Option Finance/Option Droit & Affaires - Octobre 2016 18 Les tables rondes d’Op
Option Finance/Option Droit & Affaires - Octobre 2016 18 Les tables rondes d’Option Droit & Affaires MARCHÉ & ANALYSE De gauche à droite : Simon Genevaz, chef du service des concentrations au sein de l’Autorité de la concurrence Marie Hindré, associée chez Altana Jacques-Philippe Gunther, associé chez Willkie Farr & Gallagher Marie-Hélène Huertas, directrice concurrence chez Vivendi Anne Perrot, associée chez Mapp Stéphane Hautbourg, associé chez Gide Loyrette Nouel Valérie Ledoux, associée chez Racine Le M&A à l’épreuve du droit de la concurrence ETAT DES LIEUX DU MARCHÉ Jacques-Philippe Gunther : Sur les opérations sensibles, les conseils juridiques sont consultés très en amont, parfois même avant que le proces- sus M&A n’ait démarré et que les banques d’affaires ne soient mandatées. La direction stratégie, la direction fi nan- cière, voire les opérationnels peuvent souhaiter savoir si l’opération envisagée pourrait être conforme à la régle- mentation concurrentielle et sous quelles conditions. Nous préparons donc avec les clients des analyses qui serviront ensuite à l’entreprise à alimenter les premières étapes de discussion avec l’Autorité ou la Commission. Dans le cas d’opérations confi dentielles et pas encore annoncées dans la presse, il est diffi cile d’avoir un retour relativement fi able sur la position de la Commission tant qu’elle n’a pas pu faire un test de marché. L’Autorité est un peu plus ouverte à échanger, en amont, sur les effets potentiels d’une opération. Marie-Hélène Huertas : Dans le secteur des télécoms par exemple, les dirigeants peuvent pressentir un risque en termes de concurrence dans une opération de M&A et prévoient en conséquence une analyse préalable pour mettre à jour tout ce qui pourrait poser diffi culté. La phase de négociations est plus délicate et il est fondamental d’intégrer les équipes de concurrence pour qu’elles étudient et analysent très en amont certaines clauses comme les clauses d’exclusivité que les équipes corporate voudront insérer dans l’acte de cession ou de fusion. Malheureusement, les experts concurrence ne sont pas toujours présents et c’est bien dommage. Stéphane Hautbourg : L’analyse préliminaire des questions de concurrence est d’autant plus essentielle qu’elle détermine de plus en plus la structuration de la documentation M&A. Ainsi, il est main- tenant fréquent d’intégrer dans la documentation juridique des considérations sur le calendrier dans lequel la notifi - cation doit intervenir et l’autorisation être obtenue, sur la stratégie de notifi cation, sur la nature des remèdes qui doivent être proposés pour obtenir le feu vert des autorités ou encore sur les pénalités ou «break-up fees» qui doivent être versées si l’opération ne va pas à son terme, etc. Les break-up fees sont en effet un élément récent des Option Finance/Option Droit & Affaires - Octobre 2016 19 Le M&A a repris en Europe comme en France. Mais les questions concurrentielles sont importantes dans un marché qui a tendance à chercher la concentration. En 2015, 192 opérations de rachat ou de fusion ont été étudiées par l’Autorité de la concurrence. Comment anticiper les questions de concurrence dans le cadre des opérations de fusions- acquisitions ? Témoignages de sept experts de la matière. Option Finance/Option Droit & Affaires - Octobre 2016 20 MARCHÉ & ANALYSE négociations depuis deux ans notamment. Dans l’opération Baker Hughes/Halliburton, le break-up fee était de 10 % soit 3,5 milliards de dollars. Il ne s’agit pas d’un cas isolé. On a parlé de 2 milliards de dollars dans Monsanto/Syngenta. C’est aujourd’hui presque une pratique de marché et les négociations sont en pratique diffi ciles. LES ANALYSES PRÉ-M&A Marie Hindré : Dans les processus d’acquisition, les vendeurs demandent souvent que l’acquéreur potentiel procède à une analyse concurrentielle de l’opération. C’est notamment le cas dans des systèmes d’appels d’offres de mise en vente d’actifs ou de sociétés, où une telle analyse est demandée à chacun des acquéreurs potentiels. Les enjeux de concurrence deviennent un critère de sélec- tion de l’acquéreur tout autant que le prix. Certaines opéra- tions à vocation industrielle qui avaient du sens en termes de synergies par exemple ont déjà été écartées par les vendeurs au profi t de reprises par des fonds d’investissement dont l’approbation par des autorités de concurrence était plus simple et donc plus rapide. Anne Perrot : L’analyse concurrentielle devrait probablement prendre place dans le processus de décision préalable, c’est-à-dire au moment où l’on se pose la question de savoir si on va rach- eter A ou B ou si on va privilégier de se faire racheter par A ou B. Ceci impose de savoir ce qui est attendu de l’opération de concentration. S’agit-il d’un projet de nature industrielle ou d’une fusion défensive ? L’analyse doit également tenir compte de la situation qui prévaudrait en cas de rapprochement de la cible avec un autre concurrent. Les entreprises comparent souvent la situation avec fusion à la situation de statu quo, c’est-à-dire sans fusion. Mais la bonne situation avec laquelle comparer la situation de fusion peut parfois être celle dans laquelle un autre concurrent a fusionné avec la cible. Dès lors, et selon le motif réel de la concentration, les analyses concur- rentielles sont dictées par la comparaison de la situation après fusion avec une situation contrefactuelle qui dépend du contexte. Jacques-Philippe Gunther : Lorsque nous représentons un acquéreur potentiel, il nous arrive de préparer nous-mêmes l’argument contrefactuel et de réaliser à destination du vendeur un comparatif des risques concurrentiels en fonction des autres acquéreurs potentiels. Soulever des éventuelles problématiques concurrentielles peut impacter le timing de l’opération et du coup contrain- dre l’acheteur concurrent à offrir un prix supérieur pour faire accepter au vendeur cette contrainte. La concurrence peut ainsi amener à bouleverser les stratégies des dossiers. Valérie Ledoux : En amont, même si les choses ont considérablement évolué ces dernières années, les équipes M&A doivent toujours être sensibilisées au volet concurrence pour nous interroger systématiquement sur la notifi abilité de l’opération. Il y a en effet encore des situations où ce réfl exe n’est pas évident. Par exemple lorsqu’une JV qui n’est pas de plein exercice passe d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif, la question de son caractère notifi able est toujours un sujet de discus- sion. Notre rôle est aussi d’évaluer en amont le calendrier de notifi cation qui sera très différent en fonction du nombre de pays concernés et du secteur. Par exemple dans la vente au détail, l’analyse des nombreuses zones de chalandise a néces- sairement un impact important sur le timing de l’opération. Simon Genevaz : L’Autorité de la concurrence intervient en aval de ce processus, une fois le dossier notifi é ou prénotifi é. L’investissement des parties dans l’analyse en amont est évidemment souhaitable, mais l’analyse économique des effets d’une opération avant même d’en avoir parlé à l’Autorité peut s’avérer «piégeuse» dans certaines situations. Un phénomène dont on parle très peu, en tout cas au niveau national, et qui s’est développé au cours des deux dernières années, est l’abandon d’opérations de concentration, parfois à un stade très avancé. On peut citer par exemple l’abandon de l’acquisition du réseau Mr Bricolage par Kingfi sher, celui de la prise de contrôle de Colis Privé par Amazon et celui, à quelques jours de l’échéance de phase 2, de Metrobus par JC Decaux. Les raisons qui expliquent chacun de ces aban- dons sont bien entendu différentes dans chacun de ces trois cas, mais il s’agit souvent de l’impossibilité de se mettre d’accord sur des remèdes du fait d’un profond désaccord de diagnostic concurrentiel et/ou dans la nature des remèdes à apporter. Notamment, lorsque les parties ont énormé- ment investi dans la construction d’une théorie selon laquelle la défi nition d’un marché pertinent par l’Autorité devrait changer, le dialogue ne peut pas fonctionner si les entreprises n’acceptent pas de tenir compte des enseigne- ments que peut procurer l’instruction du dossier par les services de l’Autorité sur le fonctionnement des marchés. Il existe heureusement des contre-exemples : dans le cas du rapprochement de Fnac et Darty, dans lequel l’Autorité a fi nalement élargi la défi nition du marché de la distribu- tion au détail de produits électrodomestiques aux ventes en ligne, les parties nous avaient sollicités très en amont et ont engagé un travail très collaboratif. Les parties ont certes proposé une théorie innovante en demandant à l’Autorité d’élargir le marché pertinent, mais elles lui ont donné les moyens de mener son travail à son terme en construi- sant avec elle l’instruction et les études économiques et économétriques nécessaires pour démontrer l’existence du rapport de substitution entre les ventes en ligne et les ventes en magasins dont elles se prévalaient. Option Finance/Option Droit & Affaires - Octobre 2016 21 MARCHÉ & ANALYSE Marie-Hélène Huertas, directrice concurrence chez Vivendi «Une différence doit être établie entre le dialogue avec l’Autorité de la concurrence française et la Commission européenne.» Anne Perrot : Nous avons vécu cette opération aux côtés de la Fnac, bien avant sa notifi cation. Les parties avaient une histoire très claire à raconter, née de leur expérience business et de leur manière de vivre le marché, peu à peu grignoté par l’arrivée des ventes en ligne. Mais uploads/Marketing/ odama-p18-30.pdf
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- Publié le Dec 14, 2021
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