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1 Les stratégies d’enrichissement de produits : pourquoi « plus » n’est pas forcément « mieux » ? Arnaud RIVIERE Doctorant CIFRE Sous la direction de Madame le Professeur Monique ZOLLINGER CERMAT IAE de Tours - Université François Rabelais de Tours 50, avenue Jean Portalis 37206 Tours Cedex 03 riviere.a@iae.univ-tours.fr 2 Les stratégies d’enrichissement de produits : pourquoi « plus » n’est pas forcément « mieux » ? Résumé : Dans le cadre de leur politique d’innovation, les entreprises sont fréquemment amenées à enrichir leurs produits actuels en y intégrant de nouveaux attributs additionnels. Toutefois, fort de constater que cette stratégie ne semble pas toujours rencontrer le succès escompté par les responsables marketing. Ainsi, afin de mieux comprendre l’insensibilité ou l’hostilité parfois manifestée par certains consommateurs face à la mise en œuvre de politiques d’enrichissement de produits, une revue de la littérature, complétée par une étude qualitative exploratoire menée dans le secteur automobile, permettent de souligner le rôle déterminant du nouvel attribut ajouté, du produit initial s’apprêtant à être enrichi, de certains processus psychologiques mobilisés par l’individu et du contexte de prise de décision du consommateur. Mots-clés : attribut, produit, innovation, automobile. Product enhancements strategies: why « more » is not necessarily « better »? Abstract: To innovate, many companies frequently add new attributes to their existing products. However, the managers sometimes notice that this strategy is not always effective to improve the customer value of their offerings. To explain it, this article identifies and analyzes the reasons causing the insensitivity or the hostility of some consumers towards the product enhancements strategies. A literature review and a qualitative exploratory survey in the car industry allow to highlight the deciding role of the characteristics of the added attribute, the initial product, the psychological processes used by consumers, and the context of choice. Keywords: attribute, product, innovation, automobile. 3 Introduction Après avoir déployé des politiques marketing axées sur la qualité puis sur la satisfaction, bon nombre d’entreprises se focalisent désormais sur l’accroissement de la valeur perçue de leurs offres, afin de se doter d’un avantage compétitif durable (Woodruff, 1997 ; Aurier et al., 2000, 2004). Dans le cadre de cette perspective managériale, les organisations sont fréquemment amenées à mettre en œuvre des stratégies d’enrichissement de produits, consistant à ajouter de nouveaux attributs additionnels aux biens déjà commercialisés sur le marché (Wheelwright et Sasser, 1989 ; Carpenter et al., 1994 ; Simonson et al., 1994 ; Nowlis et Simonson, 1996 ; Mukherjee et Hoyer, 2001 ; Thölke et al., 2001 ; Tomaseti et Ruiz, 2004 ; Tomaseti et al., 2004 ; Shen, 2005 ; Thompson et al., 2005). Ainsi, les téléphones portables, les ordinateurs ou bien encore les véhicules automobiles par exemple, ont vu leur contenu s’accroître de manière exponentielle ces dernières années. Les nouvelles fonctionnalités proposées peuvent incarner, pour les consommateurs, de véritables bénéfices supplémentaires, représentant, par ce biais, de nouvelles incitations d’achat. Toutefois, ces politiques d’innovation semblent de plus en plus confrontées à l’hostilité de certains acheteurs, trop fréquemment exposés à une surabondance fonctionnelle croissante des offres et à un flot continuel de nouveaux produits (Fournier et al., 1998). Dans ce contexte, certains chercheurs (Herbig et Kramer, 1994 ; Goldenberg et al., 2003 ; Thompson et al., 2005 ; Rust et al., 2006) n’hésitent plus à préconiser, aux décideurs marketing, d’opter pour des stratégies d’appauvrissement ou de simplification de l’offre (stratégies de « decontaining / subtraction »). Ainsi, un fabricant de téléphones portables a communiqué récemment sur son dernier modèle en insistant, dans ses campagnes publicitaires, sur l’absence de caméra vidéo dans l’appareil. De même, l’opérateur régional de télécom Breizh Mobile affiche sa différence en déclarant, sur son site Internet, « notre offre est simple et concentrée sur ce qu’est d’abord une offre de téléphone mobile : la voix et le SMS ». Ces exemples ne sont pas des cas isolés mais s’inscrivent plutôt, selon Negroponte (2005), au cœur d’une tendance durable considérant que « moins est souvent mieux ». Compte tenu de ces remarques, il semble essentiel de s’interroger sur la pertinence réelle des stratégies d’enrichissement de produits, et notamment de mieux comprendre les raisons à l’origine de l’inefficacité potentielle de ces politiques 4 marketing. Plus précisément, il est question, dans le cadre de ce travail de recherche, d’identifier et d’analyser les causes permettant d’expliquer l’absence d’effet ou l’impact négatif d’un nouvel attribut additionnel sur le degré de valorisation d’une offre1. Dans cette optique, cet article étudie successivement le rôle du nouvel attribut ajouté dans une première partie, puis l’enjeu du produit initial dans une deuxième partie, et enfin, le pouvoir explicatif de certains processus psychologiques des individus ainsi que du contexte de choix dans une troisième