de l’autre les prévisions pour les six prochains mois, s’entendent sur une prévision commune et partagent ensuite leurs résultats afin de con- fronter leurs points de vue (Margulis, 1999). Les résultats s’avèrent très concluants : pour les produits Listerine, l’indicateur in stock (soit le taux de service en magasin) passe de 87 % à 98 % tout en réduisant le niveau des stocks en magasin de deux semaines. De plus, grâce à cette initiative, Warner-Lambert reçoit plus régulièrement les commandes lancées par Walmart ce qui lui permet de niveler sa production et de réduire son délai (lead time) de 21 à 11 jours (Parks, 2001). Devant ces résultats, Walmart invite Sara Lee à démarrer elle aussi un tel projet pilote. En 24 semaines, les articles de Sara Lee intégrés au projet pilote améliorent globalement leur in stock de 2 %, pendant que le niveau des stocks en magasin diminue de 14 % (Parks, 2000). En 1999, les résultats de ces projets pilotes sont rendus publics. Ces deux projets seront quelques années plus tard désignés par l’acro- nyme CPFR. À la différence du VMI, les four- nisseurs qui s’engagent avec Walmart dans cettedirection peuvent intervenir plus directe- ment sur les stratégies de réapprovisionne- ment, au lieu de demeurer dépendants des commandes lancées à chaque semaine par ce dernier. En 2000, Walmart crée une interface avec son système Retail Link accessible par les fournisseurs afin de traiter les informa- tions échangées pour les articles gérés par le programme CPFR (Walmart Stores, 2003). Simatupang et Sridharan (2008) définissent le CPFR comme un processus d’affaires de pla- nification et d’exécution visant à lier l’offre et le demande afin de réduire les coûts de la chaîne logistique, tandis que pour Cederlund et al. (2007), le CPFR est une pratique visant une amélioration de la fiabilité par la combi- naison des partenaires d’affaires dans la uploads/Management/les-roles-d-x27-interface-dans-l-x27-integration-de-la-chaine-une-etude-de-cas-d-x27-une-experience-cpfr.pdf
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- Publié le Jul 01, 2021
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