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Tous droits réservés © Recherches féministes, Université Laval, 1991 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 10 août 2019 01:07 Recherches féministes Sexe et genre en linguistique – Quinze ans de recherches féministes aux États-Unis et en R.F.A. Claire Michard et Catherine Viollet Unité/Diversité Volume 4, numéro 2, 1991 URI : https://id.erudit.org/iderudit/057654ar DOI : https://doi.org/10.7202/057654ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Revue Recherches féministes ISSN 0838-4479 (imprimé) 1705-9240 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Michard, C. & Viollet, C. (1991). Sexe et genre en linguistique – Quinze ans de recherches féministes aux États-Unis et en R.F.A. Recherches féministes, 4 (2), 97–128. https://doi.org/10.7202/057654ar Résumé de l'article Cet article analyse les orientations de recherches féministes ayant pour thème sexe et langage qui se sont développées aux États-Unis et en R.F.A. de 1970 à 1985. À la lumière de leurs propres travaux, les auteurs tentent, dans une conclusion générale, de cerner les postulats implicites, sociologiques et linguistiques, qui sous-tendent les recherches américaines et allemandes. ESSAI BIBLIOGRAPHIQUE Sexe et genre en linguistique1 Quinze ans de recherches féministes aux États-Unis et en R.F.A. Claire Michard, Catherine Viollet Le savoir est fortement affecté par les forces sociales : la renaissance du féminisme dans les années 1960-1970 a suscité des directions de recherche jusqu'alors inexistantes. Les travaux concernant les marques et le sens de l'opposition de sexe dans le langage se sont développés tout d'abord aux États- Unis puis, quelques années après, en Europe. Ce champ de recherche s'est constitué, à partir de nombreux travaux novateurs, entre 1970 et 1985, l'apogée de la production se situant à la fin des années 1970 et au début des années 1980, ainsi qu'en témoignent les dates de publication des ouvrages collectifs américains. C'est sur cette période que porte notre essai d'analyse et de classification des orientations de recherche aux Etats- Unis et en République fédérale d'Allemagne. Tout d'abord parce que c'est à ce moment que les travaux sont les plus nombreux et les plus critiques des évidences dominantes, ensuite parce qu'aucune synthèse bibliographique de ces recherches n'existe en France. L'ensemble des ouvrages s'inscrit dans un large éventail de disciplines : sociologie, psychologie, sciences de la communication, linguistique, ethnolinguistique, sociolinguistique, critique littéraire. En fonction de nos propres orientations de recherche, nous privilégions les analyses se rattachant institutionnellement au domaine linguistique dans un sens large, c'est-à-dire incluant les perspectives sociolinguistique. psycholinguistique, pragmatique, d'ethnographie de la communication et d'analyse de discours, ainsi que les démarches faisant partie de la philosophie du langage et de la sociologie de la connaissance. L'analyse de ces travaux s'est organisée à partir du point de vue théorique développé dans nos propres travaux (Michard 1986, 1988a, 1988b, 1991 ; Michard et Ribéry 1982, 1985; Viollet 1984a, 1984b, 1986, 1987, 1988a, 1. Cet article s'appuie sur notre recherche bibliographique effectuée dans le cadre de l'Atelier thématique programmé (ATP) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) « Recherches sur les femmes et recherches féministes ». Il constitue le premier chapitre du rapport scientifique : Le genre en français contemporain. Matérialisations linguistiques de la catégorie socio-conceptuelle de sexe, 1986, non publié. Recherches féministes, vol. 4 n" 2, 1991 :97-128 98 1988b, 1991). Cette optique théorique est fondée sur l'ancrage d'une perspective linguistique de renonciation (Benveniste, Culioli, Fuchs, Le Goffic) dans une perspective sociologique des classes de sexe définies par un rapport d'appropriation (Guillaumin 1978). L'un de nos principaux objectifs est la construction d'une cohérence entre ces deux théories, cohérence qui entraîne inéluctablement la remise en cause des concepts asociologiques en linguistique. Un extrait du remarquable article de N.