Décisions Marketing n°75 Juillet-Septembre 2014, 65-78 Pour contacter l’auteur

Décisions Marketing n°75 Juillet-Septembre 2014, 65-78 Pour contacter l’auteur : aurelien.rouquet@neoma-bs.fr DOI : 10.7193/DM.075.65.78 – URL : http://dx.doi.org/10.7193/DM.075.65.78 Rouquet A. (2014), La distribution par « drive » : définition et typologie, Décisions Marketing, 75, 65-78. Résumé L’article a pour objectif de mieux conceptualiser les stratégies de distribution par « drive ». Il propose de définir le drive comme toute stratégie de distribution qui permet un transfert direct des produits de leur lieu de stockage jusque dans le véhicule du client. En fonction du rôle dévolu au client dans le transfert des produits, et de l’inté- gration du drive dans les canaux de distribution existants, l’article identifie quatre stratégies-types possibles de drive : le drive-guichet, le drive-cour, le drive-entrepôt et le drive-quai. Finalement, l’article discute des prin- cipaux points à prendre en compte en vue de développer dans son canal de distribution des stratégies de drive. Mots-clés : distribution, co-production, multi-canal, logistique, drive. Abstract “Drive” retailing : definition and typology The aim of this article is to better conceptualise “drive” retail strategies. It defines a drive strategy as any retail strategy that allows products to be directly transferred from their storage area to a customer’s vehicle. Depending on the role given to the customer in the transfer of the products, and of the way the drive facility is integrated within existing channels of distribution, this article identifies four different possible drive strategies: the drive- counter, the drive-court, the drive-warehouse and the drive-dock. Finally, the article identifies the key points to be taken into account in order to integrate channel drive retail strategies into distribution. Key words: distribution, co-production, multi-channel, logistics, drive. Remerciements L’auteur remercie les différents relecteurs pour leurs commentaires. Il remercie également Claire Diot pour son aide dans la collecte de données auprès des responsables de drive. Il remercie enfin Fanny Reniou pour ses pré- cieux conseils sur les premières versions de l’article. La distribution par « drive » : définition et typologie Aurélien Rouquet Professeur de logistique à NEOMA Business School – CMAC (Centre sur le Management des Clients) Chercheur affilié au CRET-LOG (Aix-Marseille Université) Droits d'utilisation accordés à Mlle Mounika 66 – Décisions Marketing n°75 Juillet-Septembre 2014 Dans la grande distribution alimentaire, un nouveau format de distribution s’est imposé au côté des hyper-, super-, proxi- et autres cyber-marchés : le « drive ». A la suite d’Auchan, le premier à l’avoir testé en 2006, toutes les enseignes ont aujourd’hui adopté ce format. L’engouement pour le drive est cependant loin de se limiter à l’alimentaire et touche toute la distribution ou presque. En 2010, l’Entrepôt du Bricolage a été l’une des nombreuses enseignes du secteur du brico- lage à ouvrir des drive. Mistergooddeal, pure player historique, donne également depuis peu la possibilité à ses clients de retirer eux- mêmes les produits via des points drive. Le format a même été testé dans la distribution florale par Rapid’Flore dans les années 2000. Malgré l’essor des drive, la recherche en dis- tribution s’est peu penchée jusqu’à présent sur ce format (Henriquez, 2009). Centrés sur le développement des cybermarchés (Picot- Coupey et al., 2009), ou le ré-enchantement des formats de distribution existants (Badot et Paché, 2007), les chercheurs ont étonnam- ment délaissé ce format alternatif et inno- vant. Dans ce cadre, le but de cet article est de mieux conceptualiser les stratégies de dis- tribution par drive. Précisément, nous nous proposons ici de répondre aux deux questions de recherche suivantes : 1) Qu’est-ce que la distribution par drive ? ; 2) Quels sont les dif- férents types de stratégies de distribution par drive ? La principale proposition de recherche sous-jacente à cet article est que le drive est un format hybride de magasin/entrepôt, qui peut être décliné de différentes manières par les enseignes dans leurs canaux de dis- tribution en fonction d’un certain nombre de variables contingentes (caractéristiques des produits, de l’assortiment, du canal existant de distribution, etc.). Reposant sur une démarche méthodologique décrite au sein de l’encadré 1, cet article est organisé en trois parties. Dans la première partie, nous revenons sur l’essor du drive et proposons de le définir comme un format qui permet la distribution physique directe des produits dans le véhicule du client. Dans la deuxième partie, nous introduisons une typo- logie des quatre grandes stratégies de drive qui peuvent être mises en œuvre par les en- seignes de distribution : le drive-guichet, le drive-cour, le drive-entrepôt et le drive-quai. Dans la troisième partie, nous faisons des recommandations aux managers en vue de développer des drive, et