1 La notion de « Personne » divine à partir des q. 8, 9 et 10 du De Potentia de
1 La notion de « Personne » divine à partir des q. 8, 9 et 10 du De Potentia de Thomas d’Aquin. 2 INTRODUCTION - Pertinence de l’œuvre par rapport à la Somme théologique. La majorité des biographes semble s’accorder sur la fait que le De Potentia recueille les questions très probablement disputées à Rome durant la première année d'enseignement de Thomas d’Aquin au studium de Sainte Sabine, en 1265 Ŕ 1266. Sa rédaction serait donc très légèrement antérieure au De Trinitate ( ST Ia, q.27 - 43) : l’idée de composer une Somme théologique « pour la formation des débutants » (ad eruditionem incipientium) serait venue à Thomas dès 1265, alors précisément qu’il enseignait à Sainte Sabine, et l’œuvre aurait été entreprise en 1266. Le De Trinitate et la Ia pars furent vraisemblablement commencés en Italie, avant que Thomas ne fût envoyé à Paris pour la seconde fois (1269)1. Contemporaine dans la pensée de Thomas d’Aquin, l’œuvre est plus fournie, et sur certaines questions plus aiguisée peut-être que la Somme, qui éclairera cependant bien évidemment de manière transversale les questions abordées ici. Nous avons choisi les questions 8, 9 et 10 qui concentrent le cœur de l’enseignement thomiste sur la Personne divine dans le De Potentia, et qui traitent respectivement des « relations éternelles en Dieu » (q.8), des « personnes divines » (q.9), et de leurs « processions » (q.10). Ces 3 questions comprennent en tout 18 articles : nous ne retiendrons que les plus pertinents pour notre sujet. On notera que dans le De Trinitate de la Somme, l’ordre de la réflexion thomiste est légèrement différent : La procession en Dieu (Ia q. 27), les relations (q.28), les personnes (q.29). Une synopse rapide serait la suivante : 3 DE POTENTIA DE TRINITATE (S.T. Ia) q. 8 ( Relations) a. 1 a. 2 a. 3 a. 4 Ia q. 28.1 et q.34.1 q. 28.2 et 29.4 q. 28.3 q. 9 ( Les Personnes div.) a.1 a.2 a.3 a.4 a.5 q.29.2 q.29.1 q.29.3 q.29.4 q.29.4 q. 10 ( processions) a.1 a.2 a.3 q.27.1 q.27.2 et 3 q.40.4 Sur le plan méthodologique, nous suivrons donc la trame proposée par le De Potentia pour cerner la définition de la Personne divine, abordant successivement les Relations (partie I), la Personne (II) et les Processions (III). Cette trame sera complétée par un double éclairage : celui Ŕ transversal - de la Somme théologique, et l’éclairage de la Tradition (principalement avec Augustin, Jean Damascène et Boèce), que nous citerons surtout en notes pour ne pas alourdir le corps du texte. I – LES RELATIONS EN DIEU 1 – leur réalité : De Pot. q. 8.1 ( S.T., Ia, q.28.1 et q.34.1) Les relations en Dieu sont réelles. Elles ne sont pas des relations simplement de raison, ce qui fut l’hérésie de Sabellius selon lequel les personnes « ne seraient distinguées que par leur nom » (respondeo). Une telle hérésie fait reposer la distinction seulement sur l’arbitraire d’une appellation et autoriserait donc à dire que le Père est le Fils et inversement. Thomas s’appuie sur l’autorité des Pères, selon lesquels la Trinité est réelle en Dieu (Augustin2), et donc également réelle est la relation qui seule peut multiplier la Trinité 1 Cf. l’introduction biographique de la Somme Théologique ( Paris, Cerf, 1984) par Marie Joseph NICOLAS, selon lequel la rédaction de la Ia pars seraient plutôt parisienne. p. 22. 2 AUGUSTIN, De Trinitate, I, IV, 7 : « Tous les interprètes de nos livres sacrés, tant de l’ancien Testament que du nouveau que j’ai lus, et qui ont écrit sur la Trinité, le Dieu unique et véritable, se sont accordés à prouver par l’enseignement des Ecritures que le Père, le Fils et l’Esprit-Saint sont un en unité de nature, ou de substance, et parfaitement égaux entre eux. Ainsi ce ne sont pas trois dieux, mais un seul et même Dieu. Ainsi encore le Père a engendré le Fils, en sorte que le 4 (Boèce3). Dans la Somme (q.28.1), Thomas se contente d’affirmer la Révélation de Dieu comme Père, Fils et donc la réalité des relations qui en découlent ( paternité, filiation ). Cette distinction réelle en Dieu ne saurait être absolue, « parce que ce qui est attribué à Dieu dans l’absolu signifie son essence » (resp.), et que celle-ci demeure une. Le respondeo interroge en détail le mode de relation réelle possible en Dieu : il ne saurait être celui de la quantité ( plus grand Ŕ plus