-C. Mathieu publié récemment, qui distingue trois modes de conceptualisation du sexe et du genre, résume parfaitement la perspective sociologique à l'intérieur de laquelle nous nous situons : Dans le mode III de conceptualisation du rapport entre sexe et genre, la bipartition du genre est conçue comme étrangère à la « réalité » biologique du sexe (qui devient d'ailleurs de plus en plus complexe à cerner) mais non pas, comme on le verra, à l'efficacité de sa définition idéologique. El c'est l'idée même de cette hétérogénéité entre sexe et genre (leur nature différente) qui amène à penser, non plus que la différence des sexes est « traduite » (mode I) ou « exprimée » ou « symbolisée » (mode II) à travers le genre, mais que le genre construit le sexe. Entre sexe et genre, est établie une correspondance socio-logique, et politique. Il s'agit d'une logique antinaturaliste et d'une analyse matérialiste des rapports sociaux de sexe. [...] Étant donné qu'il n'y a pas d'être humain à l'état naturel (ce qui est après tout une vieille idée, curieusement oubliée lorsqu'on se réfère aux « sexes » et surtout aux « femmes »), et d'autre part le constat qu'il y a presque toujours une asymétrie dans le genre (y compris dans les ·< transgressions » qu'il fait subir au sexe [...]), on passe alors de l'idée de différence à celle de différenciation sociale des sexes, de construction sociale de la différence. Et l'attention se réoriente, dans les sciences sociales, de la construction culturelle du genre vers la construction culturelle du sexe, et particulièrement de la sexualité (1989 : 131-132), Remarques sur l'utilisation et le sens de certains termes En sociologie et en anthropologie, « genre · > (gender) signifie la différenciation sociale des comportements imposée sur la base d'un substrat naturel : les sexes biologiques. En général on conçoit le genre grammatical comme n'ayant pas de rapport avec le genre en sociologie, puisque l'un des postulats en linguistique est l'hétérogénéité des structures linguistiques et des structures sociales (autonomie de la langue). Cependant, de notre point de vue, il y a de bonnes raisons de considérer le genre grammatical comme l'une des formes de la différenciation sociale des sexes dans le domaine symbolique. Les travaux sociologiques théorisant les rapports sociaux de sexe en tant que rapports de classe, ainsi que nos propres travaux dans le domaine de l'analyse de discours, montrent que la définition biologique du sexe est une définition idéologique. En effet, seuls les membres de la classe de sexe dominée 99 (les femmes) sont définis par leur sexe - femelle -, les membres de la classe dominante se définissant par leur genre - humain -, leur appartenance de sexe intervenant éventuellement comme une qualification secondaire, contingente (Guillaumin 1978a , 1978b, 1979, 1984; Mathieu 1971, 1973, 1977, 1989; Plaza 1977 ; Wittig 1982, 1985)2. Cette dissymétrie fondamentale dans la conceptualisation socio- idéologique des humains des deux sexes a une importante conséquence sur la façon d'appréhender le langage : en dehors de la conscience de cette conceptualisation irrationnelle, qui est bien autre chose que la péjoration et l'exclusion, aucune forme linguistique ne peut échapper à ce schéma sociocognitif inconscient. Autrement dit, certaines oppositions formelles, telles homme/femme, genre masculin/genre féminin, dans leur sens spécifié de sexe, et qui sont présupposées symétriques « au sexe près » dans la plupart des travaux critiques, n'ont pas de symétrie sémantique mais reconduisent implicitement l'opposition idéologique humain contre femelle. Confirmant ces analyses, on verra d'ailleurs que dans des expériences américaines en psycholinguistique, les hommes se conçoivent directement comme êtres humains en s'identifiant aux formes qu'ils interprètent comme indifférenciées du point de vue du sexe. Et que les femmes conçoivent indirectement les hommes comme êtres humains généraux par défaut d'identification d'elles-mêmes aux formes qu'elles interprètent comme ayant le sens humain, indifférencié du point de vue du sexe. En France, des résultats équivalents ont été obtenus à partir d'expériences différentes (Hurtig et Pichevin 1986, 1989). En français, l'utilisation de mâle et femelle pour des referents humains est sentie comme « incorrecte », à la différence de l'anglais ou de l'allemand (où la même forme, « weiblich », signifie femelle et féminin, et la même forme, « männlich », mâle et masculin). Dans ce cas précis, l'idée d'« incorrection » n'est que le rempart de la pensée sexiste destiné à nous empêcher de penser - et de dire - le recouvrement de fait entre pouvoir social et constitution physique (traits biologiques). Nous utiliserons par conséquent mâle et femelle dans certains cas - en particulier quand il s'agit de désigner le réfèrent extra- linguistique - de manière délibérée (et non pas par « maladresse » de style), comme provocation à penser. Nous estimons que c'est en qualifiant symétriquement une forme, que l'on fait alors fonctionner réellement en générique, avec les termes les plus marqués dans le domaine biologique (femelle, mâle), que, dans l'ordre du discours, on démasque le sexisme langagier : en politisant complètement l'anatomie, selon une très juste expression de Mathieu. Dans cette optique, < - mâle » signifie « qui appartient à la uploads/Philosophie/ 9-langue-et-genre.pdf
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- Publié le Jan 15, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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