Philosophiques Document généré le 23 juin 2017 19:53 Philosophiques Alain Badio
Philosophiques Document généré le 23 juin 2017 19:53 Philosophiques Alain Badiou, Saint Paul. La fondation de l’universalisme , Paris, PUF, 1997, 119 p. Alain Beaulieu La critique de la raison en Europe centrale Volume 26, numéro 2, automne 1999 URI : id.erudit.org/iderudit/004898ar DOI : 10.7202/004898ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Alain Beaulieu "Alain Badiou, Saint Paul. La fondation de l’universalisme , Paris, PUF, 1997, 119 p.." Philosophiques 262 (1999): 373–375. DOI : 10.7202/004898ar Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique- dutilisation/] Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec , 2000 PHILOSOPHIQUES 26/2 — Automne 1999, p. 373-395 Comptes rendus Alain Badiou, Saint Paul. La fondation de l’universalisme. Paris, PUF, 1997, 119 p. PHILOSOPHIQUES 26/2 — Automne 1999, p. Philosophiques / Automne 1999 Contrairement à ce que son titre laisse penser, ce livre ne s’adresse pas en premier lieu aux amateurs d’exégèse biblique. Malgré les références aux textes sacrés, le Paul dont il est ici question n’est ni un apôtre ni un saint. Fier de son expérience au sein de diver- ses organisations d’intellectuels de gauche, Badiou tente plutôt de tirer les conséquen- ces de l’hypothèse à peine fantaisiste qui fait de Paul « un Lénine dont le Christ aurait été le Marx équivoque » (p. 2). La question posée dans cet essai, plus explicite dans d’autres textes du même auteur, est la suivante : saurions-nous reconnaître les vrais résistants de notre époque, celle de la mondialisation et de l’homogénéisation identi- taire? Plus radicalement : que font les révolutionnaires à l’heure de l’émergence de la pensée unique placée sous l’égide de notre régime capitalisto-démocratique domi- nant? Le Paul que propose d’étudier Badiou porte donc moins la soutane qu’il ne revêt l’habit du résistant à l’époque des débuts du despotisme militaire de l’empire romain. Et son époque est mutatis mutandis encore la nôtre. C’est le caractère intem- porellement révolutionnaire de Paul que Badiou souhaite mettre en évidence, jusqu’à mobiliser, de façon peu orthodoxe, un vocabulaire politiquement moderne pour ren- dre compte de l’entreprise de Paul. Celui-ci devient ainsi le chef de parti ou de faction, un activiste qui rencontre des adhérents, des sympathisants et des opposants et qui, de surcroît, doit veiller à l’organisation des collectes. Badiou voit dans l’œuvre de Paul celle d’un grand militant en tant que ce der- nier, comme dans toute grande politique, a un message à livrer. Cette annonce con- siste essentiellement pour Paul, au cours des différentes épîtres, à propager sa foi dans le seul Événement-Résurrection. Pour élaborer sa propre théorie de l’événement, Badiou tire parti de la relativisation par Paul des messages périphériques du Christ et des miracles qui viendraient témoigner de son caractère divin. Pour Paul, l’essentiel se magnifie dans le strict Événement de la résurrection. Événement qui ne requiert nulle preuve, qui n’est absolument pas objet de connaissance et qui n’en appelle qu’à la seule conviction individuelle. Ce qui renvoie à l’une des préoccupations majeures de toute l’œuvre de Badiou, à savoir celle de l’événement indémontrable, inconnaissable et inconditionné propre à engendrer de l’impensable et de l’inimaginable. En ce sens, l’œuvre de Paul devient emblématique de la philosophie d’aujourd’hui, nous dit Badiou, non seulement parce qu’elle pose la question de la reconnaissance possible du résistant, mais aussi parce que nous vivons dans une époque où, plus que jamais, la conceptualisation trouve ses limites et où l’événement en général devient l’enjeu déci- sif de la pensée. Si Paul nous est si présent, c’est parce qu’il est parvenu, par ses prédications centrées autour du seul Événement-Résurrection, à pousser l’expérience événemen- tielle à une certaine limite en universalisant un fait singulier donné comme commen- cement absolu et n’engageant que la seule conviction du croyant. C’est au nom de cette refondation événementielle à caractère universel que Paul deviendra dissident à la fois de la sagesse grecque, de la religion juive et des Chrétiens faibles (ceux, par exemple, qui se disputent autour de la question, si peu signifiante aux yeux de Paul, 374 · Philosophiques / Automne 1999 de la circoncision). Il militera au nom de la reconnaissance de cette cause imperson- nelle qu’est l’Événement-Résurrection et qui doit pouvoir générer une conviction nouvelle chez les gens, qu’ils soient juifs, grecs, femmes ou hommes de tous lieux. D’où la puissance d’universalité du