soulignons qu’indé- Encadré 1 : Méthodologie Pour récolter des données sur cet objet peu étudié dans la littérature académique qu’est le drive, nous avons suivi une démarche qualitative d’exploration qui s’est appuyée sur trois étapes successives. Pre- mièrement, nous avons collecté les articles parus sur les drive entre janvier 2011 et juin 2013 dans plu- sieurs revues spécialisées en distribution : Point de vente, LSA, Supply Chain magazine, et Commerce et territoire. Cette première phase nous a permis de documenter le phénomène drive, et nous a aidé à constituer un échantillon de 20 enseignes ayant déployé ce format. L’échantillon a volontairement été constitué d’enseignes de plusieurs secteurs (alimentaire, bricolage, électroménager, etc.), afin de couvrir le phénomène dans sa globalité et de pouvoir comparer les cas. Dans une deuxième phase, nous avons alors analysé en détail ces vingt stratégies de drive, en combinant approche netnographique (observation des sites Internet, recueil des visuels, etc.) et ethnographique (utilisation physique des drive, observation in situ). Ces données ont été consignées dans un journal de recherche. Finalement, pour compléter nos observations et être à même de trianguler nos données, sept entretiens ont été réa- lisés auprès de responsables de drive dans l’alimentaire, secteur en pointe sur le sujet. S’appuyant sur un guide d’entretien semi-directif, les entretiens ont été enregistrés puis retranscrits. L’ensemble des données a fait l’objet d’une analyse de contenu, selon les méthodes prônées par Miles et Huberman (2003). Cette analyse nous a permis de dégager des vingt cas étudiés les quatre stratégies-types de drive présentées ici. Droits d'utilisation accordés à Mlle Mounika Distribution – 67 pendamment de la stratégie retenue, un point clé est de combiner dans son approche les as- pects marketing et logistique. En conclusion, nous suggérons plusieurs pistes de recherches qui doivent être poursuivies afin d’améliorer notre compréhension théorique de ce format de distribution émergent. La distribution par drive : essor et définition Considéré aujourd’hui comme une nouveauté dans le paysage de la distribution, le drive est un format utilisé depuis longtemps dans les services. Aux Etats-Unis, dès les années 1920, de nombreuses entreprises tirent en ef- fet profit de la diffusion de la voiture au sein de la société pour déployer des systèmes dits de drive-through. Permettant au client de ne pas avoir à sortir de son véhicule, ces drive vont largement se déployer au XXe siècle dans des secteurs comme la banque, la res- tauration rapide, la poste, etc. L’essor récent des drive dans la distribution Dans le secteur de la distribution, les en- seignes vont plutôt se servir de l’essor de la voiture pour développer le modèle des hyper- marchés et des grandes surfaces. Situés en périphérie des centres urbains, disposant de vastes parkings, ces formats qui dominent encore aujourd’hui la distribution se sont ain- si clairement construits autour de l’idée que le client viendra en voiture (Thil, 1966). A la différence du drive-through déployé dans les services, de tels formats obligent les clients à quitter leurs véhicules pour aller prendre les produits. Les clients jouent ici dans la logis- tique de distribution un rôle de manutention- naire, qui requiert du temps et de l’énergie (Goudarzi et Rouquet, 2013). Ayant connu un franc succès durant les Trente Glorieuses, ce format de la grande surface est cependant en voie d’essoufflement depuis quelques années. Alors en effet que le hard discount séduit les clients attirés par les prix bas (Moati, 2001), de plus en plus de clients souhaitent diminuer le temps consacré aux achats (Djellassi et alii, 2007), et se tournent dans cette optique vers les cybermarchés (Li- coppe, 2001). Dans ce contexte, les enseignes cherchent aujourd’hui à repenser ces formats de distribution, en suivant de multiples straté- gies : ré-enchantement des grandes surfaces, pour transformer les achats corvée en plaisir et éviter l’ennui du consommateur (Badot et Paché, 2007) ; développement des marques de distributeur pour renforcer leur image- prix (Kapferer, 2013) ; recherche d’une plus grande proximité avec les clients (Bergadaà et Del Bucchia, 2009) ; développement du multi-canal (Filser et Paché, 2008), afin de satisfaire un client de plus en plus exigeant qui veut choisir son mode de distribution. L’intérêt aujourd’hui du secteur de la distri- bution pour le drive s’inscrit clairement dans cette quête actuelle de nouveaux formats. Mais il résulte aussi d’un vide législatif, qui fait en 2013 l’objet de débats à l’Assemblée Nationale. A partir du moment où le client n’entre pas dans le drive (ce qui, on le verra plus loin, n’est pas forcément toujours le cas), celui-ci n’est en effet pas considéré uploads/Marketing/ s2-a1-la-distribution-par-drive-de-finition-et-typologie.pdf

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  • Publié le Jui 19, 2021
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