17/01/2022 13:12 Alexandre Grothendieck, La nouvelle église universelle, 1971 –

17/01/2022 13:12 Alexandre Grothendieck, La nouvelle église universelle, 1971 – Et vous n’avez encore rien vu… https://sniadecki.wordpress.com/2012/05/16/grothendieck-scientisme/ 1/8 Le présent numéro 9 de Survivre, et une partie au moins du suivant, est centré sur le scientisme, ou l’idéologie scientiste, qui nous paraît revêtir une importance de premier plan dans l’analyse et l’explication du rôle de la science et des scientifiques dans l’évolution de la société moderne. Le présent article est un premier essai d’une description systématique de cette nouvelle idéologie et de ses dogmes principaux. La plupart des autres articles pourront être interprétés comme autant d’illustrations de l’influence de cette idéologie dans la pratique quotidienne du scientifique. Cette influence sera analysée plus systématiquement dans un autre article, en préparation pour le prochain numéro, qui pourra être considéré comme une continuation naturelle du présent article. Dans le présent article, nous avons délibérément laissé de côté l’examen critique de la méthode scientifique elle-même, et l’étude des mécanismes par lesquels celle-ci a engendré l’idéologie scientiste, avec le cortège de ses sous-produits. Nous y reviendrons par la suite, ainsi que sur des façons dont les scientifiques et techniciens peuvent dès à présent dépasser constructivement dans leur pratique quotidienne les contradictions particulières à leur état. Science et scientisme La méthode expérimentale et déductive, depuis 400 ans de succès spectaculaires, augmente sans cesse son impact sur la vie sociale et quotidienne, et par suite, jusqu’à une date récente, son prestige. En même temps, à travers un processus « d’annexion impérialiste » qui devrait être analysé de façon plus serrée, la science a créé son idéologie propre, ayant plusieurs des caractéristiques d’une nouvelle religion, que nous pouvons appeler le scientisme. Ce pouvoir, principalement pour le grand public, tient au prestige de la science, dû à ses succès. Le scientisme est maintenant fermement enraciné dans tous les pays du monde, qu’ils soient capitalistes ou dits socialistes, développés ou en voie de développement (à d’importantes restrictions près pour la Chine) [1]. Il a, de loin, supplanté toutes les religions Alexandre Grothendieck, La nouvelle église universelle, 1971 16 MAI 2012 SNIADECKI LAISSER UN COMMENTAIRE 17/01/2022 13:12 Alexandre Grothendieck, La nouvelle église universelle, 1971 – Et vous n’avez encore rien vu… https://sniadecki.wordpress.com/2012/05/16/grothendieck-scientisme/ 2/8 traditionnelles. Il s’est insinué dans l’éducation à tous les niveaux, de l’école élémentaire à l’université, tout comme dans la vie professionnelle postscolaire. Avec des nuances et une intensité variable, il prédomine dans toutes les classes de la société ; il est plus fort dans les pays développés, et parmi les professions intellectuelles et dans les domaines les plus ésotériques [2]. Les gens en général, bien qu’on leur enseigne certains des plus grossiers et des plus anciens résultats de la science, ont toujours eu peu ou pas de compréhension de ce qu’est réellement la science en tant que méthode. Cette ignorance a été perpétuée par tout l’enseignement primaire, secondaire, et même par l’importante partie de l’enseignement universitaire qui ne constitue pas une préparation à la recherche : la science y est enseignée dogmatiquement, comme une vérité révélée. Aussi, le pouvoir du mot « science » sur l’esprit du grand public est-il d’essence quasi mystique et certainement irrationnel. La science est, pour le grand public et même pour beaucoup de scientifiques, comme une magie noire, et son autorité est à la fois indiscutable et incompréhensible. Ceci rend compte de certaines des caractéristiques du scientisme comme religion. En tant que tel, il est tout aussi irrationnel et émotionnel dans ses motivations, et intolérant dans sa pratique journalière, que n’importe laquelle des religions traditionnelles qu’il a supplantées [3]. Bien plus, il ne se borne pas à prétendre que seuls ses propres mythes sont vrais ; il est la seule religion qui ait poussé l’arrogance jusqu’à prétendre n’être basée sur aucun mythe quel qu’il soit, mais sur la raison seule, et jusqu’à présenter comme « tolérance » ce mélange particulier d’intolérance et d’amoralité qu’il promeut. Aux yeux du grand public, les prêtres et les grands prêtres de cette religion sont les scientifiques au sens large, plus généralement les technologues, les technocrates, les experts. Mais la langue de cette religion sera pour toujours incompréhensible au peuple, d’autant que ce n’est pas même une langue, mais des milliers de langues différentes, chacune n’étant que le jargon technique particulier d’une spécialité donnée. L’immense majorité des scientifiques sont tout à fait prêts à accepter leur rôle de prêtres et de grands prêtres de la religion dominante d’aujourd’hui. Plus que n’importe qui, ils en sont imbus, et cela d’autant plus qu’ils sont plus haut situés dans la hiérarchie scientifique. Ils réagiront