Lucas Gottero – Séance n°1 Commentaire d’arrêt : Civ., 3 e , 23 juin 2021, n°

Lucas Gottero – Séance n°1 Commentaire d’arrêt : Civ., 3 e , 23 juin 2021, n° 17. 554 : L’une des matrices de la matière contractuelle est l’engagement des parties. Et le jurisconsulte Antoine Loysel recensera ce principe en une maxime : « On lie les bœufs par les cornes, et les hommes par les paroles » (Institutes coutumières, Livre III, Titre I, Antoine Loysel). Ce principe fondamental du droit des contrats se retrouvera au cœur d’une controverse sur la notion de la promesse unilatérale de vente, dans une affaire de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 23 juin 2021. Dans le litige en cause, Monsieur B et Madame K avaient consenti à procéder à une promesse unilatérale de vente d’un immeuble en copropriété et de la moitié de la cour indivise le 1er avril 1999, envers Monsieur et Madame R. Les conditions établies énonçaient que la levée de l’option pourrait s’établir à la suite du décès de la précédente propriétaire, qui s’était donc attribué un droit d’habitation et d’usage. Mais, à la suite de son divorce, Madame K devint attributaire de cette promesse et se rétracta de la promesse le 17 février 2010. Cependant, après le décès de la propriétaire, Monsieur et Madame R levèrent l’option le 8 janvier 2011 rn dépit de la rétractation de Madame K. Face à cette rétractation, ils l’assignèrent en vue de réaliser la vente promise auparavant, et donc réaliser l’exécution forcée de la promesse unilatérale de vente. Après un premier renvoi en cassation, la Cour d’appel de Lyon, le 19 mai 2020 déclara que la vente était parfaite au motif que les délais avaient été respectés. Ce faisant, Madame K forma un pourvoi en cassation pour contester le caractère parfait de la vente au moyen que la rencontre des consentements ne pouvait se rencontrer si elle s’était rétractée antérieurement à la levée d’option de la promesse de vente, en vertu du droit applicable avant la réforme du 10 février 2016. Ce faisant, la Cour de cassation a dû répondre à la question de savoir si la levée d’option peut s’appliquer si elle intervient postérieurement à la rétractation du promettant ; et si une exécution forcée en nature de la promesse unilatérale de vente est possible alors même qu’elle fut établie avant la réforme du 10 février 2016. A cette question, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 23 juin 2021, répondit en se fixant sur l’article 1142 du Code civil que : « en application de l'article 1142 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence retient la faculté pour toute partie contractante, quelle que soit la nature de son obligation, de poursuivre l'exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible (1re Civ., 16 janvier 2007, pourvoi n° 06-13.983, Bull. 2007, I, n° 19 )11. Il convient dès lors d'apprécier différemment la portée juridique de l'engagement du promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente et de retenir qu'il s'oblige définitivement à vendre dès la conclusion de l'avant-contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulation contraire.12. La cour d'appel a relevé que, dans l'acte du 1er avril 1999, Mme [K] avait donné son consentement à la vente sans restriction et que la levée de l'option par les bénéficiaires était intervenue dans les délais convenus. 13. Ayant retenu à bon droit que la rétractation du promettant ne constituait pas une circonstance propre à empêcher la formation de la vente, 1 Lucas Gottero – Séance n°1 elle en a exactement déduit que, les consentements des parties s'étant rencontrés lors de la levée de l'option par les bénéficiaires, la vente était parfaite. 14. Le moyen n'est donc pas fondé.PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ». Si cette solution de la troisème chambre civile de la Cour de cassation va opérer un profond revirement de jurisprudence sur la nature juridique de la promesse unilatérale de vente (I) ; Il va également consacrer la possible exécution forcée de la vente (II). I – Un revirement de jurisprudence sur la nature juridique de la promesse unilatérale de vente Par cet arrêt, la Cour de cassation va mettre en lumière la nature juridique ainsi que la portée de la promesse unilatérale de vente. En effet, la jurisprudence civile s’est montrée parfois floue ou du moins incohérente sur le sujet. C’est donc par cet arrêt que la troisième chambre civile de la Cour de cassation va mettre fin aux émulsions de la doctrine et enfin clarifier sa position sur la promesse unilatérale de vente. Elle mettra en exergue une promesse de vente associée à