Caietele Echinox, vol. 22, 2012: Imaginaire, Mythe, Utopie, Rationalité 47 FIFT
Caietele Echinox, vol. 22, 2012: Imaginaire, Mythe, Utopie, Rationalité 47 FIFTEEN YEARS AFTER: THE PHILOSOPHY OF THE IMAGES TODAY ABSTRACT Fifteen years ago Jean-Jacques Wunenburger published Philosophie des images, a book which ignored all the influential thinkers of the time, from Barthes and Foucault to Gom- brich, Francastel and Louis Marin. He by- passed them because he rejected their theo- retical foundation, i.e. Marx, Freud and Saus- sure. Instead he built on the insights of Mer- leau-Ponty and on a Jungian foundation, as developed by Mircea Eliade and systematized by Gilbert Durand. Jung’s oeuvre became the main source of inspiration for Wunenburger’s theory on myths and archetypes. Nevertheless, in this paper I underline the importance of Ernst Cassirer in building the modern concept of cultural discourse. I also bring into dis- cussion the “alternative” views of Hans Bel- ting and William J. Thomas Mitchell who focus their research on the material and social dimension of visual images, and of Georges Didi-Huberman who insists on a free, unsys- tematic approach to art. KEYWORDS Imagination; Sign and Symbol in Art; Concept, Image and Perception; Mental and Visual Image; Jean-Jacques Wunenburger. SORIN ALEXANDRESCU Université de Bucarest, Roumanie salexandrescu2005@yahoo.com 1. Préliminaires Paru en 1997 et repris par les Presses Universitaires de France en 2001, le volume La Philosophie des images a été traduit en roumain par Muguraş Constantinescu et publié chez Polirom en 2004, accompagné de ma postface. Je l’avais lu en français en 2002-2003 et j’avais immédiatement été frappé par sa richesse. Comme cette lecture coïncidait d’une certaine manière avec le début du Centre d’excellence pour l’étude de l’image (CESI) de l’Université de Buca- rest, j’ai vu dans le livre une sorte de sym- bole : il nous offrait une synthèse des tra- vaux déjà accomplis et nous incitait à les poursuivre en Roumanie. C’est aussi à cette époque que j’ai rencontré Jean-Jacques Wu- nenburger grâce à l’amabilité de Ionel Buşe, mon collègue de Craiova, et c’est tout de suite après que je l’ai invité pour des con- férences et des cours à Bucarest. Le lance- ment de la traduction roumaine à Jassy et à Bucarest nous a permis de nous rencontrer de nouveau et je me rappelle tout particu- lièrement le long retour par train de Jassy qui m’a offert l’occasion de le connaître un peu mieux et de ressentir pour lui une vive amitié, qui n’a guère changé depuis. La postface en roumain publiée il y a huit ans et que Wunenburger n’a pu lire, je le crains, qu’avec beaucoup de difficulté, Sorin Alexandrescu Quinze ans après : La Philosophie des images aujourd’hui. Essai de biographie intellectuelle Sorin Alexandrescu 48 essayait d’expliquer le parti pris de l’auteur par rapport aux études des images faites ailleurs tout en le distinguant de celles-ci. La différence provenait de son appartenance à certaines traditions philosophiques fran- çaises et européennes ; il les défendait d’une manière toujours explicite, tout en évitant de trop insister dans sa polémique avec d’au- tres tendances. Je me suis fait cependant un devoir envers le lecteur de les évoquer ici. Huit ans plus tard, et quinze ans après sa parution en français, la Philosophie des images garde, je pense, tous ses mérites : elle le fait maintenant dans un paysage théo- rique différent et par rapport à d’autres ap- proches et méthodes d’analyse. Reparler au- jourd’hui du livre de Wunenburger signifie donc s’interroger sur la façon dont il s’in- scrit dans ce nouveau contexte. En plus, nous voyons maintenant ce livre comme le centre d’une série de volumes, quelques-uns publiés ensuite, dont chacun applique la théorie dans un autre domaine: L’utopie ou la crise de l’imaginaire, 1979, Le sacré, 1981, 1986, L’imagination, 1991, 1993, La vie des images, 1995, le précèdent ; L’homme à l’âge de la télévision, 2000, Imaginaires du politique, 2001, L’imagi- naire, 2003, le suivent. Ceci fait que cer- tains problèmes, apparemment ignorés dans la Philosophie des images, sont repris plus facilement dans les autres volumes. 