LA PUBLICITÉ, UNE HISTOIRE, DES PRATIQUES Myriam Tsikounas Éditions de la Sorbo

LA PUBLICITÉ, UNE HISTOIRE, DES PRATIQUES Myriam Tsikounas Éditions de la Sorbonne | « Sociétés & Représentations » 2010/2 n° 30 | pages 195 à 209 ISSN 1262-2966 ISBN 9782859446666 DOI 10.3917/sr.030.0195 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2010-2-page-195.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Éditions de la Sorbonne. © Éditions de la Sorbonne. Tous droits réservés pour tous pays. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) regards croisÉs © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) Myriam Tsikounas, « La publicité, une histoire, des pratiques », S. & R., no 30, décembre 2010, p. 197-209. Myriam Tsikounas La publicité, une histoire, des pratiques La France fut, de tous les États industrialisés, l’un des plus critiques à l’en- contre de la publicité, jugée tour à tour inutile, immorale, abêtissante et uni- formisatrice. Or, malgré ces résistances, en moins de deux siècles, ce mode de communication a inondé les médias de slogans et d’images, envahi nos espaces géographiques, sonores et mentaux. Si la publicité a fait l’objet de nombreuses recherches, peu se sont inscrites dans une perspective historique qui permettrait de comprendre comment elle est devenue aujourd’hui ce « fait social total » indispensable aux politiques comme aux milieux d’affaire, à l’art comme à la santé publique. Le livre pion- nier de Marc Martin1 n’a été prolongé que par quelques articles et chapitres d’ouvrages2, par une thèse sur la construction de la profession publicitaire3 et un colloque dont les actes ont été partiellement publiés dans la revue Le Temps des médias4. Archéologie Le terme « publicité » apparaît dans les années 1630, au même moment que la presse, son principal support. Il désigne alors l’action de porter à la connais- sance du public. Deux cents ans plus tard, il ne signifie plus seulement une 1. Marc Martin, Trois siècles de publicité en France, Paris, Odile Jacob, 1992, 430 p. 2. Christian Delporte, « De Bibendum à Culturepub. La publicité à la conquête des masses », dans Jean- Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (dir.), La Culture de masse en France de la Belle Époque à aujourd’hui, Paris, Fayard, 2002, p. 410-434. 3. Marie-Emmanuelle Chessel, La Publicité : naissance d’une profession, 1900-1940, Paris, CNRS éd., coll. « CNRS Histoire », 1998, 252 p. 4. Le Temps des médias, no 2 : Publicité, quelle histoire ?, dirigé par Christian Delporte, 2004/1, 192 p. © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) Myriam Tsikounas, « La publicité, une histoire, des pratiques », S. & R., no 30, décembre 2010, p. 197-209. 198 opération, menée à des fins marchandes, mais un emplacement dans une publication, un court article inséré à titre onéreux, pour vanter les mérites d’un produit et inciter le destinataire à l’acheter. Ainsi, en France, la publicité, dans son acception actuelle, apparaît-elle vers 1830 avec l’avènement de la presse à bon marché. Auparavant, le régime des corporations interdisant le développement de la concurrence dans les rela- tions commerciales, elle est seulement un service gratuit que le journal doit à l’abonné, non une prestation que le commerçant est tenu de financer. Elle n’est, de fait, qu’une petite annonce parmi d’autres, se confondant avec l’immobilier des notaires, les avis de mariage, les promotions de nouveaux livres et de nou- veaux spectacles. Après 1789, l’annonce payante devient la règle mais la création d’un marché libre n’entraîne pas pour autant l’essor de la publicité, car les bases économiques sont toujours absentes : les biens manufacturés sont rares et les activités restent locales. Le véritable changement intervient en 1827 quand une loi postale mul- tiplie par deux et demi le prix de port des journaux, amenant les dirigeants à augmenter au maximum autorisé le format des quotidiens, qui passe de deux à trois colonnes. Cette forte majoration des dépenses et ce gain de place subs- tantiel conduisent à rechercher activement des annonceurs payants. Dès lors apparaissent les prémices d’une organisation avec les premiers courtiers char- gés de recueillir auprès des commerçants et manufacturiers les « réclames » à insérer dans la presse. En 1845 naît la Société générale des annonces, qui exploite la publicité des grands titres parisiens, avant de fusionner, en 1865, avec l’agence Havas, première entreprise de distribution et de collecte de nou- velles