message paulinien. Ce qui fascine Badiou, ce sont les conditions d’une telle « singularité universelle » (p. 14), conditions qui seraient également celles de notre philosophie aujourd’hui. Ce qui veut dire que (si l’on excepte le contenu de la résurrection du Christ) la tâche de Paul demeure exemplairement la nôtre encore aujourd’hui : rendre compte des événements, ces inconnaissables, ultimement dans leur puissance de transformation universelle. Comme on le voit, la question de la résultante historique de la diffusion du message christique par Paul au niveau religieux est laissée de côté au profit d’un examen de l’événement dans sa puissance à générer des révolutions pour lesquelles l’œuvre de Paul devient exemplaire. L’événement singulier est tou- jours, pour parler comme Mallarmé (l’un des principaux chevaux de bataille de Badiou avec Gödel et Cantor), tel un coup de dés qui tranche dans le réel jusqu’à pou- voir prétendre à l’universalité d’une nouvelle fondation. Au cours de l’histoire, Badiou croit que certains philosophes et artistes ont su décrypter dans le coup de dés de Paul son caractère universel jusqu’à faire résonner, en écho, le style paulinien dans leurs œuvres. Au nombre de ces héritiers de la pensée événementielle de Paul, Badiou examine les cas de Pascal, qui a dû créer un discours lui permettant de concilier sa foi religieuse avec les progrès de la science, du cinéaste Pasolini, qui projetait de réaliser un film sur la vie de Paul transposée dans nos métropoles contemporaines, et de Nietzsche, qui se voyait lui-même comme un destin pour l’humanité, un événement en soi. Le lecteur ne manquera pas de remarquer combien l’opacité stylistique des der- nières sections tranche avec la limpidité des précédentes. Mais peut être n’est-ce là un obstacle que pour les nouveaux adeptes de la pensée de Badiou. Quoi qu’il en soit, cette dernière partie rassemble huit théorèmes typiques de son style qui découlent de la pensée axiomatique paulienne de l’événement. Citons-en deux : « L’événement seul, comme contingence illégale, fait advenir une multiplicité en excès sur elle-même et donc la possibilité d’outrepasser la finitude » (p. 85) et « Un sujet fait loi non lit- térale de l’adresse universelle de la vérité dont il soutient le processus » (p. 92). Pour une meilleure compréhension de ces théorèmes, il est souhaitable d’avoir en tête quel- ques notions spécifiques (l’Un, la finitude, la multiplicité, la procédure de vérité) thé- matisées dans les précédents livres de Badiou et principalement dans L’être et l’événement (Paris, Seuil, 1988). En somme, le livre Saint-Paul. La fondation de l’universalisme constitue un for- midable plaidoyer en faveur d’une pensée de l’événement. On ne peut que saluer l’inventive interprétation de Paul par Badiou, qui en fait rejaillir une contemporanéité possible. Cependant, malgré le soin avec lequel Badiou souligne, dans le prologue, son caractère « héréditairement irréligieux », on se demande quand même si son livre n’est pas à placer dans une certaine mouvance interne au champ de la philosophie française depuis une dizaine d’années en faveur d’un retour à la parole sacrée, voire même à l’élaboration contagieuse d’une sorte de philosophie religieuse. En effet, on peut dire que l’époque du grand mépris post-soixante-huitard affiché à l’égard des textes religieux et fondateurs est aujourd’hui devenue, au moins en France, quelque chose du passé. Outre la dernière génération de phénoménologues (Marion, Chré- tien, Henry, disciples de Lévinas) rassemblés autour de préoccupations théologiques Comptes rendus · 375 communes, on voit aussi les initiateurs de la déconstruction (Derrida, de façon récur- rente) et de la postmodernité (Lyotard dans son livre posthume sur saint Augustin) se replier sur des textes religieux pour y puiser des éléments d’une philosophie présentée comme originale. La pensée de Badiou, contemplateur déclaré de la religion, est-elle à placer dans ce panorama philosophico-religieux? Badiou a-t-il arrêté son choix sur saint Paul de façon aussi désintéressée qu’il l’affirme? C’est à se demander si on en a déjà terminé avec le problème des singularités posé en termes strictement conceptuels. L’avenir nous dira si saura persister ce caractère intempestif, jusqu’à maintenant triomphant dans les écrits « antiphilosophiques » de Badiou, qui demeure quand même aujourd’hui le penseur le plus original en France. ALAIN BEAULIEU Université de Paris VIII Vincennes-St-Denis uploads/Philosophie/ alain-badiou-paul-de-tarse.pdf
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- Publié le Dec 19, 2021
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