GENRE, REGISTRE, FORMATION DISCURSIVE ET CORPUS Monique Sassier Éditions de la

GENRE, REGISTRE, FORMATION DISCURSIVE ET CORPUS Monique Sassier Éditions de la Maison des sciences de l'homme | « Langage et société » 2008/2 n° 124 | pages 39 à 57 ISSN 0181-4095 ISBN 9782735111817 DOI 10.3917/ls.124.0039 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2008-2-page-39.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Éditions de la Maison des sciences de l'homme. © Éditions de la Maison des sciences de l'homme. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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La pensée d’un auteur disparu peut être abordée suivant deux voies princi- pales. L’une est historique et tend à figer les concepts dans le cadre d’un cheminement intellectuel particulier, l’autre instaure un déplacement de ces concepts par une reprise susceptible de les modifier. Ceux-ci restent alors vivants, au sens où l’on oppose une langue vivante à une langue morte. Le dessein que nous poursuivons ici part d’une approche s’apparentant à la première – dans la dimension de scrupuleuse prise en compte des données disponibles – pour accéder à la seconde. Il s’agit de dégager le plus honnê- tement possible une compréhension de notions complexes mais qui nous semblent essentielles. Le cadre théorique et méthodologique des travaux dont nous ferons état est la sociologie du langage : Nous voyons dans la sociologie du langage un élément central de la socio- logie générale. […] Un fait est social en tant qu’il est signifiant, […]. En posant explicitement la question du rapport entre les significations sociales et le langage, nous avons l’ambition d’aboutir à un renouvellement métho- dologique. (Achard 1996a : 5) Une sociologie du langage qui étudie le rôle du langage dans les processus sociaux envisage les “actes effectifs” et les “situations pratiques” sous l’angle de leur structuration sociale : ce qui, dans un acte, est social – plutôt que © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 30/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 5.173.145.7) © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 30/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 5.173.145.7) Monique Sassier 40 “quels actes” sont sociaux. L’acte de langage comporte de multiples aspects, du fait de la pluralité des séries dans lesquelles il est pris. L’envisager comme acte social, c’est “filtrer” sa stabilité dans le système régulé des rapports sociaux, cette composante de son sens que le locuteur partage avec d’autres, dans la série des actes analogues, en indépendance relative de la singularité du locuteur. (Achard 1995a : 82) Genre, registre, formation discursive et corpus forment un ensemble complexe de notions inter-reliées. Le registre (discursif) occupe une posi- tion centrale et entretient des relations, de natures très différentes, avec chacun des autres pôles. 1. Registre, terme polysémique Que ce terme soit polysémique n’a rien pour surprendre ; c’est le lot commun de bien des vocables. Cependant, les choses se compliquent lorsque, comme c’est le cas ici, un même terme reçoit des définitions techniques, substantiel- lement – mais subtilement – différentes, dans des domaines connexes ou apparentés. Il y a tout d’abord l’acception registre de langue, que Françoise Gadet présente comme une formulation politiquement correcte, en ce qu’il gomme l’aspect « évaluation hiérarchique », de niveau de langue : Une fois reconnu le rôle inégalisant de la norme, une fois compris le proces- sus qui, dans une logique de fonctionnement linguistique peut conduire à la faute, il reste que, parmi les formes “correctes”, il y a encore de l’inégalité, liée à la variation des situations de parole. On en rend compte généralement avec la notion de “niveaux de langue”, que l’on croit quelquefois débarrasser de ses implications d’évaluation hiérarchique en la remplaçant par “registres de langue”. L’application la plus courante concerne le traitement du lexique dans les dictionnaires. On est ainsi habitué à voir des formes qualifiées de : vulgaire, argotique, populaire, familier, courant, soutenu, littéraire, archaïque… On caractérisera par exemple soufflet comme littéraire ou soutenu, claque comme familier, et torgniole comme populaire ; le fait que gifle soit courant (standard) ne se dit généralement que par l’absence de toute autre précision. Mais