FACULTÉ DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE LIMOGES, 2004-05 IREM et IUFM DU LIMOUSIN

FACULTÉ DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE LIMOGES, 2004-05 IREM et IUFM DU LIMOUSIN Formation continue second degré Mathématiques actuelles Le théorème de Fermat pour p régulier, p ̸ | xyz Stéphane Vinatier Le dernier théorème de Fermat a été démontré par WILES en 1994, après plus de trois siècles d’efforts des mathématiciens théoriciens des nombres. Il s’agit de mon- trer que si n est un entier supérieur ou égal à 3, l’équation : xn + yn = zn n’a pas de solution entière (x ∈Z, y ∈Z et z ∈Z) non triviale (xyz ̸= 0). Ce résul- tat n’a pas de conséquences mathématiques notables ; cependant, les recherches qui ont finalement abouti à sa résolution ont été sources de progrès considérables dans plusieurs domaines des mathématiques. FERMAT (1601-1665) était lui-même en mesure de démontrer son théorème pour quelques petites valeurs de n, mais il ne pouvait soupçonner l’existence d’une dif- ficulté cruciale pour n > 19 : l’anneau dans lequel se font les calculs n’est alors plus principal. A son époque, les notions de groupe et d’anneau sont inconnues, le concept d’anneau non principal est à fortiori complètement hors d’atteinte. Une étape importante vers la résolution a été franchie lorsque le mathématicien allemand KUMMER a introduit en 1846 la notion d’idéaux dans le but de remédier (partiellement) à cette difficulté : la propriété d’unique factorisation en produit d’ir- réductibles n’est pas vraie pour les éléments de l’anneau quand celui-ci n’est pas prin- cipal, mais elle est vraie pour les idéaux des anneaux qui interviennent ici. Nous allons voir comment cette notion permet de démontrer le premier cas (p ̸ | xyz) du théorème de Fermat pour un nombre premier n = p régulier (nous verrons plus loin ce que cela signifie, c’est une hypothèse qui « adoucit » le fait que l’anneau ne soit pas principal). 1 Echauffement L’équation de Fermat pour n = 2 a des solutions non triviales : on se ramène à (x/z)2 + (y/z)2 = 1, donc à chercher les points du cercle trigonométrique à co- ordonnées rationnelles (c’est-à-dire dans Q). On paramétrise le cercle en utilisant cosθ = 1−t 2 1+t 2 et sinθ = 2t 1+t 2, où t = tan(θ/2) ; les valeurs rationnelles de t fournissent les solutions. 1 Dès lors, montrer que l’équation de Fermat n’a pas de solution pour n ≥3 se ramène à montrer qu’elle n’en a pas pour n = 4 et pour tout nombre premier impair p. En effet, xab + yab = zab ⇒ (xa)b + (ya)b = (za)b , et tout entier supérieur à 3 est divisible par 4 ou par un premier impair. Enfin, on se ramène aisément à montrer qu’il n’y a pas de solutions (x,y, z) avec x, y et z pre- miers entre eux. FERMAT a traité le cas n = 4 à l’aide du principe de la « descente infinie » dont il est l’inventeur. Nous fixons désormais un premier impair p et consi- dérons l’équation : x p + y p = z p , x,y, z ∈Z premiers entre eux. Le raisonnement dans le premier cas du théorème (p ̸ | xyz) est très simple pour p = 3 : Exercice 1.1 Montrer que 3 ̸ | x entraîne que x3 ≡±1 mod 9 ; faire de même pour y3 et z3, en déduire que x3 + y3 = z3 est impossible si 3 ̸ | xyz. La même méthode s’applique pour p = 5 en considérant des congruences modulo 25. Par contre, ça ne marche plus pour 7 : 17 +307 ≡317 mod 49, et on peut montrer qu’il y a des solutions modulo toutes les puissances de 7. Le second cas du théorème pour p = 3 (3| xyz) est une bonne introduction aux méthodes qui serviront dans le premier cas pour p ≥5 régulier. Nous commençons donc par celui-ci. 2 Le second cas pour p = 3 Ici p = 3 et on suppose qu’il existe une solution (x,y, z) de l’équation de Fermat avec x,y, z ∈Z premiers entre eux et 3| xyz. En écrivant x3 + y3 + (−z)3 = 0 , on voit que, quitte à permuter x, y et z, on peut supposer que 3 