SECOND MANIFESTE POUR LA PHILOSOPHIE Du MÊME AUTEUR PHILOSOPHIE Le Concept de m
SECOND MANIFESTE POUR LA PHILOSOPHIE Du MÊME AUTEUR PHILOSOPHIE Le Concept de modèle, Maspero, Paris, 1969. Rééd., Fayard, Paris, 2007. Théorie du sujet, Le Seuil, Paris, 1982. Peut-on penser la politique ?, Le Seuil, Paris, 1985. L'être et l'événement, Le Seuil, Paris, 1988. Manifeste pour la philosophie, Le Seuil, Paris, 1989. Le Nombre et les nombres, Le Seuil, Paris, 1990. Conditions, Le Seuil, Paris, 1992. L'Éthique, Hatier, Paris, 1993. Rééd., Nous, Caen, 2003. Deleuze, Hachette, Paris, 1997. Saint Paul la jondat~o' niversqlisme, P-YF,'f<l\s, 1997. Court traité d'ontolol sitoire, Le Seuil, P'aris: 4,~98. Petit manuel d'inest e, Le Seuil, Paris, 1998. lf;~J Abrégé de métapoliti , Le Seuil, Paris, 1998. H Le Siècle, Le Seuil, Paris, 2004. Logiques des mondes, Le Seuil, Paris, 2006,'. Petit Panthéon portatif, La ,Fabrique, Paris, 2008. L'antiphilosophie de Wittgenstein,. Nous, Caen, 2009: } ESSAIS CRITIQUES ,~t., Rhapsodie pour le thé4.tJ:/, ImprÎmeriè nationale,pflrls, 1990. Beckett, l'increvable ddsir;"Hachette,~Paris';, i995', Éloge de l'amour (avec Nicolas Truong), Flammarion, Paris, 2009. suite des ouvrages en fin de volume Alain BADIOU Second manifeste © Librairie Arthème Fayard, 2009 © Flammarion, 2010, pour la présente édition. ISBN: 978-2-0812-3139-9 INTRODUCTION Écrire un Manifeste, même pour quelque chose dont la prétention intemporelle est aussi puissante que celle de la philosophie, c'est déclarer que le mornent est venu de faire une déclaration. Un Manifeste contient toujours un « il est temps de dire ... » qui fàit que, entre son propos et son moment, on ne saurait distinguer. Qu'est-ce qui m'autorise à juger qu'un Manifeste pour la philosophie est à l'ordre du jour, et, qui plus est, un second Manifeste? Dans quel temps de la pensée vivons-nous? Il faut accorder sans hésitation à rnon ami Frédéric Worms qu'il ya eu en France, entre les années soixante et les années quatre-vingt - des derniers grands travaux de Sartre aux œuvres capitales d'Althusser, Deleuze, Derrida, Foucault, Lacan, Lacoue-Labarthe ou Lyotard, pour ne citer que les morts -, un fort « moment» philosophique. La preuve de ce point « par l'exemple négatif », comme disent les Chinois, est l'acharnement mis par la coalition de quelques 8 SECOND MANIFESTE POUR LA PHILOSOPHIE vedettes médiatiques et de sorbonnards en goguette à nier qu'il se soit passé, dans ces années lointaines, quoi que ce soit de grand ou même d'acceptable. Cette coalition a montré que tous les moyens lui étaient bons pour imposer à l'opinion publique sa vindicte stérile, y compris le sacrifice sans phrase d'une généra- tion entière de jeunes gens acculés à un choix détes- table : ou bien le carriérisme sauvage assaisonné d'Éthique, de Démocratie, et, s'il le faut, de Piété, ou bien le non moins sauvage nihilisme des jouissances courtes, à la sauce no future. Le résultat de cet acharne- ment a été que, entre les efforts héroïques de la jeu- nesse actuelle pour retrouver une voix qui porte et l'escouade amaigrie des survivants et héritiers de la grande époque l, il y a, en philosophie, un trou béant qui déconcerte nos amis étrangers. Concernant la France, seule l'élection de Sarkozy parvient à les éton- ner autant que le fait, depuis vingt ans, l'abaissement de nos intellectuels. C'est que nos « amis américains» sont toujours trop prompts à oublier que la France, si elle est le lieu de quelques hystéries populaires gran- dioses, qu'escortent de puissantes inventions concep- tuelles, est aussi celui d'une réaction versaillaise et servile tenace, à laquelle le ralliement propagandiste de régiments d'intellectuels n'a jamais fait défaut. « Qu'êtes-vous devenus, philosophes français que nous avons tant aimés, pendant ces sombres années quatre-vingt et plus encore quatre-vingt-dix?» nous INTRODUCTION 9 demande-t-on avec insistance. Eh bien, nous poursui- vions le travail dans divers lieux protégés que nous avions construits de nos mains. Mais voici que des signes de plus en plus nombreux, en dépit ou à cause de ce que la situation historique, politique et intellectuelle de la France semble extrême- nIent dégradée, indiquent que nous allons, vieux res- capés dédiant notre fidèle labeur à l'assaut mécontent et instruit de nouvelles générations, retrouver un peu d'air libre, d'espace et de lumière. J'ai publié mon premier Manifeste pour la philoso- phie 2 en 1989. Ce n'était pas la joie, je vous prie de le croire! Lenterrement des « années rouges» qui sui- virent Mai 68 par d'interminables années Mitterrand, la morgue des « nouveaux philosophes» et de leurs parachutistes humanitaires, les droits de l'homme combinés au droit d'ingérence comme seul viatique, la forteresse occidentale repue donnant des leçons de morale aux affarnés de la terre entière, l'affaissement sans gloire de l'URSS entraînant la vacance de