209 Hermes – Journal of Language and Communication Studies no 44-2010 Thomas St
209 Hermes – Journal of Language and Communication Studies no 44-2010 Thomas Stenger* & Alexandre Coutant* Les réseaux sociaux numériques : des discours de promotion à la défi nition d’un objet et d’une méthodologie de recherche Résumé L’audience et la popularité croissantes des « réseaux sociaux numériques » tels que Facebook, Hi5 ou MySpace sont accompagnées de multiples questionnements. Les entreprises se posent la question de leur intérêt commercial et s’interrogent face aux discours de promotion de ces sites. Les chercheurs, en sciences humaines et sociales en particulier, sont confrontés à un manque de défi nition rigoureuse pour ce nouvel objet qui est souvent confondu au sein du Web 2.0 avec d’autres « médias - dits - sociaux ». Il convient par ailleurs de se méfi er de la propension à recycler les théories marketing classiques sans les interroger, de la tendance à confondre usages potentiels et usages effectifs et du manque de recul face aux processus complexes de formation des usages qui nécessitent de se pencher aussi bien sur les contraintes techniques des dispositifs que sur les pratiques qui s’y développent. Cet article appréhende les réseaux sociaux numériques en suivant ces lignes directrices. Il permet d’aboutir à une défi nition et une méthodologie de recherche pour les réseaux sociaux numériques centrées sur les usages et les activités ordinaires. Social Networks Sites: From Promotional Messages to the Defi nition of a Subject and a Research Methodology Abstract The increase in popularity and number of users of social networks sites such as Facebook, Hi5 or MySpace has raised numerous questions. Companies are debating the commercial opportunities and questioning the promotional messages of these sites. Researchers, particularly those in human and social sciences, are facing a lack of clear defi nition for this new topic, which is often confused with other so-called “social media”. The tendency to re-circulate classic marketing theory without questioning its relevance must be avoided, as well as the tendency to confuse potential and effective uses, and the lack of objectivity which prevents a comprehensive understanding of the complex process involved in marrying the technical characteristics of the facility to the creative skills of the users. This article aims to tackle these questions and, in so doing, defi ne social network sites more precisely as well as propose a methodology focused on the uses and daily practices of internet users. 1. Investiguer le Web 2.0 et les réseaux sociaux numériques Le web 2.0 constitue un phénomène récent qui interroge la communauté scientifi que mais aus- si les entreprises et les hommes de marketing en particulier. Sa défi nition même en fait un objet diffi cile à appréhender. L’expression Web 2.0 renvoie de l’aveu même de Tim O’Reilly (2005) à une série de principes plutôt qu’à un standard. Il regroupe ses caractéristiques de la manière sui- vante : le Web en tant que plateforme de services facilement intégrables, l’intelligence collective, l’importance des données utilisateurs, des mises à jour de plus en plus régulières, des modèles de programmation légers, l’extension des outils qui interagissent avec les applications Web, l’enri- chissement des interfaces utilisateurs. Les sites qualifi és de Web 2.0 doivent respecter une pro- portion suffi sante de ces principes. Sont ainsi majoritairement évoqués les blogs, les plateformes de travail collaboratif, les réseaux sociaux numériques, les mashup, la folksonomy ou encore les * Thomas Stenger & Alexandre Coutant Laboratoire CEREGE IAE de l’Université de Poitiers et Centre Européen des Produits de l’Enfant 186 rue de Bordeaux 16 000 Angoulême, France stenger@iae.univ-poitiers.fr – coutant.alexandre@gmail.com 210 Digg-like. Ce vaste ensemble s’avère donc, dans sa défi nition même, assez diffi cile à cerner1, ce qui n’empêche pas les entreprises de s’y intéresser puisque son essor accompagne un vaste mou- vement d’accès à Internet dans le monde entier2. Plus encore, les instituts de sondage publient ré- gulièrement des résultats laissant entendre, dans les pays les plus riches, une hausse du volume d’échanges commerciaux en ligne et de l’intérêt des internautes pour la présence des marques en ligne3. Ainsi, selon Médiamétrie, une écrasante majorité (8 sur 10) des internautes français utilise Internet pour préparer ses achats. Par ailleurs, six internautes sur dix effectuent leurs achats direc- tement en ligne, ce qui équivaut à un français sur trois (36%). Quasiment tous les cyberacheteurs (97%) se déclarent satisfaits par ce mode de consommation. Toutes les tranches d’âge témoignent de cette hausse de l’utilisation d’Internet pour les achats. Au sein de ce phénomène se distingue un ensemble de sites qualifi és de « médias sociaux » par les professionnels du e-marketing. Si ceux-ci sont présentés comme une révolution dans la relation entretenue avec les