PHILOSOPHIE MODERNE i Avant-propos PENSER CONTRE l:OBSCURANTISME Par Catherine
PHILOSOPHIE MODERNE i Avant-propos PENSER CONTRE l:OBSCURANTISME Par Catherine Golliau D es femmes condamnées à mort au nom du Coran parce qu'elles ont été violées; des scientifiques américains qui affirment que le monde a été créé selon le calen drier de la Genèse; des cadres européens qui partent en Afrique étudier la magie noire ... Sommes-nous en train de devenir fou? Comment réagir face au développement des forces obscurantistes? En utilisant mieux les armes qui sont les nôtres : la liberté de penser et d'être, la raison, la morale, le droit ... Autant de concepts revendiqués il y a déjà plusieurs siècles par Spinoza, Kant et Hegel pour lutter contre la puis sance du pouvoir religieux et l'absolu tisme des princes. Ces trois-là sont des révolutionnaires : ils ont combattu par la seule force de la pensée la supers tition, l'intolérance et l'irrationnel. Leurs philosophies nous habitent, même si nous n'en sommes pas conscients. Nous parlons dialectique comme Hegel et autonomie de la personne comme Kant. Mais parce que ces auteurs sont Les philosophies de Spinoza, Kant et Hegel nous habitent, même si nous n'en sommes pas conscients. difficiles, nous les avons abandonnés au jargon des spécia listes. Aujourd'hui pourtant, plus que jamais, nous avons besoin de réapprendre à penser, à savoir qui nous sommes et pour quoi. Pour cela, il faut revenir aux textes eux-mêmes. C'est ce que propose ce dixième hors-série du Point, consacré aux textes fondamentaux de la pensée moderne : découvrir et com prendre Spinoza, Kant et Hegel, les trois géants qui nous ont donné les moyens d'être libres et de vivre en harmonie. Image de couverture : Jacob Schlesinger, Georg Wilhelm Friedrich Hegel (détail). x1x' siècle, Berlin, Nationalgalerie. © AKG Images Le Point Hors-série n ° 10 J Septembre-octobre 2006 J 3 Méthode I PHILOSOPHIE MODERNE Questions de méthode SPINOZA, KANT ET HEGEL ont, chacun à leur manière, contri bué à construire la pensée mo derne. Mais aucun d'entre eux n'est un auteurfacile, et si nous les connaissons, c'est souvent à travers les commentaires de leurs disciples ou de leurs dé tracteurs, qui ont parfois réin terprété ou dénaturé leur pen sée. Nous avons donc voulu re- venir aux textes eux-mêmes et pour cela nous avons adopté pour chaque auteur une struc ture identique : un ensemble de dix textes considérés com me fondamentaux (page de gauche), accompagnés d'ana lyses appelées« Clés de lec ture» (page de droite). Ces der nières se veulent les plus ob jectives possible : le but du CHOIX DES TEXTES ET COMMENTAIRES • Éric Deschavanne, philosophe, membre du Conseil d'analyse de la société, rédacteur de la revue Comprendre (PUF), animateur du Col lège de philosophie (Sorbonne) et auteur de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2006). • François Gauvin, philosophe, coauteur, entre autres, de La Pensée antique, les textes fonda mentaux (Tallandier, 2005), et de L'Érotisme, les textes fondamentaux (Le Point, hors-série n ° 9, juillet-août 2006). • Pascal Séverac, philosophe, chargé de cours à Paris-1, auteur, entre autres, du Devenir actif chez Spinoza (Honoré Champion, 2005), coau teur, avec Chantal Jaquet et Ariel Suhamy, de Spinoza, philosophe de l'amour (Presses univer sitaires de Saint-Étienne, 2005). • Ariel Suhamy, philosophe, journaliste, chargé de cours à Paris-1, coauteur, avec Pascal Séve rac et Chantal Jaquet, de Spinoza, philosophe de l'amour (Presses universitaires de Saint Étienne, 2005), et de « L'histoire de la vérité», in Les Pensées métaphysiques de Spinoza (dir. Chantal Jaquet, Presses de Paris-Sorbonne, 2004). 4 1 Septembre-octobre 2006 1 Hors-série n ° 10 Le Point commentateur n'est pas de ju ger le texte mais de le clarifier et de le mettre en perspective afin d'aider le lecteur à se fai re lui-même une opinion. Sui vent pour chaque philosophe six pages d'informations plus générales (biographie, envi ron ne ment historique et culturel, postérité). CHAQUE PHILOSOPHE est pré senté par un spécialiste re connu : Pierre-François Moreau pour Spinoza, Luc Ferry pour Kant et Jean-François Kervégan pour Hegel. Nous leur avons donné le champ libre pour dé fendre leur champion : ils nous expliquent pourquoi ces Nous avons voulu revenir aux textes, accompagnés d'analyses. hommes qui ont écrit à l'époque de Louis XIV ou de la Révolution française conti nuent à déterminer notre mode de pensée. Dossier ha giographique, penserez-vous. Présenter un discours unani me serait contraire aux bons principes de nos philosophes. Nous avons donc demandé à Michel Onfray, réputé pour ses prises de position iconoclastes, ce qu'il pense du culte voué à ces géants. Réponse en page 104. C. G. PHILOSOPHIE MODERNE I Somma ï re Sommaire Penser contre l'obscurantisme, par