à toute attaque contre cette religion, ou d’un de ses dogmes, ou d’un de ses sous- produits, avec toute la violence émotionnelle d’une élite régnante aux privilèges menacés [4]. Ils font partie intégrante des pouvoirs en place quels qu’ils soient, auxquels ils s’identifient intimement et qui tous s’appuient fortement sur leurs compétences technologiques et technocratiques. « Il n’existe pas de dogmes écrits explicites du scientisme auxquels nous puissions nous référer » [5]. Cependant, bien qu’il ne soit formulé explicitement, un tel dogme existe implicitement et il est tout à fait précis, tout particulièrement parmi les scientifiques. Nous allons faire un essai de formulation de ce qu’on peut appeler le credo du scientisme, compris comme une collection de mythes principaux. Nous ne voulons pas dire que tous les scientifiques, même ceux à penchant franchement scientiste, seront en accord sans réserve avec la substance de chacun ni même d’aucun d’eux. Pour plus de clarté, les mythes ont été délibérément formulés sous leur forme la plus extrême, que beaucoup de scientifiques hésiteraient à cautionner, même s’ils agissent comme s’ils y adhéraient sans réserve. Cependant, nous soutenons que ce credo dans son ensemble exprime effectivement au moins leurs états limites, réalisés sous une forme plus ou moins forte et plus ou moins pure chez presque tous les scientifiques. 17/01/2022 13:12 Alexandre Grothendieck, La nouvelle église universelle, 1971 – Et vous n’avez encore rien vu… https://sniadecki.wordpress.com/2012/05/16/grothendieck-scientisme/ 3/8 Le credo du scientisme Mythe 1 Seule la connaissance scientifique est une connaissance véritable et réelle, c’est-à-dire, seul ce qui peut être exprimé quantitativement ou être formalisé, ou être répété à volonté sous des conditions de laboratoire, peut être le contenu d’une connaissance véritable. La connaissance « véritable » ou « réelle », parfois aussi appelée connaissance « objective », peut être définie comme une connaissance universelle, valable en tout temps, tout lieu, et pour tous, au-delà des sociétés et des formes de culture particulières. Commentaires : Les sensations et expériences comme l’amour, l’émotion, la beauté, l’accomplissement, ou même l’expérience primaire du plaisir et de la douleur sont rayées du royaume de la connaissance valable, pour autant du moins qu’elles ne sont pas englobées dans une théorie scientifique. Ni Jésus ni Sapho ne savaient rien de l’amour ! Ceci restreint la « connaissance véritable » aux quelques millions de scientifiques de la planète. Les bébés et les enfants n’ont aucune connaissance digne de ce nom, ainsi que tous ceux qui n’ont pas reçu de formation scientifique. La connaissance véritable commence avec les derniers semestres de l’éducation universitaire. Une autre conséquence de ce mythe est que, la morale étant objet de connaissance, elle doit être approchée avec la méthodologie scientifique ; ceci conduit à ce que la science devienne le fondement de la morale. Ce qui suit constitue une réciproque du mythe 1. Mythe 2 Tout ce qui peut être exprimé de façon cohérente en termes quantitatifs, ou peut être répété sous conditions de laboratoire, est l’objet de connaissance scientifique et, par là même, valable et acceptable. En d’autres termes, la vérité (avec son contenu de valeur traditionnel) est identique à la connaissance, c’est-à-dire identique à la connaissance scientifique. Commentaires : La guerre et nombre de ses aspects peuvent être insérés dans des théories scientifiques diverses : économie, stratégie (en tant que chapitre de la théorie des probabilités ou de l’optimisation), psychiatrie, médecine, sociologie… Une nouvelle science, la polémologie, ou science de la guerre, a même été créée par des pacifistes bien intentionnés. La guerre est acceptable, étant un objet d’investigation scientifique. D’autant plus qu’on lui assigne une importante fonction régulatrice pour les processus démographiques et économiques, et stimulatrice pour la science et la technologie. Ce qu’une telle guerre peut signifier pour ceux qui la supportent ou ceux qui la font, est hors de propos car subjectif – sauf comme objet d’enquêtes « scientifiques », à buts souvent manipulatoires, ayant comme objectif de réduire le vécu à des statistiques. 17/01/2022 13:12 Alexandre Grothendieck, La nouvelle église universelle, 1971 – Et vous n’avez encore rien vu… https://sniadecki.wordpress.com/2012/05/16/grothendieck-scientisme/ 4/8 Mythe 3 Conception « mécaniste » ou « formaliste », ou « analytique » de la nature : le rêve de la science. Atomes, molécules, et leurs combinaisons peuvent être entièrement décrits selon les lois mathématiques de la physique des particules élémentaires ; la vie de la cellule en termes de molécules ; les organismes pluricellulaires en termes de populations cellulaires ; la pensée et l’esprit (comprenant toutes les sortes d’expériences psychiques) en termes de circuits de neurones [6], uploads/Philosophie/ alexandre-grothendieck-la-nouvelle-eglise-universelle-1971-et-vous-n-x27-avez-encore-rien-vu.pdf

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