2. Contourner les modèles du moment Né en 1946, Jean Jacques Wunen- burger étudie à l’Université de Dijon, il est reçu à l’agrégation de philosophie en 1969 et il soutient sa thèse de doctorat sur l’institution et l’expérience de la fête en 1973. Il sera ensuite membre du Centre de recherches Gaston Bachelard sur l’imagi- naire et la rationalité à l’Université de Bour- gogne (Dijon), directeur de ce même Cen- tre, puis nommé professeur de philosophie à l’Université Jean Moulin (Lyon 3) et doyen de la Faculté de Philosophie de cette uni- versité. Une histoire intellectuelle de Wunen- burger doit tenir compte du fait qu’il choisit très rapidement l’étude de l’imaginaire à Dijon et que ce choix est fait en dépit de l’emprise sur la scène intellectuelle fran- çaise du marxisme et de la psychanalyse, aussi bien que de l’ascendant d’autres cou- rants de pensée, chacun dans un certain do- maine : l’histoire des mentalités, le structu- ralisme en anthropologie et la sémiologie dans les sciences humaines, y compris l’his- toire de l’art, où ses réverbérations offraient à l’époque autant de zones de résistance contre le courant majeur de l’analyse icono- logique. Wunenburger cherche un peu son che- min dans les années soixante-dix et quatre- vingt quand il publie sa thèse sur la fête (1977) et un ouvrage sur Freud (1985), puis il se consacre à l’imaginaire tout en réfléchi- ssant, en même temps, au sacré et, plus généralement, à la complexité de la raison dans La Raison contradictoire, 1990, Mé- thodologie philosophique, 1992 et enfin Questions d’éthique, 1993. Si l’on considère seulement la Philo- sophie des images, on remarque tout de suite l’absence d’intérêt de Wunenburger pour les méthodes courantes au temps de sa jeunesse, surtout dans les années soixante et Quinze ans après : La Philosophie des images aujourd’hui 49 soixante-dix. Le grand maître de l’analyse iconologique, Erwin Panofsky (1892-1968) avait alors publié ses livres les plus im- portants aux États-Unis1. Wunenburger ne cite cependant dans la Philosophie des i- mages que les livres plus anciens de Pa- nofsky : Perspective as Symbolic Form, 1927, à propos de la construction de l’es- pace (Philosophie, p. 128), et Idea. Ein Beitrag zur Begriffsgeschichte der älteren Kunsttheorie, 1924) (Philosophie, p. 117)2, ce dernier parce que l’idée comme « repré- sentation mentale » devient un modèle pour l’artiste. Par contre, les Essais iconolo- giques, bien que cités, ne sont pas discutés. Wunenburger utilise donc les travaux de Panofsky afin de préciser certaines sources culturelles de ses propres concepts et non comme modèles d’une analyse visuelle. Il en est de même pour E. H. Gombrich (1909- 2001), auquel Wunenburger renvoie à pro- pos de la mimésis (Philosophie, p. 127), mais dont il n’use jamais pour l’iconologie3. D’ailleurs, le concept d’ « iconologie » ne figure même pas dans l’index des notions de la Philosophie des images ! Si Wunenburger évite l’analyse iconologique, il élude aussi la critique retentissante de celle-ci faite par Hubert Damisch4. En tant qu’historien de l’art, Damisch a travaillé avec Merleau-Pon- ty et Francastel, ce qui l’aurait recommandé à l’attention de Wunenburger mais un seul de ses articles et encore marginal, est cité dans la Philosophie, p. 170 ; son alternative sémiologique à l’iconographie semble ne pas l’intéresser elle non plus. Nous pourrions déjà deviner les raisons de ces omissions. Notre auteur ne se pro- pose pas de (mieux) déchiffrer telle ou telle image visuelle, il veut simplement savoir comment un peintre imagine ces formes-là. En fait, il suit ici la voie de Kant qui ne cherchait pas à développer certaines con- naissances, mais à découvrir leurs condi- tions de possibilité. Autrement dit, Wunen- burger se demande comment les formes visuelles peuvent naître dans l’esprit de l’artiste, et dans le nôtre – ses observateurs et lecteurs –, puisqu’il est évident que la mi- mesis ne se contente pas simplement de copier la réalité. L’iconologie pouvait certes répondre à cette question en lui dévoilant le parcours culturel qui menait de certains mythes et textes à leur représentation sur la toile mais elle ne pouvait pas lui indiquer comment ces mythes eux-mêmes surgissent. En refusant la simple information culturelle, Wunenburger refuse de fait ce niveau théo- rique parce qu’il est à la recherche d’un autre niveau, plus profond. Wunenburger aurait cependant pu trou- ver un tel niveau et atteindre des signifi- cations de l’image autrement inaccessibles grâce à la recherche sémiotique de son temps, ou même aux écrits d’histoire de l’art influencés par la sémiotique. Pierre Francastel (1900-1970) avait publié La fi- gure et le lieu en 1967, à l’époque où Wu- nenburger faisait ses études, et il était re- vendiqué tant par l’histoire des mentalités que par un certain structuralisme. En plus, sa mort survint en 1970, au moment où Wunenburger préparait sa thèse de doctorat et il est difficile de croire qu’elle avait pu échapper à son attention. Pourtant, tout en citant Francastel, la Philosophie des images mentionne seulement le fait que l’espace de la peinture est construit : il n’est donc pas (seulement) un lieu perçu, mais (aussi) un lieu uploads/Philosophie/ alexandrescu-sori-la-philosophie-des-images-aujourdhui-pdf.pdf
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- Publié le Jan 24, 2021
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