partie. Toutefois, avant de poursuivre, il semble indispensable de définir quelques termes clés du sujet. Notamment, la notion d’attribut peut être appréhendée, dans cette recherche, comme une « caractéristique physique ou subjective qui permet au consommateur de définir et d’identifier clairement une marque ou un produit » (Vernette, 1989). Une distinction, souvent mobilisée en marketing, conduit à identifier les attributs primaires, définis comme les caractéristiques essentielles du produit, et les attributs secondaires, considérés comme non indispensables à la résolution du problème spécifique que le consommateur cherche à résoudre (Brechan, 2006). Il est également important de préciser le terme d’innovation. Ainsi, selon Rogers (1983), « une innovation est toute idée, pratique ou objet perçu comme nouveau par un individu ou une autre unité d’adoption ». Ce papier de recherche repose à la fois sur une synthèse de la revue de la littérature et sur une étude qualitative exploratoire, menée dans le secteur automobile. Cette dernière permettra non seulement d’illustrer un certain nombre de propos théoriques, mais permettra également d’analyser les raisons spécifiques justifiant l’incapacité potentielle des attributs secondaires innovants à accroître la valeur globale d’un produit complexe2. Avant d’aborder le sujet de cette communication, quelques considérations méthodologiques sont présentées au préalable. 1 Le cas spécifique des fonctions communes, ajoutées à l’ensemble des alternatives d’un ensemble de choix, ne sera pas traité dans cette recherche (voir, par exemple, les travaux de Chernev, 1997, 2001). 2 Les stratégies d’enrichissement de produits sont plus particulièrement mises en œuvre dans le cadre des politiques d’innovation des produits complexes. De même, les caractéristiques ajoutées sont, le plus souvent, des attributs secondaires. Cette fréquence s’explique notamment par les enjeux que représentent de tels attributs en termes de différenciation d’offre et par leur facilité d’intégration liée à l’absence de modification profonde du produit initial. 5 Considérations méthodologiques Une investigation qualitative exploratoire a été réalisée dans le secteur automobile3. Ce terrain d’étude a été choisi en raison de la fréquence d’application des stratégies d’enrichissement de produits. En effet, compte tenu d’une pression concurrentielle particulièrement intense sur le marché français, les constructeurs de véhicules cherchent à différencier leurs produits, notamment en introduisant fréquemment des innovations électroniques (Morisse, 2004). Cette tendance devrait encore perdurer dans les années à venir (Lambey, 1998). Ainsi, par exemple, de plus en plus d’acteurs du marché s’intéressent, actuellement, aux équipements de connectivité4 et à leurs enjeux potentiels. Compte tenu de cette préoccupation managériale, un travail empirique est mené, se focalisant spécifiquement sur l’étude de ces nouveaux systèmes multimédia, perçus, par les consommateurs interrogés, comme des attributs innovants et secondaires. Pour réaliser cette étude, vingt entretiens individuels semi-directifs, d’une durée moyenne d’une heure et demie, ont été conduits. L’échantillon sollicité présente une certaine hétérogénéité quant à sa composition, au regard notamment du genre des répondants, de leur âge, de leur profession ou du véhicule possédé (segment et marque) (voir annexe 1). Afin d’assurer un degré minimal d’intérêt des individus pour les équipements proposés, chaque consommateur interrogé devait être détenteur d’un téléphone portable et d’un lecteur portatif de musique (ou d’une clé USB). Toutes les personnes interrogées sont utilisatrices et décideurs principaux de leur véhicule actuel. Les entretiens ont été enregistrés et intégralement retranscrits. Les données collectées ont ensuite fait l’objet d’une double analyse : une analyse lexicale effectuée via le logiciel Alceste (version 4.7)5, et une analyse manuelle de contenu thématique (Huberman et Miles, 1991 ; Spiggle, 1994). 3 Le produit automobile a largement été reconnu, en marketing, comme étant un bien complexe (Béji- Bécheur, 1998 ; Lambey, 1998 ; Hendaoui, 2004 ; Morisse, 2004). 4 Un équipement de connectivité désigne tout système électronique permettant, au conducteur ou aux passagers d’un véhicule, de connecter, à bord de la voiture, des objets nomades (téléphone portable, clé USB, lecteur MP3…) et de les piloter via une interface intégrée (écran multimédia, manettes au volant, commande vocale…). 5 Il s’agit d’un logiciel dont l’objectif est de quantifier un texte, en recherchant les termes les plus fréquemment cités, pour en extraire les structures signifiantes les plus fortes, reflétant ainsi les représentations des individus vis-à-vis des thèmes abordés lors des entretiens. 6 1. Le rôle des attributs additionnels dans l’explication des effets des stratégies d’enrichissement de produits Comme l’ont souligné certains auteurs (Nowlis et Simonson, 1996), les effets des politiques d’enrichissement de produits dépendent, en partie, de la nature de la caractéristique ajoutée à l’offre. Ainsi, uploads/Marketing/ riviere.pdf

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  • Publié le Jan 01, 2022
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