une obligation de faire (A) ; puis fera la démonstration d’une certaine homogénéisation entre la promesse de vente et le contrat de vente. A- La mise en exergue d’une promesse de vente associée à une obligation de faire La promesse unilatérale de vente a fait l’objet de plusieurs hésitations jurisprudentielles par la Cour de cassation. Si la Haute juridiction s’est montrée claire sur son hostilité à l’égard de l’exécution forcée en nature de la vente depuis quelques décennies, son interprétation sur la nature juridique de la promesse de vente et en particulier de la levée d’option, reste floue. Cependant cet arrêt aura le mérite de trancher sur cette question, même si une certaine partie de la doctrine reste dubitative sur cette interprétation. La Cour de cassation énonce dans cet arrêt qu’elle « jugeait jusqu'à présent, que, tant que les bénéficiaires n'avaient pas déclaré acquérir, l'obligation du promettant ne constituait qu'une obligation de faire. ». En statuant ainsi sur la nature de la promesse unilatérale de vente, la Cour explique que cette notion juridique est régie par les anciens articles 1101 et 1134 du Code civil. Par ces articles, la Cour entend que la promesse unilatérale de vente serait régie par les dispositions générales de l’effet des obligations, à savoir que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (article 1134 ancien du Code civil). Par voie de conséquence, le promettant serait tenu d’une obligation de faire à l’égard du bénéficiaire auquel il aurait consenti de lui vendre son bien. Jusque-là le développement de la Cour de cassation semble édicter parfaitement la situation dans laquelle se sont engagées les parties. Cependant, il semble que lorsqu’on observe plus attentivement les relations qui régissent le promettant et le bénéficiaire, ainsi que la nature même de la promesse unilatérale de vente, 2 Lucas Gottero – Séance n°1 cette qualification soit une peu trop rapide. En effet, certains membres de la doctrine comme Léa Molina, vont faire état d’une nature juridique tout à fait différente de la promesse unilatérale de vente. Celle-ci énoncera dans un article qu’« On sait depuis la thèse d'Ibrahim Najjar que le droit d'option se caractérise comme un droit potestatif. Ainsi, ni le promettant ni le bénéficiaire n'est créancier d'une prestation en vertu de la promesse unilatérale. L'épure de ce contrat est même dépourvue de tout contenu obligationnel » (L’unité contractuelle de la promesse et de la vente ; Recueuil Dalloz 2021 p.1574). En effet, il semble qu’à regarder de plus près la subtsance de la promesse unilatérale de vente, le promettant n’est pas titulaire d’une obligation de faire, ou du moins, il est tenu d’une obligation bien différente qui fait de la promesse unilatérale de vente, un contrat propre à lui-même. Dans une convention, le contractant est tenu d’une obligation, donc il joue un rôle actif dans la réalisation du contrat. Dans le cas de la prommesse de vente, le promettant joue un rôle diamétralement opposé, un rôle tout à fait passif. En effet, celui-ci dépend entièrement de la volonté du bénéficiaire de la promesse, qui décide de l’avenir de la vente, lui et lui seul. C’est donc sur ce point précis que la Cour de cassation semble avoir eu recours à une qualification bien trop large de la promesse unilatérale de vente, en lui confiant la nature d’une convention lambda et en insérant le promettant dans le rôle d’une personne titulaire d’une prestation. Ceci posera également un problème au niveau de la rétractation du promettant. En effet, s’il est titulaire d’une obligation de faire, alors celui-ci devrait pouvoir s’en extirper selon la disposition de l’article 1142 ancien du Code civil, sur lequel la Cour de cassation fonde son analyse. Or, avec son revirement de jurisprudence, à savoir l’impossibilité pour le promettant de se rétracter de la promesse unilatérale de vente, la Cour semble piocher aléatoirement dans le Code civil que ce qui lui intéresse sans prendre en compte la réalité de la nature de ma promesse de vente. C’est donc en ce sens que le raisonnement de la Cour, même s’il semble pertinent, comporte des lacunes au niveau de son explication de son revirement et devient capillotracté. Par ailleurs, l’identification de la nature juridique de la promesse unilatérale de vente soulèvera d’autres changements assez notoires. En effet, par ce revirement, la Cour de cassation établira la consécration uploads/Marketing/ commentaire-puv.pdf

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  • Publié le Mai 11, 2021
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