Collectif Annales de Phénoménologie 2002 EurOPhilosophie Association pour la pr
Collectif Annales de Phénoménologie 2002 EurOPhilosophie Association pour la promotion de la Phénoménologie Annales de Phénoménologie Directeur de la publication : Marc RICHIR Secrétaire de Rédaction et abonnements : Jean-François PESTUREAU 37 rue Godot de Mauroy F 75009 Paris (France) e-mail : franzi@club-internet.fr Comité scientifique : Bernard BESNIER, Gérard BORDÉ, Roland BREEUR, Jean-Toussaint DESANTI, Vincent GÉRARD, Raymond KAS SIS, Pierre KERSZBERG, Albino LANCIANI, Patrice LORAUX, An tonino MAZZÙ, Yasuhiko MURAKAMI, Jean-François PESTUREAU, Guy PETITDEMANGE, Alexander SCHNELL, László TENGELYI, Jür gen TRINKS, Guy VAN KERCKHOVEN Revue éditée par l’Association pour la promotion de la phénoménologie. Siège social et secrétariat : Gérard BORDÉ 20, Rue de l’Église F 60000 Beauvais (France) ) ISSN : attribution en cours ISBN : attribution en cours Prix de vente au numéro : 20 ¤ Abonnement pour deux numéros : France et Union Européenne (frais d’envoi inclus) 40 ¤ Hors Union Européenne (frais d’envoi inclus) 45 ¤ Annales de Phénoménologie 2002 SOMMAIRE Eléments pour une phénoménologie de la musique 7 PIERRE KERSZBERG Eléments pour une critique phénoménologique des sciences cognitives 33 ALBINO LANCIANI La mathesis universalis est-elle l’ontologie formelle? 57 VINCENT GÉRARD Le développement de l’idée de psychologie chez W. Dilthey 95 GUY VAN KERCKHOVEN Sartre et le souvenir d’être 131 ROLAND BREEUR Narrativité, temporalité et événement dans la pensée mythique 149 MARC RICHIR ∗ ∗ ∗ Lettre à Stumpf 169 EDMUND HUSSERL Sur la résolution du schème contenu d’appréhension – appréhension 177 EDMUND HUSSERL Eléments pour une phénoménologie de la musique PIERRE KERSZBERG 1. LA MUSIQUE : NÉCESSITÉ D’UNE APPROCHE PHÉNOMÉNOLOGIQUE Toute la musique occidentale est empreinte de la tradition pythagoricienne. Selon cette tradition, la science des sons ne relève pas vraiment de l’ouïe, mais du travail de discrimination de l’esprit. Il faut négliger les phénomènes so nores pour n’appréhender que les nombres qui président à la constitution des intervalles. La raison en est que la musique en principe la plus parfaite et la plus sublime, celle qui est produite par les mouvements des corps célestes, est inaudible. On ne peut que poser le concept d’harmonie pour saisir l’organi sation rationnelle de ces mouvements, mais cette harmonie ne suscite aucune écoute sensible. Or, cette manière de voir les choses surmonte par avance un dilemme fondamental au cœur de la musique : la mathématique est certes une condition de possibilité de la production harmonieuse des sons, mais celle-ci s’efface dans le produit fini. Il n’y a pas de raison mathématique pour laquelle telle ou telle musique plaît ou déplaît, même si cette musique est conforme à un ordre mathématique organisé selon des règles bien déterminées. Etrange hiatus entre la raison et l’ordre, tout aussi insondable qu’incontournable. Toute musique consiste à reprendre la position pythagoricienne depuis son point de départ, pour aménager un espace de pensée et d’expérience où la séparation n’est plus aussi radicale. Deux directions, pas toujours convergentes, ont ac compagné l’avènement de la musique moderne : un travail intellectuel sur la genèse de l’harmonie et du rythme, d’une part ; un élargissement des accords pour satisfaire une sensibilité de plus en plus exigeante et curieuse (inclusion progressive de la dissonance dans la consonance), d’autre part. C’est ainsi que la reprise du point de départ pythagoricien à l’époque moderne renoue avec une question qui dépasse finalement le domaine de l’expérience sonore : c’est la question de savoir comment articuler le passage de la quantité à la qualité. Hegel fait remarquer que les moments qualitatifs du réel surgissent dia lectiquement de la quantité par une ligne nodale. Il en va de la sorte dans la variation progressive des proportions d’un mélange chimique (loi de Dalton), qui aboutit à des noeuds d’où font irruption des produits doués de qualités spécifiques, qu’on ne trouvait pas dans les produits de départ. Or, les combi 7 8 PIERRE KERSZBERG naisons chimiques ne sont pas le seul domaine de la qualité où la différence avec la quantité provient d’un saut. L’autre exemple est le son musical 1. Dans le système de tonalité du tempérament égal, si l’on s’en tient à la progression des notes à partir d’une note fondamentale, chaque son est séparé du son adja cent par un quantum qui se définit toujours selon un rapport identique, quelle que soit sa place sur l’échelle des tons. Progressant de proche en proche d’un son adjacent à l’autre, les notes deviennent toujours peu à peu autres, comme dans le cas d’une progression arithmétique. Très tôt l’expérience de cette pro gression au sens phénoménologique pourrait