ces classifications appellent un certain nombre de restrictions. On relèvera avant tout la part de subjectivité qui intervient dans les juge- ments, mise en lumière par les disparités entre les dictionnaires. Ainsi, par exemple, cocu est donné comme “populaire” par le Dictionnaire du français contemporain, “vulgaire” par le Robert, “familier” par le Petit Larousse… Les désignations des registres ne sont aucunement satisfaisantes, car elles ne distinguent pas stratification sociale (ex. “populaire”) et stratification stylistique (ex. “soutenu”). Or, étant donné qu’il n’y a pas de locuteur à style unique, il serait nécessaire de croiser les catégories et de distinguer, par exemple, du “populaire soutenu” et du “populaire familier”. (Gadet 1989 : 18-19) © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 30/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 5.173.145.7) © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 30/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 5.173.145.7) Genre, registre, formation discursive et corpus 41 L ’ouvrage intitulé Sociolinguistique, Concepts de base (Moreau 1997) en donne une description plus confuse. On y passe subrepticement de l’évo- cation d’un type de situation sociale (l’emploi de « registre » recoupe alors celui de « niveau de langue ») à celle de type d’activité (« commentaires de parties de base-ball », par exemple) : Le terme registre a été proposé par Reid dans les années 1950 pour désigner une variété linguistique appropriée à une situation sociale particulière. De même, pour Ferguson, l’étiquette renvoie à un sous-système linguistique caractérisé par un certain nombre de constructions spécifiques et réservé à des situations circonscrites. C’est cet emploi qu’on retrouve, par exemple, dans ses écrits sur le registre enfantin (celui qu’on utilise en s’adressant à des enfants) ou sur les commentaires de parties de base-ball à la radio. La notion de registre se distingue de la notion labovienne de style, en ce que le premier n’est pas défini en termes de formalité, mais plutôt en fonction d’une situation spécifique et de l’emploi qu’on y fait d’un lexique spécialisé et d’un ensemble précis de constructions grammaticales. Ainsi, certains regis- tres, tels celui des commentaires de parties de base-ball à la radio, combinent des constructions informelles et formelles d’une façon qui serait à peu près inconcevable dans toute autre situation de communication. D’autres regis- tres sont caractérisés par l’emploi de constructions qui seraient autrement impossibles ; par exemple, le registre des recettes de cuisine permet l’omission d’objets directs, de sorte que les passages Laissez mariner pendant 12 heures et Servez avec du pain pita grillé, qui sont tout à fait normaux dans le contexte d’un livre de cuisine, ne sauraient convenir dans la langue usuelle, où mari- ner et servir requièrent un objet direct explicite. (Auger 1997 : 238) On verra que l’usage que Pierre Achard fait de registre repose aussi sur des différenciations en termes de types d’actes ; cependant, ces actes ne sont pas à considérer comme des données empiriques isolées mais à voir comme pris dans le système régulé des rapports sociaux. Par ailleurs, alors que les usages les plus répandus mêlent « situation spécifique » et emploi « d’un lexique spécialisé et d’un ensemble précis de constructions grammaticales », Pierre Achard introduit une rupture conceptuelle radicale entre, d’une part, les textes appartenant à une série relevant d’un même type d’actes (registre) et, d’autre part, l’organisation particulière des formes langagières que peut présenter l’ensemble de ces textes (genre associé). 2. Registre discursif et corpus Le registre discursif que l’on trouve chez Pierre Achard n’est ni un descripteur directement applicable à des données empiriques, ni un principe classifi- catoire [« Un registre n’a pas d’existence absolue » (Achard 1993 : 89)] ; il 1. « Texte » est à comprendre en un sens large qui, en particulier, ne limite pas son accep- tion à l’écrit. © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 30/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 5.173.145.7) © Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 30/12/2022 sur www.cairn.info (IP: 5.173.145.7) Monique Sassier 42 est au fondement de uploads/Philosophie/ ls-124-0039.pdf

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