Décisions Marketing N°68 Octobre-Décembre 2012 – 25 Publicité LES CONSOMMATEURS
Décisions Marketing N°68 Octobre-Décembre 2012 – 25 Publicité LES CONSOMMATEURS RÉSISTANTS À LA PUBLICITÉ Leurs principales actions et motivations Patrice Cottet, Jean-Marc Ferrandi et Marie-Christine Lichtlé DOI : 10.7193/DM.068.25.36 – URL : http://dx.doi.org/10.7193/DM.068.25.36 Résumé Abstract Cet article a plusieurs objectifs : identifier des actions re- présentatives de la résistance à la publicité et leurs moti- vations sous-jacentes ; vérifier si cette résistance se traduit par des comportements particuliers. Pour atteindre ces objectifs, des analyses typologiques et factorielles ont été menées. Elles mettent en évidence la diversité des profils de résistants selon leur degré de résistance et leurs moti- vations : les consommateurs les plus résistants préfèrent les publicités valorisant les caractéristiques des produits, au contraire des non-résistants, qui préfèrent les publicités moins réalistes. En reliant ces profils aux critères d’achat et aux sources d’informations utilisées par les consommateurs résistants, des implications managériales sont suggérées pour s’adapter à ces comportements. Par exemple, le choix de modes de communication perçus comme moins disso- nants pourrait être un axe possible. Mots-clés : résistance au marketing, résistance à la publi- cité, motivations, typologie. THE RESISTANT TOWARD ADVERTISING CONSU- MERS: THEIR MAIN ACTIONS AND MOTIVATIONS This paper has several aims: firstly to identify the repre- sentative actions of resistance toward advertising and their underlying motivations; secondly to check if this resistance results in particular behaviors. In order to reach these objectives, cluster and factorial analyses were conducted. They highlight the diversity of resistant profiles according to their resistant level and their motives: the most resistant consumers prefer ads which detail products characteristics; non-resistants prefer less realistic ads. By linking these pro- files to the buying criteria and the information’s sources used by resistant consumers managerial implications are proposed to face their behaviours. For example, the choice of communication modes perceived as less discordant could be a solution. Key Words: resistance to marketing, resistance to adverti- sing, motivations, cluster analysis. Patrice Cottet, Maître de Conférences, REGARDS, Université de Reims/IUT de Troyes. Contact : patrice.cottet@univ-reims.fr Jean-Marc Ferrandi, Professeur, LUNAM Université, ONIRIS, LARGECIA, Nantes. Contact : jean-marc.ferrandi@oniris-nantes.fr Marie-Christine Lichtlé, Professeur, Université de Montpellier 1, Laboratoire MRM, Faculté d’Administration économique et sociale. Contact : marie-christine.lichtle@univ-montp1.fr 26 – Patrice COTTET, Jean-Marc FERRANDI et Marie-Christine LICHTLé Les consommateurs résistants à la publicité S elon la dernière étude « Publicité et Société 2011 » de l’agence Australie et de TNS Sofres, un tiers des Français s’oppose au modèle consom- matoire et est publiphobe. De même, ils sont 81% à juger la publicité envahissante. La relation entre les marques et le consommateur ainsi que la perception du marketing et de la publicité se dégradent. Face à l’amplification de ces tendances, les entreprises sont à la recherche de nouvelles méthodes, d’une part pour connaître les besoins de ce consommateur mieux infor- mé, plus exigeant, capable de décoder les stratégies et les discours publicitaires et, d’autre part, pour pouvoir adopter des pratiques publicitaires plus performantes. Sur le plan de la recherche académique, les phéno- mènes de résistance ont commencé à être étudiés à partir de 1993. Peñaloza et Price (15) ont alors mon- tré le développement de formes de défiance, d’opposi- tion voire de rébellion. Désormais, le concept de résis- tance constitue un axe de recherche formalisé (17) et couvre de multiples domaines (vente par téléphone, relation à la marque...). L’ouvrage coordonné par Roux en 2009 (18) en est une illustration. Toutefois, peu de recherches ont caractérisé les différentes actions qui traduisent cette résistance, ni identifié ses facteurs explicatifs. De même, les travaux consacrés à la résis- tance à la publicité restent embryonnaires. Or, par ses dimensions symbolique (les mouvements anti-pub sont un exemple), stratégique (la création de l’imaginaire de la marque) et économique (les investissements publici- taires restent une charge significative dans la structure des coûts), la publicité cristallise de nombreux enjeux qui conditionnent la réussite de la démarche marketing. Ainsi, cet article propose d’étudier la résistance à la publicité en poursuivant les objectifs suivants : • En premier lieu, nous chercherons à savoir si les personnes qui déclarent résister au marketing et à la publicité sont vraiment entrées en résistance. Cette résistance au marketing et à la publicité se traduit- elle par des comportements particuliers en ce qui concerne les lieux d’achat et les publicités préférés, la recherche d’information et les critères d’achat pris en compte ? • En second lieu, notre volonté sera de cerner des motivations qui conduisent à ces actions de résis- tance. Deux variables mises en évidence par notre étude qualitative (encadré 