en conclure que la série peut être interrompue, que la conscience de « l’ainsi de suite » s’installe rapidement sur le sol de cette expérience indifférente à la différence. En quoi elle se four voie. Au bout d’un certain temps surgit tout à coup, par surprise, un retour vers la note fondamentale que rien dans l’expérience de la note précédente ne préparait : c’est l’accord musical, dont l’exemple le plus simple est donné par l’octave. A partir de cette surprise d’un genre très particulier (le retour du déjà entendu) s’élabore toute une science musicale où sont réglés d’autres accords, moins évidents, mais tous fondés sur l’arithmétique particulière à ces lignes nodales. Regardant la progression des notes telles qu’elles se suivent les unes après les autres, Hegel nous a fait comprendre que le surgissement du phénomène de l’accord requiert une durée propre à l’attention qui déjoue l’impatience du concept. Mais, les accords étant constitués, on étudie la façon arithmétique dont ils évoluent à partir du plus simple (l’octave). Or, le concept reprend ici le dessus, et le retour de la priorité du concept sur l’attention est précisément à la base de la science musicale de Pythagore. D’après la tradition, Pythagore aurait été le premier à remarquer cette loi générale, que deux notes jouées en semble sonnent harmonieusement lorsque le rapport de leurs fréquences est exprimable au moyen de nombres petits. Plus le nombre est petit, meilleure est la consonance ; plus nous nous éloignons des nombres petits (en pratique, les nombres compris entre 1 et 4), plus nous entrons dans le domaine du discord. Pourquoi la consonance est-elle associée aux rapports entre petits nombres? A ce jour, bien que plusieurs tentatives aient été faites depuis Pythagore, la science acoustique ne peut répondre d’une manière satisfaisante ; l’origine physique et physiologique du plaisir que nous ressentons à l’écoute d’un son harmonieux reste un mystère. A l’époque moderne, l’une des tentatives les plus remarquables pour don ner une réponse cohérente à ce problème a été faite par le mathématicien Euler en 1738. L’explication est d’ordre psychologique, mais elle retrouve la pro blématique pythagoricienne dans toute son ampleur. En effet, la prémisse du raisonnement d’Euler est que l’esprit prend naturellement plaisir à contempler l’ordre et la loi, ou même à y participer d’une certaine manière. Euler en tire 1. G.W.F. Hegel, Théorie de la mesure, trad. A. Doz, Paris, Presses Universitaires de France, 1970, p. 81. 9 ELÉMENTS POUR UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA MUSIQUE la conséquence que l’esprit prendra également plaisir à découvrir l’ordre et la loi dans la nature. Or, plus petits sont les nombres qui sont requis pour expri mer le rapport de deux fréquences, plus il est facile de découvrir cet ordre et cette loi, et d’autant plus plaisant sera l’audition des sons en question. Autre ment dit, Euler va tenter de déduire le concept d’accord harmonieux à partir de la facilité de l’attention qu’exige sa découverte. Le processus attentionnel par lequel est découvert ce qui est musicalement plaisant est réfléchi dans la constitution de l’objet qui est censé causer ce plaisir. De la sorte, Euler est conduit à proposer une mesure quantitative bien définie pour la dissonance d’un accord. Il procède comme suit. Pour exprimer le rapport de fréquence de l’accord en question au moyen de la règle des plus petits nombres possibles, il faut chercher le plus petit commun dénominateur à tous ces nombres, de telle sorte qu’ils se laissent diviser exactement ; ce nombre donnerait une me sure de la dissonance d’un accord. Mais la tentative aboutit à un échec complet. Ainsi, le calcul conduit à attribuer la même mesure de dissonance à des accords que l’expérience immédiate sépare facilement. Autre conséquence : si une note se trouve désaccordée d’une manière infinitésimale, sa mesure de dissonance saute instantanément à l’infini, ce qui est absurde. On pourrait multiplier les exemples qui prouvent que tout le calcul n’arrive pas à coller aux faits les plus évidents de l’expérience. A cet égard, la théorie d’Euler ne fait que confirmer l’impossibilité d’un système de sons absolument purs et consonants : elle se heurte à ce fait fondamental de l’expérience, à savoir que les nombres par les quels les sons peuvent être exprimés ne sont pas rationnellement déductibles les uns des autres. Une leçon fondamentale des recherches acoustiques est donc négative. La théorie n’arrive pas à saisir la condition de possibilité de la musique en tant qu’elle fait sens pour un sujet vivant: elle explique seulement la raison pour laquelle nous trouvons douloureux le simple bruit ou le cri perçant. Sur cette uploads/Marketing/ annales-phenomenologie-2002.pdf
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