d’envergure internationale, véritable trust capable d’absorber les maisons concurrentes. L’exigence de visibilité impose progressivement la séparation de l’annonce commerciale de la petite annonce. Un objet pluriel D’emblée, la publicité se décompose en plusieurs genres. Parallèlement à la publicité de marque, largement dominante, se développent les motions poli- tiques payantes, la publicité financière, faite par les banques en vue de placer leurs actions et obligations, et la publicité collective – ou compensée – des- tinée à promouvoir un produit générique, allant des artichauts de Bretagne aux vins d’Alsace. Dans le dernier tiers du xixe siècle se généralisent aussi la © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) Myriam Tsikounas, « La publicité, une histoire, des pratiques », S. & R., no 30, décembre 2010, p. 197-209. 199 publicité institutionnelle, réalisée par des entreprises qui cherchent à valoriser leur image, et la publicité d’intérêt général, qui vise à prévenir la population d’un « fléau » sanitaire. Cette dernière, également appelée campagne sociale, ne va pas sans ambiguïtés. Commanditée par l’État ou par des associations d’utilité publique, elle bénéficie certes d’espaces gratuits mais ceux-ci sont insérés dans la même page ou le même bandeau que la publicité commerciale, ce qui entraîne une déperdition du message, mal identifié par le destinataire. De plus, beaucoup de créatifs travaillent à la fois pour des marques et pour des ministères, pour des constructeurs automobiles et pour des assureurs, pour des alcooliers et pour des organismes médicaux… Ils sont ainsi amenés à façonner des discours contradictoires, pour et contre la vitesse, en faveur de l’ivresse et pour la sobriété. Par exemple, en 1905, Adolphe Willette dessine, pour la toute nouvelle Ligue nationale contre l’alcoolisme, un « Esclave volontaire de l’alcool » [Ill. 1], tout en continuant de créer des affiches vantant les vertus du champagne Mum [Ill. 2]. Plurielle dans ses contenus et ses objectifs, la publicité est aussi multi- forme pour s’adapter aux supports médiatiques, de plus en plus nombreux, qui la véhiculent : presse, journal d’entreprise, affichage, cinéma, radio, télé- vision, et plus récemment Internet. La réclame, dite directe, irrigue également la société par voie de lettres à domicile, prospectus, cartes postales, parrainages d’émissions radiophoniques et télévisuelles, téléachat, cadeaux allant du plan Michelin au cendrier Ricard, en passant par quantité d’images ou pièces de puzzle glissées dans le paquet de gâteaux et la tablette de chocolat, destinés aux enfants mais en vue d’inciter les parents à renouveler leur achat jusqu’à obtention de toute la série. À ces promotions licites s’ajoutent, depuis les origines, quantité de pla- cements de marque plus ou moins clandestins dans des produits d’appel : publicités rédactionnelles signées d’un journaliste de renom rémunéré par l’annonceur, articles rédigés par l’industriel lui-même moyennant contre partie financière, vedettes de cinéma et de télévision qui conduisent un véhi- cule X et s’arrêtent continuellement à la station-service Y. Comme Jean Renoir l’explique, dès 1935 dans Le Crime de Monsieur Lange par l’intermédiaire de son héros feuilletoniste, qui ne reconnaît plus son œuvre émaillée de noms de marques et de slogans, cette présentation illégale et souvent insistante de mar- chandises mine la narration et induit le public en erreur. © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) Myriam Tsikounas, « La publicité, une histoire, des pratiques », S. & R., no 30, décembre 2010, p. 197-209. 200 Ill. 1 – « Esclave volontaire de l’alcool », dessin d’Adolphe Willette, 1905. Ill. 2 – Publicité pour le champagne Mum, dessin d’Adolphe Willette, 1905. © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) © Éditions de la Sorbonne | Téléchargé le 23/11/2021 sur www.cairn.info via Université Lyon 3 (IP: 193.52.199.150) Myriam Tsikounas, « La publicité, une histoire, des pratiques », S. & R., no 30, décembre 2010, p. 197-209. 201 Un milieu, des pratiques Jusqu’à la Première Guerre mondiale, en France, la petite entreprise domine et dispose de trop maigres trésoreries pour investir dans une publicité qu’elle juge peu utile. Beaucoup de patrons, contrairement à leurs homologues anglais et américains, uploads/Marketing/ sr-030-0195.pdf

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  • Publié le Oct 25, 2021
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