UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN faculté des sciences économiques sociales et p

UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN faculté des sciences économiques sociales et politiques IDEOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT 1ère Partie M.SCHOOYANS 1988-1989 Diffusion Universitaire Ciaco IDEOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT 1ère Partie M. SCHOOYANS DVLP2110 i ' IDEOLOGIES ET DEVELOPPEMENT 1988 - 1989 Schéma provisoire réservé aux étudiants Non destiné à la publication Professeur : Michel SCHOOYANS 1ère PARTIE : INTRODUCTION GENERALE 1. Nous partons d'une conception familière de l'idéologie : un ensemble d'idées socialement et politiquement efficaces. 2. Mais quelle est l'originalité de ce "discours sur les idées" ? Pour comprendre un peu mieux le problème des idéologies, nous recourrons à deux approches. Chap. 1 ; Approche philosophique (a) - L'histoire de la pensée philosophique est dominée par deux courants : 1. Tendance réaliste : Elle distingue : a) l'objet pensé; b) la pensée. *• Le réel s'oppose au "moi"; il fait "obstacle"; il est "opaque"; il oppose une "résistance". - La perception que j'ai du réelpeut être biaisée par divers a priori ou conditionnements subiectifs. D'où : la vérité est dévoilement jamais achevé. 2. Tendance idéaliste : Le réel peut être pénétré de part en part par la raison. C'est l'idéal du "savoir absolu". Identification de l'ontologie et de la logique. 2. (b) - Exemples de philosophes : 1. Tendance réaliste : Aristote - B. Marcel (mystère de l'être); K. Jaspers [le chiffre); Heidegger [horizon); Bachelard (coupure épistémologique); rierleau-Ponty (profils partiels et partiaux) 2. Tendance idéaliste : Spinoza (1632-1677) (Vordre des idées Bst le même que l'ordre des choses*); Hegel (I770-IB3I) ("le réel est ration nel et le rationnel est réBl"). Voir aussi Descartes et Kant. (c) - Les idéologies et la tendance idéaliste. 1. Lj3S idéologies s'inspirent souvent d'un projet analogue è celui du "savoir absolu". Elles veulent rendre compte de toute la concrétion du réel; bIIbs. estiment que celui-ci se prête à une intellection de part en part. 2. Elles tendent à éliminer toutB "opacité" du réBl et n'hési tent pas à suppléer aux insuffisances d'information à son propos. 3. La démarche idéologique vise donc à une compréhension glo bale, procédant à partir de profils limités. La valeur explicative d'un élément de la réalité est extrapolée. On aboutit à la construction d'un système plus ou moins struc turé, censé rendre compte adéquatement du réel. 4. Il en résulte : a) - que le réel cesse d'être envisagé comme totalité ou- vsrtB et est présenté comme totalité close; b) - que le réel est présenté coitoib obéissant.à.des détar- ndnismes dont les lois peuvent être connues en droit et en fait* (d) - Les philosophes et les idéologies. Trois choses au moins à considérer : 1. La démarche philosophique débouche sur de nouvelles inter rogations. Elle ne captive pas le réel; elle ne bloque pas la quête de compréhension. Le réBl qu'elle exploré est une totalité ouverte, non close. La démarche cognitive est reprise (Husserl), répétition (Heideggor), réactivation (Merleau-Ponty). 3. 2. Cependant, la démarche philoscphioue est souvent emoreinte d*"idéologie!te". - Exemples :Locke (1632-1704) et la Révolution de I68B; Hobbes (I5BB-I679) et les Guerres de Religion; Comte (I79B-I857) et la Restauration; Gentile (IB75-I944) et le Fascisme, etc. - La philosophio n'est donc jamais parfaitement innocente, puisqu'il est impossible de concevoir un philosophe non situé et non engagé. -C'est pourquoi des systèmes philosoohiques peuvent inspi rer directement des idéologies :Hobbes inspire les régimes ennteroorains axés sur la "sécurité"; Locke «et à la source de l'idéologie impérialiste anglo-saxonne; Heeel est à la source de l'imoérialisma allemand. 3. "Une synthèse philosophique peut aussi être démantelée. Cer tains thèmes isolés du tout, peuvent alors alimenter des idéologies. Ex. :Rousseau (I7I2-I77B) inspire àla fois .. ;«idéologie libérale exaltant.les individus et celle qui conduit aux démocraties populaires. Locke inspire les irife- "logies égalitaires et les idéologies inventaires de la bourgeoisie. Montesquieu (IBB9-I755). défenseur de la no blesse, inspire les révolutionnaires de I7B9. Hegel inspire l'idéologie conmuniste et l'idéologie national-socialiste, etc Chap. II : Approche scientifique <a) -Le savant intervient personnellement pour découper dans le réel i!objet qu'il étudie. Il se définit une méthode pour l'aborder. -Le réel peut être approché par diverses méthodes, sous divers points de vue. Le savant est conscient des Unités de sa dé marche et de sa synthèse. Le réel se révèle de plus en plus mystérieux àmesure qu'on s'en approche. Une "théorie exhaus tive" (cf. savoir absolu) rendant adéquatement compte de tout est une idée normative, un horizon qui se dérobe. Le savant Bn est conscient. C'est pourquoi le savoir scientifique est toujours affecté d'un coefficient de relativité. Cf. Bachelard on progresse vers la vérité par dénonciation de l'erreur. 