petit, etc...) pour la raison simple qu’en Dieu « la quantité ne peut pas exister ». Il est donc selon l’action. « La relation réelle en Dieu découle de l’action immanente dans l’agent » ( pas de passion en Dieu). Ces actions en Dieu sont « l’intellection et le vouloir » ( pas de sensation en Dieu). Ainsi, la Paternité en Dieu est d’ordre « intellectuelle », et donc parfaite, précise Thomas en citant Denys cette fois4. Il s’agit de penser un rapport d’origine (paternité) ne confondant pas le principe et la fin. Le rapport de Paternité (intellectuelle), rapport de connaissance, peut s’orienter vers 4 objets : ce qui est pensé, l’espèce intelligible par laquelle l’esprit devient en acte, l’action de l’esprit (i.e. l’intellection), et enfin le concept de l’esprit (se pensant lui-même). Par ce dernier, « notre esprit comprend ce qui est autre que lui, vient d’un autre et le représente ». En transposant en Dieu, seul ce dernier ne multiplie pas l’essence divine et lui est convenable. En effet, en Dieu, « l’intellection est son être propre » et ce verbe intérieur « n’est pas hors de l’être qui pense, ni non plus de son intellection » ( ce qui n’est pas le cas en nous5). Il est donc apte à qualifier le Fils, qui est Verbe. « Ainsi donc en Dieu on peut trouver l’origine de l’un à partir de l’autre, à savoir celle du Verbe et de celui qui le profère, tout en conservant l’unité de l’essence » (resp.). Fils n’est point le Père : et de même le Père n’est point le Fils, puisqu’il l’a engendré. Quant à l’Esprit-Saint, il n’est ni le Père, ni le Fils; mais l’Esprit du Père et du Fils, égal au Père et au Fils, et complétant l’unité de la Trinité. » 3 BOECE, De Trinitate, VI, P.L. t. LXIV, col. 1254 : « C’est dans la prédication de la relation en Dieu que se réalise la pluralité de la Trinité; mais l’unité est conservée en tout ce qui est commun, substance, opération ou tout attribut absolu ( secundum se ). Ainsi donc, la substance contient l’unité, la relation multiplie la trinité. C’est pourquoi seuls sont cités un à un et séparément les termes qui sont propres à la relation. Car le Père n’est pas le même que le Fils et ni l’un ni l’autre ne sont les mêmes que le Saint Esprit. Cependant c’est le même Dieu qui est Père, Fils et Saint-Esprit, le même juste, le même bon, le même grand, le même toute propriété prédicable selon soi. On doit absolument savoir que la prédication relative n’est pas toujours du type de la prédication vers le différent, comme par exemple l’esclave envers le maître ils sont en effet différents. Car tout égal est égal à l’égal, tout semblable semblable au semblable et le même est le même que le même La relation dans la Trinité du Père envers le Fils et de l’un et l’autre envers le Saint-Esprit est semblable à la relation du Même au Même. Et si une relation de ce type ne peut se rencontrer dans le reste des réalités, c’est que l’altérité a un rapport naturel avec les réalités périssables. Mais il ne faut pas nous laisser disperser par l’imagination, mais au contraire nous élever par l’intellect simple et avec l’intellect encore, aborder chaque chose de la façon dont elle peut être saisie par notre intelligence. » Le Dictionnaire de Théologie Catholique ( DThC, art. « relations divines », coll. 2139 ) met en parallèle la formule d’Isidore de Séville : « Dans la relation des personnes, la Trinité, dans la substance de la nature, un seul Dieu , qui est le Père, le Fils et l’Esprit Saint » ( in Differentiae, 1. II, diff.2, PL , t. LXXXIII, col. 71 ) 4 DENYS L’A., Les noms divins, XI 5 « car il [un tel verbe en nous] ne vient pas de l’essence mais est pour ainsi dire son patient », précise Thomas. 5 La S.T. Ia, q. 34, a.1 reprend synthétiquement le même raisonnement, s’appuyant sur Jean Damascène. La relation est réelle en Dieu car le Fils est « Verbe » (nom personnel et non essentiel) : Par définition, le concept intérieur procède d'un principe: la connaissance de l'esprit qui le conçoit. Aussi, appliqué à Dieu au sens propre, « le Verbe » signifie une réalité qui procède: et cela se rattache en Dieu, à la notion des noms de personne, puisque les Personnes divines se distinguent par l'origine. uploads/Philosophie/ la-notion-de-personne-divine.pdf
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- Publié le Aoû 06, 2021
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