consommateurs et comme un enjeu représentant opportunités et risques pour les entreprises, force est de constater que leur défi nition demeure aussi fl oue que le Web 2.0 dont ils font partie. Le terme constitue en soi un pléonasme puisque si ces médias sont sociaux, nous pouvons nous interroger sur ce que se- raient des médias non sociaux. En tout état de cause, la fl oraison de termes rend diffi cile l’appré- hension du phénomène : web/médias sociaux, web/médias participatifs, web/médias communau- taires, web/médias 2.0 (parfois 3.0 et ainsi de suite), réseaux sociaux numériques, communautés en ligne, communautés virtuelles, crowdsourcing, folksonomy, bookmarking social. On se trouve ainsi confronté à une nébuleuse, les médias sociaux constituant ce qu’Edgar Morin (1991) appelle un « macro-concept », c’est-à-dire une notion centrale qui en utilise d’autres pour être expliquée et précisée. Or, si ces derniers possèdent l’avantage de permettre d’appréhender un phénomène complexe dans son ensemble, ils se révèlent peu opérationnalisables, voir nocifs à la bonne iden- tifi cation des différents éléments les constituant. Du point de vue théorique, l’emploi indifférencié des notions de réseau social et de commu- nauté est problématique. Souvent, l’association des deux termes, « réseaux communautaires » est même employée, ce qui rajoute encore à la confusion. Un réseau social serait-il assimilable à une communauté ? Cette situation s’avère d’autant plus préoccupante que la fi n de l’année 2008 et l’année 2009 ont vu s’intensifi er les annonces de développement de nouvelles plateformes quali- fi ées de sociales où les notions de réseau social et de communauté se trouvent associées comme des synonymes. Il apparaît donc, en réponse à notre question, qu’il soit implicitement accepté que les communautés en ligne et les réseaux sociaux numériques constituent des construits sociaux assimilables. Les pratiques qui s’y développent ou liens qui s’y créent s’avèreraient donc les mê- mes. Au sein de ces « médias sociaux », le sous-ensemble des réseaux sociaux numériques (RSN) attire particulièrement l’attention. La progression de leur audience justifi e effectivement cet inté- rêt (encadré 1) mais le même manque de défi nition aboutit à l’impossibilité de distinguer nette- ment dans tous ces discours ce qui les distingue des autres médias sociaux. 1 Une catégorisation d’autant plus diffi cile que ces dispositifs reposent eux-mêmes sur des technologies identiques (Ajax, architectures de services Web, fl ux RSS/Atom, microformats) et que le principe même du Web 2.0 veut que chaque outil soit facilement intégrable aux autres. 2 http://www.internetworldstats.com/stats.htm 3 Nous fondons notre développement en partie sur une revue Web effectuée à partir d’une page Netvibes accessible à l’adresse suivante : http://www.netvibes.com/etudereseauxsociauxnumeriques. Créé spécialement à cet effet, cet outil recueille les actualités de nombreux blogs et sites Web traitant des nouveaux médias et des réseaux sociaux numériques en particulier. Les articles employés dans cet article sont regroupés en annexe. 211 Selon l’Institut Nielsen, les deux tiers des internautes dans le monde ont créé un profil sur un site de réseau social numérique ou de blogs (mars 2009). En Europe, ces réseaux attirent déjà plus de 41,7 millions d’utilisateurs (http://www.lemondedublog.com/2009/02/facebook- figaro.php) et les internautes français ne sont pas en reste puisque 64% d’entre eux ont déjà visité un de ces sites web soit 21,7 millions de visiteurs uniques (Ipsos, décembre 2008). Parmi ces derniers, 43% ont un profil et les trois quarts ont un profil sur au moins deux plateformes socionumériques. Selon l’Institut Nielsen toujours, 17% du temps passé en ligne est consacré aux réseaux sociaux (août 2009). Et Facebook aime rappeler qu’avec plus de 325 millions de profils actifs (dernier chiffre publié le 8 novembre 2009), s’il était un pays, il serait le 4e plus important de la planète – devant le Brésil, la Russie et le Japon. La moitié des utilisateurs accèderait à leur profil quotidiennement. Encadré 1. Le succès populaire des Réseaux Sociaux Numériques : quelques chiffres Ces premières remarques sous-entendent que nous nous trouvons face à un vaste phénomène, mais que celui-ci constitue encore une énigme pour les observateurs : que pouvons nous y trou- ver ? Qu’y font les internautes ? Des questions fondamentales que nombre des commentateurs des « médias sociaux » n’ont visiblement pas encore pris le soin de traiter. Cet article commence par analyser les discours tenus par les consultants en webmarketing pour tenter d’en comprendre les stratégies et d’y déceler les éléments permettant de préciser ce qui dis- tingue les RSN des autres dispositifs technologiques regroupés sous l’appellation « médias uploads/Marketing/ 97330-article-text-200034-1-10-20171023.pdf
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- Publié le Jul 18, 2021
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