l'hypo- thèse communiste, les Chinois revenus à leur génie du commerce, la « démocratie» partout identifiée à la dictature nlOrose d'une étroite oligarchie de financiers, de politiciens professionnels et de présentateurs télé, le culte des identités nationales, raciales, sexuelles, religieuses, culturelles, tentant de défaire les droits de l'universeL.. Maintenir dans ces conditions l' opti- nlÏsme de la pensée, expérimenter, en liaison étroite 10 SECOND MANIFESTE POUR LA PHILOSOPHIE avec les prolétaires venus d'Afrique, de nouvelles for- mules politiques, réinventer la catégorie de vérité, s'engager dans les sentiers de l'Absolu selon une dialec- tique entièrement refaite de la nécessité des structures et de la contingence des événements, ne rien céder ... Quelle affaire! C'est de ce labeur que témoignait, de façon succincte et allègre à la fois, ce premier Manifeste pour la philosophie. Il était, ce petit livre, comme des mémoires de la pensée écrits dans un souterrain. Vingt ans après, vu l'inertie des phénomènes, c'est encore pire, naturellement, mais toute nuit finit par détenir la promesse de l'aube. On peut difficilement descendre plus bas : dans l'ordre du pouvoir d'État, que le gouvernement Sarkozy ; dans l'ordre de la situa- tion planétaire, que la forme bestiale prise par le mili- tarisme américain et ses servants; dans l'ordre de la police, que les contrôles innombrables, les lois scélé- rates, les brutalités systérnatiques, les murs et les barbelés uniquement destinés à protéger les riches et les satisfaits Occidentaux de leurs ennemis aussi natu- rels qu'innombrables, à savoir les milliards de démunis de toute la planète, Afrique d'abord; dans l'ordre de l'idéologie, que la tentative misérable visant à opposer une laïcité en haillons, une « démocratie» de comédie et, pour faire tragique, l'instrumentation dégoûtante de l'extermination des Juifs d'Europe 3 par les nazis, à de supposés barbares islamiques; dans l'ordre enfin des savoirs, que l'étrange mixture qu'on veut nous faire INTRODUCTION 11 avaler entre un scientisme technologisé, dont le fleu- ron est l'observation des cervelles en relief et en couleurs, et un juridisme bureaucratique dont la forme suprême est «l'évaluation» de toutes choses par des experts sortis de nulle part, qui concluent invariable- ment que penser est inutile et même nuisible. Cepen- dant, si bas que nous soyons, je le redis, les signes sont là, qui alimentent la vertu principale de l'heure: le courage et son appui le plus général, la certitude que va revenir, qu'est déjà revenue la puissance affirmative de l'Idée. C'est à ce retour qu'est dédié le présent livre, dont la construction s'ordonne précisément à la ques- tion : qu'est-ce qu'une Idée? D'un point de vue étroitement chevillé à mon œuvre propre, je peux évidemment dire que ce Second manifeste pour la philosophie soutient avec le deuxième tome de L'être et l'événement, titré Logiques des mondes et paru en 2006, le ITlême rapport que le premier Manifeste soutenait avec le premier tOille, paru en 1988 : donner une forme simple et immédiatement mobilisable à des thèmes que la « grande œuvre» pré- sente dans leur forme achevée, formalisée, exemplifiée, minutieuse. Mais, d'un point de vue plus large, on peut aussi bien dire que la forme courte et clarifiée vise, en 1988, à attester que la pensée continue dans son souterrain, et, en 2008, qu'elle a peut-être les moyens d'en sortir. Aussi bien n'est-ce sans doute pas un hasard qu'en 1988, la question centrale de L'être et l'événement ait 12 SECOND MANIFESTE POUR LA PHILOSOPHIE été celle de l'être des vérités, pensé dans le concept de multiplicité générique. Tandis qu'en 2006, dans Logiques des mondes, la question est devenue celle de leur apparaître, trouvé dans le concept de corps de vérité, ou de corps subjectivable. Simplifions, et espérons : il y a vingt ans, écrire un Manifeste revenait à dire: « La philosophie est tout à fait autre chose que ce qu'on vous dit qu'elle est. Essayez donc de voir ce que vous ne voyez pas.» Aujourd'hui, écrire un second Manifeste, c'est plutôt dire : «Oui! La philosophie peut être ce que vous désirez qu'elle soit. Essayez de réellement voir ce que vous voyez. » PLANIFICATION Donc, un Manifeste pour la philosophie déclare philosophiquernent l'existence de la philosophie dans un moment déterminé de cette existence. Il le fait selon les règles qui, de façon immanente, prescrivent une déclaration d'existence, quelle qu'elle soit. D'où un ordre méthodique obligé : 1. S'il faut déclarer philosophiquement l'existence de la philosophie, c'est que, dans l'opinion, cette exis- tence est douteuse ou même réfutée. Quel serait, sinon, l'intérêt de uploads/Philosophie/ alain-badiou-second-manifeste-pour-la-philosophie-2010-editions-flammarion-pdf.pdf
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- Publié le Apv 04, 2021
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