Catherine Golliau Questions de méthode L'AVENTURE DE LA PHILOSOPHIE MODERNE, 3 4 par Jean-Michel Besnier 6 Carte : géographie de la philosophie moderne 12 BARUCH SPINOZA 14 Baruch Spinoza, classique et actuel, par Pierre-François Moreau 14 Textes et commentaires 18 Biographie : par-delà la légende 38 Postérité : Spinoza, entre anathème et fascination 42 EMMANUEL KANT 44 Emmanuel Kant, l'humaniste, par Luc Ferry 44 Textes et commentaires 48 Biographie : l'art de la routine 68 Postérité : Kant, l'éternel retour 72 GEORG W. F. HEGEL 74 Georg W. F. Hegel, l'esprit absolu, par Jean-François Kervégan 7 4 Textes et commentaires 78 Biographie : un itinéraire allemand 98 Postérité : Hegel, partout et nulle part 102 Entretien avec Michel Onfray : 104 « j'aspire à un élargissement des possibles philosophiques » Lexique 106 Bibliographie 121 Le Point Hors-série n ° 10 J Septembre-octobre 2006 J 5 PHILOSOPHIE MODERNE I Introduction Telle que l'illustrent Spinoza, Kant ou Hegel, la philosophie moderne, délivrée de la subordination à la religion, pense l'homme libre et l'invite à penser à son tour le monde en se fondant sur la raison. l:AVENTURE DE LA PHILOSOPHIE MODERNE Jean-Michel Besnier, philosophe spécialiste des nouvelles technologies, enseignant à Paris-IV, auteur, entre autres, de !'Histoire de ta philosophie moderne et contemporaine (Le Livre de poche, 1999) et de La Croisée des sciences, questions d'un philosophe (Le Seuil, 2006). Par Jean-Michel Besnier L e comble de la confiance en soi, pour un philosophe, se mesure souvent à son ambition de construire un sys tème dans lequel l'ensemble de la réalité se trouvera décrit et justifié. li s'agit là que la sagesse des clercs parvenait à localiser - éventuellement en inscrivant la totalité du réel dans d'impressionnants édifices conceptuels, dont la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin* d'une ambition propre ment démiurgique, telle que peut l'éprouver un esprit dégagé de l'entrave des croyances irration nelles, des orthodoxies ou même des révérences politiques. Les historiens des idées identifient l'avè nement des temps mo dernes, au xv11e siècle, représente le modèle La modernité est fondée achevé. À la faveur de la sur la conviction Renaissance, l'huma nisme rallie ceux qui ont l'intention de ne plus s'en laisser conter par les catéchismes. La philoso phie, délivrée de la subordination à la reli gion, s'impose alors comme l'instrument que Dieu ne rend pas superflue l'initiative des hommes et que le progrès de l'humanité n'est pas une illusion. comme le produit d'une semblable éman cipation, revendiquée dès la fin du Moyen Âge et appelée bientôt à soutenir la cause d'une rationalité exigeante. Le monde était clos, chaque être y avait sa place, d'une reconquête de l'homme par lui même et l'invitation à utiliser l'intelli gence et la volonté pour édifier des constructions rationnelles qui embras seront la réalité. ,. Le Point Hors-série n ° 10 1 Septembre-octobre 2006 1 7 Introduction I PHILOSOPHIE MODERNE • Une aventure est dès lors permise, qu'on appellera plus tard« la modernité», fondée sur la conviction que Dieu ne rend pas superflue l'initiative des hommes et que le progrès de l'humanité n'est pas une vaine illusion. Heidegger* a résumé en six étapes les conditions qui ont rendu possible cette aventure, associée au triomphe des idéaux de rationalité pour suivis par les philosophes, de Descartes* à Hegel (cf p. 74), en passant par Spinoza (cf. p. 14), Leibniz*, Hume* ou Kant (cf. p. 44). Le langage mathématique Heidegger fait figurer en premier lieu le privilège que les mathématiques se sont acquis au xv11e siècle : grâce à elles, les philosophes envisagent de présenter le savoir sous la forme d'un système qui serait à lui-même son propre fondement. Descartes rêve ainsi d'une « mathesis uni uersalis » qui formaliserait la science de l'ordre et de la mesure à laquelle toute Spinoza et Hegel partagent la même démesure : endosser est humainement impossible de com prendre un seul mot» (Il Saggiatore, 1623). Cette proclamation vaut comme l'acte de naissance de la philosophie et de la science modernes. La nature parle en lan gage mathématique, comme l'esprit humain. Cela suffit pour convaincre l'homme qu'il pourra l'apprivoiser, sinon la dominer. Hegel contre Spinoza Signe de cette prise d'autonomie, la phi losophie traduit désormais en termes de confrontation le rapport du sujet connais sant et de l'objet à connaitre, une confron tation que Hegel achèvera de résoudre dans son système. Mais l'auteur de La Phénoménologie de l'esprit ne partage pas la confiance des « Modernes uploads/Philosophie/ le-point-textes-fond-de-la-philo-moderne.pdf
Documents similaires










-
57
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 06, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 17.3944MB