1) nous ont semblé devoir faire l’objet d’une attention particulière : l’impression d’envahissement publicitaire et la volonté de retrou- ver ses valeurs. Pour répondre à ces objectifs, la première partie de cet article proposera une synthèse de la littérature sur la résistance au marketing et à la publicité. Dans une deuxième partie, nous présenterons les principaux résultats d’une étude empirique mettant en évidence les principales actions des résistants (au marketing et à la publicité) et les motivations les plus importantes à leur entrée en résistance. Enfin, les implications mana- gériales de notre recherche seront développées. La résistance, un concept difficile à définir et à expliquer La résistance : définition et principaux comportements Roux (17) définit la résistance comme « un état moti- vationnel qui pousse le consommateur à s’opposer à des pratiques, des logiques ou des discours marchands jugés dissonants ». Elle met en évidence la nécessité de trois conditions simultanées : une force doit être exer- cée sur un sujet, elle doit être perçue et le sujet doit chercher à annihiler son impact. Cette définition recouvre quatre construits différents : la propension résistante, c’est à dire la tendance stable du consommateur à s’opposer à des forces identifiées comme telles ; l’état motivationnel qui correspond à l’état interne qui contraint le sujet à diminuer les ten- sions éprouvées dans un contexte d’oppression (les pratiques jugées dissonantes par exemple) ; les formes de réponses oppositionnelles spécifiques à chaque contexte déclencheur (la publicité par exemple) et, en- fin, la résistance cumulée, qui désigne l’ensemble des cognitions et des émotions négatives vécues au cours de situations antérieures comme des moments de ré- sistance. Ces quatre construits mettent en exergue les relations de pouvoir et de contre-pouvoir qui s’entre- choquent dans la confrontation entreprise/consomma- teur. La résistance peut s’exprimer par des actes de dé- consommation et d’évitement du marché, mais aussi être ciblée et viser des objectifs identifiés, comme les entreprises, les marques, ou des techniques marketing telles que la publicité ou la vente (17). Cette recherche s’inscrit dans cette seconde perspective en analysant la résistance au marketing et plus particulièrement à la publicité. En effet, dans le système marchand, les actions marketing et le discours publicitaire peuvent constituer une activation de cet état motivationnel : la perception d’une forte dissonance peut déclencher les manifestations de résistance. Ces manifestations peuvent être individuelles. Mais des formes de résistance plus communautaires existent (15), comme les groupes contestataires réunis par des formes de contournement du marché ou des agisse- ments plus offensifs, à l’instar des boycotts (9). Dans leurs analyses, les auteurs retiennent souvent la partie visible de la résistance, en l’occurrence ses manifestations, sans qu’un consensus ne soit établi sur les éléments constitutifs de la résistance. Il existerait un continuum de comportements allant du spectre de l’évitement discret de certaines marques, à des formes d’actions engagées telles que le boycott, avec des formes médianes comme la simplicité volontaire consistant à réduire, sans nécessité économique, son volume de consommation (6). Une telle approche, cen- trée sur les comportements, ne met pas en évidence ce Décisions Marketing N°68 Octobre-Décembre 2012 – 27 Publicité qui les provoque (17). En d’autres termes, les motiva- tions qui conduisent à de tels comportements ne sont pas identifiées. Les spécificités de la résistance à la publicité L’application de la résistance au domaine de la publi- cité impose de préciser ses frontières avec d’autres concepts proches. En effet, les réactions négatives induites par les pratiques publicitaires (tactiques de persuasion, intensité des messages, émotions suscitées, etc..) ont très tôt préoccupé les mondes académique et managérial. Plusieurs concepts peuvent être reliés à la résistance à la publicité soit comme antécédents, soit comme conséquences supposées : la résistance à la per- suasion, l’irritation, l’intrusion, l’évitement et l’attitude négative vis-à-vis de la publicité. Ils sont présentés plus en détail ci-dessous. La résistance à la persuasion peut être définie comme « le maintien d’une attitude malgré les ten- tatives de persuasion » (20). Elle a deux principales sources : la première est motivationnelle (les menaces contre l’image de soi ou le sentiment d’une perte de liberté), la seconde est cognitive (toute tentative de persuasion décodée comme un déséquilibre potentiel conduit à de la résistance). En se centrant sur le système de croyances des individus, le Persuasion Knowledge Model (7) permet d’appréhender la manière dont les individus décryptent les tactiques publicitaires. Ce modèle intègre les effets d’expérience que le consom- mateur accumule au cours du temps, et s’intéresse aux modes de représentation du marché. Les deux acteurs en relation, les cibles et les publicitaires, développent chacun des uploads/Marketing/ les-consommateurs-resistants-a-la-publicite 1 .pdf
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- Publié le Fev 01, 2021
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