divise z, si bien que 3 ne divise pas x et y. On revient à l’équation sous la forme x3 + y3 = z3 ; puisqu’il est divisible par 3, l’idée « naturelle » est de factoriser le membre de gauche. Pour cela, on introduit une racine cubique de l’unité, que l’on note j : c’est l’une des solutions non réelles de l’équation X3 = 1, donc une solution de X2 + X + 1 = 0. Exercice 2.1 Vérifier que x3 + y3 = (x + y)(x + j y)(x + j 2y). On note que 1 + j + j 2 = 0, si bien que j 2 = −1 −j ; comme j 3 = 1, toutes les puissances positives de j s’écrivent a + b j avec a ∈Z et b ∈Z. 2 2.1 L’anneau Z[j] On est ainsi amené à travailler avec des nombres qui se trouvent dans l’anneau : Z[j] = {a + b j, a ∈Z, b ∈Z} , qu’on peut voir comme un sous-anneau de C, c’est-à-dire que l’addition et la multi- plication s’y font de la manière habituelle. Cet anneau est principal, ce qui entraîne que tout élément s’écrit de manière unique produit d’une unité par des irréductibles. Définition 2.2 Un anneau A est dit intègre si, pour a, b ∈A, ab = 0 entraîne a = 0 ou b = 0. Si tel est le cas, un élément a ∈A est une unité s’il admet un inverse b ∈A : ab = 1 ; un élément a ∈A est irréductible si a = bc avec b ∈A et c ∈A entraîne b est une unité ou c est une unité. L’ensemble des unités de A est noté A×. Exemple 2.3 L’anneau Z est intègre. Ses unités sont 1 et −1 ; ses irréductibles sont les nombres premiers (et leurs opposés). Tout nombre entier s’écrit de manière unique ±1 multiplié par des nombres premiers positifs : 1728 = 26 × 33. De même, Z[j] est intègre, car c’est un sous-anneau de C. En plus de ±1, il admet j et j 2 (et leurs opposés) comme unités, puisque j × j 2 = 1. Ce sont les seules : Z[j]× = {±1, ±j, ±j 2} . Pour prouver cette assertion, on introduit l’application norme : N : Z[j] −→ Z a + b j 7−→ (a + b j)(a + b j 2) On note que comme j et j 2 sont conjugués pour la conjugaison complexe ({j, j 2} = {e2iπ/3,e−2iπ/3}), la norme est égale au carré du module : N(a + b j) = (a + b j)(a + b j) = |a + b j|2 . Exercice 2.4 Etablir l’égalité : N(a+b j) = (a+b)2−3ab. En déduire que N(a+b j) = 1 si et seulement si a + b j ∈{±1, ±j, ±j 2}. L’assertion sur Z[j]× découle maintenant de la proposition suivante. Proposition 2.5 Soit u ∈Z[j], alors u ∈Z[j]× si et seulement si N(u) = 1. Preuve. Supposons que u soit une unité, alors il existe v ∈Z[j] tel que uv = 1, d’où N(uv) = N(1), c’est-à-dire N(u)N(v) = 1. Il s’ensuit que N(u) = ±1, puis N(u) = 1 car la norme est positive. Supposons que N(u) = 1, alors uu = 1, donc u est une unité. 3 La norme donne aussi un critère pour repérer les irréductibles de Z[j] : si N(s) est premier, alors s est irréductible (exercice). Ainsi, 1 −j est irréductible : N(1 −j) = (1 −j)(1 −j 2) = 3 . Notons au passage qu’on obtient la décomposition de 3 en produit d’une unité par des irréductibles : 3 = (1 −j)(1 −j 2) = j 2(1 −j) × j(1 −j 2) = −j 2(1 −j)2 . Par contre, la réciproque n’est pas vraie : 5 est irréductible dans Z[j], mais N(5) = 5 × 5 = 25 n’est pas premier. 2.2 La descente infinie On note λ = 1 −j et, pour s ∈Z[j], on note vλ(s) l’exposant de λ dans la décomposition de s en produit d’une unité par des irréductibles. Par exemple : vλ(λ) = 1 , vλ(1 −j 2) = 1 , vλ(3) = 2 , vλ(j) = 0 . De plus, vλ(z) ≥2 car 3 divise z. Le principe de la « descente infinie » est le suivant : à partir de notre solution (x,y, z) de l’équation de Fermat, on va construire une solution (x′,y′, z′) de : (x′)3 + (y′)3 = u′(z′)3 , x′,y′, z′ ∈Z[j] premiers entre eux, vλ(x′) = vλ(y′) = 0 , vλ(z′) ≥1 , (1) où u′ ∈Z[j]× et vλ(z′) = vλ(z) −1 . Pour ce faire, on utilisera uniquement le fait que (x,y, z) est solution de : x3 + y3 = uploads/Marketing/ le-theoreme-de-fermat.pdf

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  • Publié le Aoû 28, 2021
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