4. - Exemples : - L'historien intervient pour constituer certains faits histo riques à partir des événements. - Le physicien intervient pour ne retenir que certaines varia bles des phénomènes et chercher des lois. - Le biologiste isole lui aussi son champ d'exploration. Il sait cependant très bien qu'une cellule, par exemple, fait partie d'un organisme complexe, etc. tb) - Les idéologies peuvent se nourrir de la science de plusieurs façons. 1. Elles peuvent privilégier telle méthode particulière dans l'approche du réel. Elles tendront alors à faire de telle méthode la seule méthode d'approche du réel. Exemple : tout justifier par les "lois" de l'histoire, de l'économie. 2. Elles peuvent instrumentaUser les conclusions de telle discipline scientifique. Celles-ci sont alors appelés*à donner une explication exhaustive d'une situation. Ex. : certaines conclusions de la démographie peuvent être instru- mentalisées par les idéologies impériales. 3. En résumé, les idéologies se présentent fréquemment comme de nouvelles formes de scientisme. Au nom de telle disci pline scientifique, à partir de telle approche du réel, on entend éclairer le réel, tout le réel, de part en part, grâce à la "connaissance" des lois qui le régissent. Chap. III : Sciences récupérées Cet article entend illustrer ce qui a été vu jusqu' à présent par l'évocation de quelques exemples. Ca) - L'historlcisme 1. Certaines idéologies utilisent les données de l'histoire pour affirmer le lien déterminant entre le passé, le présent et l'avenir. Souvent, elles s'inspirent pour cela de philosophiE de l'histoire :Hegel ou Comte p. ex. De fait, des auteurs qui se trouvent aux confins de l'histoire et dB la philoso phie de l'histoire voient dans l'histoire une "magistra vitae' (cf. Spengler, Toynbee). » 5.( 2. nais l'histoire est fréquemment manipulée par les idéologies, p. ex. pour justifier certains messianismes nationaux. "C'est parce que notre passé est prestigieux que nous sommes députés à telle mission". Ex. depuis Othon le Grand, l'Empire germanique est rempart contre l'Esti le Portugal : vocation coloniale j Espagne : conquête-missionj France : gardienne r\ des grandes valeurs politiquesi Angleterre; UjS.A.j Italie fasciste : héritière de Romes Russie et U.R.S.S. : les slavo- philes, etc. 3. L'oeuvre d'auteurs comme Spengler ou Toynbee pourra, le cas échéant, être sollicitée par les Idéologues. (b) - L'organicisme et le biologisme 1. Des juristes, philosophes, sociologues, etc. ont comparé la société à un organisme et à un organisme en croissance. Le thème apparaît à la fin du XVIIIe s. et est développé par Savigny (I778-IB6I). SpenoBr (IB20-IS03), Espinas (IB44-I92I) et beaucoup d'autres. Il va être renforcé par les idées de Darwin (IB09-IBB2) sur la sélection naturelle. Tant que le rapprochement entre la société et un organisme vivant reste une métaphore, il est justifiable. 2. Les idéologies procèdent cependant fréquemment à une identi fication entre société et organisne. Elles justifient ainsi non seulement les inégalités entre les sociétés et entre les hommes, mais aussi la victoire du plus fort sur le plus faible. La plupart des idéologies totalitaires recourront à ce genre d'argumentation sophistiquée. L'homme y apparaît comme un organe du Tout, et le Tout est volonté de puissance. (c) - Le géographisme 1. Adam Smith déjà, au XVIIIe s., affirmait l'importance de la géographie d'un pays sur sa richesse. Thème repris fréquem ment e.a. par P. Monbeig, P. Georges. G. Myrdal, F. Perroux. etc., et affirmé à Bandoeng (1955). Nbw Delhi (1969), ou encore dans le célèbre rapport Pearson (1969). Montesquieu déjà développe une "théorie des climats" où il examine les rapports entre 1b milieu naturel d'une part, et, d'autre part, les phénomènes sociaux, politiques, économiques. 2. La tendance au géographisme est nettement présent dans l'oeuvre de MacKinder CIB6I-I947). La Russie, par sa position au FIG. 31. MERCATOR'8 CHART OF THE WORLD (1560) /' Wr -, •'( . J t. ./ •c/ / V H I ). /• ft Spykman et l'importance de l'anneau maritime Source des cartes : Gérard CHALIAND et Jean-Pierre RAGEAU, Atlas stratégique. Ed. Fayard, Paris, 1983. Haushofer et la combinaison Nord/Sud 9. "heartland", est privilégiée. Si, en plus de sa cavalerie, elle dispo sait d'une marine, elle deviendrait la plus grande puissance mondiale à cause de sa position géographique unique au monde. Mackinder influ encera Spykman et tous les idéologues de la "contention" et de l'espace vital, qui fleuriront en Allemagne puis ailleurs. 3. Son influence se conjugue souvent avec celle du Suédois Kjellén (1864- 1922), père de la géopolitique. L'influence de celui-ci s'exercera d'abord sur le précurseur (Haushofer) et les théoriciens du nazisme par le thème de l'espace uploads/Philosophie/ 1988-ideologie-et-developpement.pdf

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